La Princesse de Clèves

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La Princesse de Clèves, d’après le roman de Madame de La Fayette, mise en scène et interprétation de Marcel Bozonnet.

 

Sur le plateau, un cadre rectangulaire au ras du sol et à peine esquissé que dessinent des montées progressives ou dégressives de lumière, c’est l’espace même de la cour ; ou plus tard, la chambre de Madame de Chartres, la mère de la Princesse de Clèves ; ou encore la villégiature de la jeune épousée dans les bois de Coulommiers. Il n’est besoin d’aucun meuble, ni d’aucun accessoire, le vide seul est propice à l’imaginaire du spectateur investi par le déploiement de l’écriture vive de Madame de La Fayette que l’interprète/metteur en scène dévide patiemment.
Le public assiste à une conversation de salon du dix-septième, et pour la compréhension claire de l’intrigue du roman, à l’égrènement de tirades distribuées entre tous les personnages bien nés, princes et reines, qui manient naturellement et avec art, l’allusion et le sous-entendu à travers imparfaits du subjonctif et subordonnées savamment articulées et dépliées. L’acteur incarne tous les rôles.
C’est une façon de mettre en lumière sous son plus bel atour et pour le plus bel effet telle situation ou telle adresse lancée, tel aspect historique de la cour en cette fin de règne de Henri Le Second. À la manière de la première apparition à la cour de la Princesse de Clèves : «Il parut alors à la cour une beauté qui attira les yeux de toute le monde », Marcel Bozonnet surgit pareillement sur la scène dans un splendide costume Henri II façonné par  Patrice Cauchetier, spécialiste des atours princiers d’époque. Marionnette, fantoche ou bouffon, l’acteur ainsi vêtu est un courtisan à part entière, installé dans des décors que l’on devine magnifiques auprès d’autres sujets du Roi aux costumes brillants sur une scène somptueusement éclairée, un temps et un espace où la règle et l’étiquette sont absolues.
Comment les sentiments intimes peuvent-ils trouver droit de cité dans un tel univers codé et rigide ? L’amour ne trouve son salut que dans l’ombre et les refuges secrets de la conscience, ou bien la passion ne s’avoue pas à elle-même, ce que sait d’expérience,  Madame de Chartres mais pas encore sa fille, la Princesse de Clèves, qui fait l’épreuve du coup de foudre avec M. de Nemours et non pas avec M. de Clèves.
Une réalité affective que maîtrise avec habileté l’auteure, Madame de La Fayette, qui ouvre ainsi en littérature à l’initiation introspective de l’être, avant l’heure. La chorégraphe Caroline Marcadé sculpte pour l’interprète une statuaire inouïe, des figures de tableaux ou de sculptures qui seraient descendues de leur cadre ou de leur piédestal et auraient pris magiquement vie sur la scène : postures royales et cérémonieuses, maintiens baroques d’apparat, figures hautaines et combattives, terrassements corporels quand la fin de la vie survient, gisements ou repliements macabres.
La langue de Madame de La Fayette, la gestuelle dansée de l’acteur, les temps de pause et de silence, tout participe à l’émerveillement d’un monde que l’art croyait éternel. Or, le comédien joue à ravir des changements de tons et de voix, des glapissements, des cris intérieurs tout juste contrôlés qui traduisent l’immense violence des sentiments et des mœurs courtisanes, comme si, à côté de la minutie précautionneuse de la cour guettait toujours le goût âpre du sang de la guerre et de la chasse qui gît en tout homme. On ne se lasse pas d’admirer cette Princesse de Clèves plus vraie que nature, sublimée paradoxalement et rendue à la vie par l’art.

 

Véronique Hotte

 

Théâtre de la Bastille 75011 jusqu’au 19 janvier 2014 à 21, dimanche à 17h. T : 01 43 57 42 14

 

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