Andromaque

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Andromaque de Jean Racine, mise en scène de Frédéric Constant.

 Pour cette tragédie en cinq actes (1667), Racine- il n’avait que  vingt huit ans!- s’est inspiré de l’Iliade, de L’Enéide mais aussi d’Andromaque, et des Troyennes d’Euripide, pièce adaptée plus tard par Sénèque. Cela se passe après la trop longue guerre de Troie, en Epire,  au palais de Pyrrhus, le fils d’Achille.
Oreste,
ambassadeur des Grecs, est venu, accompagné de son fidèle ami Pylade, pour faire tuer  Astyanax, le fils d’Hector et d’Andromaque, de façon à rompre, à terme, le cycle infernal de la vengeance, et à installer enfin la paix, puisqu’il n’y aurait plus ainsi de survivant troyen.
Mais Oreste est venu aussi… revoir Hermione, la fille de Ménélas; il l’aime toujours mais elle s’intéresse peu à lui. Bref, une fois de plus, l’histoire personnelle va croiser sa sœur, l’histoire collective. Bon terreau pour  une tragédie…
En fait, Hermione est amoureuse de Pyrrhus, qui, lui est amoureux d’Andromaque  qui, elle, est encore amoureuse d’Hector, tué par Achille: situation explosive qui peut déclencher une guerre à cour terme. De façon pas très élégante, Pyrrhus pratique alors un petit chantage: ou Andromaque lui cède, ou il livre Astyanax à Oreste. Mais revirement: Hermione est d’accord pour partir avec Oreste… si Pyrrhus refuse de livrer  l’enfant.
Mais Pyrrhus a décidé de le lui remettre,  et de se marier avec Hermione, même s’il garde un faible pour Andromaque. Mais, dans ce cas, Oreste perdrait Hermione;  il pense donc l’enlever  de force.
Andromaque supplie alors Hermione d’intervenir auprès de Pyrrhus pour sauver
Astyanax . Mais  elle refuse et s’en va. Pyrrhus prend pitié de la veuve d’Hector et décide de ne pas  livrer  son enfant si… elle   accepte le mariage. Bref, la situation est bloquée: elle accepte en effet mais dit à sa confidente qu’elle se tuera aussitôt.
Hermione sent le danger, et dit à Oreste qu’elle a toujours l’intention de partir avec lui mais, pour se venger, elle exige d’abord qu’il tue Pyrrhus, lors de son mariage. Il donne son accord mais elle lui rappelle  aussi  qu’il a tué Priam, le roi de Troie et père d’Hector, et Polyxène, la petite sœur d’Hector. En fait, Hermione  ne sait plus trop, si elle veut ou non la mort de Pyrrhus, qu’elle aime mais qui l’a trahie.
Oreste lui annonce alors fièrement qu’il a fait tuer Pyrrhus, ce qui désespère Hermione qui se suicide sur son corps. Oreste, lui,   sombrera dans la folie avant de s’enfuir. Quant à Andromaque, elle veut  venger  Pyrrhus.
Pour Frédéric Constant, l
a guerre, est un des acteurs principaux de la pièce; il s’y intéresse depuis longtemps et  a  donné comme sous-titre à  son AndromaqueChronique des temps de guerre et  décidé d’accompagner  cette création, de trois  autres: Tableau autour de G, sur le thème de la guerre de Troie, Enéas, Neuf  »qui s’intéresse à l’exode de ceux qui sont jetés sur les routes par la violence du monde » , et enfin Astyanax voit rouge, « rêverie sur les mécanismes du pouvoir ».
Frédéric Constant pense avec raison que  les désirs individuels des personnages dans Andromaque,  sont toujours liés à une histoire collective, avec « l’inscription d’une intrigue amoureuse dans l’horizon sanglant de la guerre ». C’est une vieille histoire, hélas encore bien actuelle, où le futur rejoint le passé, dans un présent plein de fureur, avec des morts en série: une enfant, Polyxène, a été tuée autrefois et un autre enfant,  Astyanax, en est maintenant l’enjeu, puisque Pyrrhus aime une Andromaque, encore amoureuse d’un mort.
Le metteur en scène situe l’action dans l’entre-deux des guerres 14-18 et 39-45,  où un conflit était encore bien présent et où le suivant se dessinait déjà… Sur le plateau, une grande verrière, diffuse une lumière assez glauque sur de hauts murs noirs;  » L’alexandrin racinien dans le bouche et le corps d’un ambassadeur des années 20, dit-il, nous parait un pari fertile ». On veut bien mais ce n’est pas un pari au sens strict du terme mais plutôt un habillage…
Le prologue écrit par Constant rappelle la situation issue de la guerre de Troie, ce qui n’éclaire en rien la pièce et allonge inutilement le spectacle. Et parmi l
es choses anecdotiques et racoleuses, il aurait pu nous épargner ces images inutiles- la vidéo a encore frappé, tous aux abris!-  comme cette petite promenade dans l’ancienne Maison de la Culture de Bourges,  en travaux et donc pleine de gravats, sans doute pour évoquer les ravages de bombardements, ou à la fin, la mer avec son écume, et Oreste buvant une canette de bière, des allers-et-retours dans la salle, les gesticulations de Pyrrhus comme d’Oreste, et ces musiques en intermède sans aucune unité qui vont du Didon et Enée de Purcell, au célèbre:  » Ne me dis pas que tu m’adores, chanté par Joséphine Baker ou à Spiegel im Spiegel d’Arvo Pärt… Il aurait pu  aussi nous dispenser  de ces changements inutiles et trop fréquents de costumes style 1930 et pas très beaux, comme les pratiquent souvent les  théâtres de boulevard. Même si Voltaire remarquait finement qu’il y avait des scènes de comédie dans cette tragédie, ce n’était peut-être pas la peine d’en rajouter… Et il aurait mieux valu supprimer l’entracte qui casse le rythme…
Cela dit, le travail de Frédéric Constant est rigoureux,  et il a privilégié le « profond parfum de la parole qui nous pénètre tout entier, c’est le sens » comme le disait Paul Claudel, dont il cite cette phrase que l’on pourrait mettre en exergue de sa mise en scène. Et on entend le texte de Racine, comme rarement, dans cet auditorium du conservatoire de Bourges à l’impeccable acoustique. Et il a des acteurs solides, et tout à fait crédibles,  dont le meilleur est sans doute Frank Manzoni (Oreste).
Il y a aussi de très beaux arrières-plans sonores dus à Christine Moreau (rafales de mitraillettes, bruits inquiétants de voitures… ), comme dans la très fameuse Electre de Sophocle mise en scène par Antoine Vitez,  rappellant, en écho au texte, la présence de la guerre qui a envahi et façonné les sentiments des personnages, la guerre comme élément de mémoire collective et  menace permanente.
Bref, on est sans cesse entre les séquelles toujours atroces d’un conflit avec les deuils et les ravages  appartenant au passé récent, mais qui pourrit le présent de millions de gens, et l’inquiétude engendrée par ce même passé, et qui peut faire basculer le présent dans un avenir encore plus atroce … Et cela, on le sent bien dans la mise en scène de Frédéric Constant.
Au total, un spectacle assez rigoureux,  malgré les réserves indiquées plus haut,  et d’une grande honnêteté mais qui pourrait aller encore plus loin…

Philippe du Vignal
Spectacle vu à Maison de la Culture  de Bourges, scène nationale le 16 janvier; représentations au Quartz de Bretz du 21 au 23 janvier; à L’espace Malraux de Chambéry, les 26 et 37 mars et au Théâtre de la Croix-Rousse du 1er au 6 avril et du 8 au 11 avril.

Archive pour 18 janvier, 2014

Le Jeu des 1000 euros

 Le Jeu des 1.000 euros, d’après l’émission de France Inter, texte et mise en scène de Bertrand Bossard

 

Le_jeu-des-mille-eurosHistoriquement, Le Jeu des 1000 euros est une émission radiophonique créée en 1958 par Henri Kubnick; c’est le jeu de questions réponses de culture générale, et le plus ancien du paysage radiophonique français; il s’appelait Le Jeu des 1000 francs, jusqu’en 2001…
L’émission se déplace toute l’année dans de nombreuses- grandes ou petites- villes, et parfois même à l’étranger. Les questions sont posées par les auditeurs de la France entière, des plus faciles aux plus difficiles. Lucien Jeunesse a occupé le poste d’animateur de 1965 à 1995, repris par Louis Bozon jusqu’en 2008 et par Nicolas Stoufflet aujourd’hui.
Bertrand Bossard voit dans Le Jeu des mille euros une institution populaire, un rituel, une cérémonie, une liturgie républicaine qui fait appel à la culture et à la connaissance des candidats à travers, notamment des  citations d’auteurs.
Les moments les plus amusants de ce  spectacle sont ceux qui reprennent le jeu des questions/ réponses auxquelles tous se soumettent sur le plateau comme dans la salle, avec un esprit de répartie, convivial et bon enfant.
Quel est le nom en langue hindi de la philosophie défendue par Gandhi, traduite par « force de la vérité», une sorte de résistance de la non-violence ?
Réponse: « Satyagraha ».
Les relations interactives entre examinateur, candidats et public fonctionnent à tous les  coups. Bossard en animateur y met du sien, de l’enthousiasme et une fougue à revendre, relayé par son compère pour la technique et la régie, Vincent Berger, qui, lui, gère le métallophone, un xylophone qui tient lieu de carillon dans l’attente collective et stressante de la réponse juste.
Si ce n’est ce rendez-vous quotidien, cette fois posé sur une scène de théâtre, ici, les numéros ne s’enchaînent guère, et le spectacle souffre d’un rythme pesant pour l’insatisfaction prolongée du spectateur. Il y a bien le romantisme, et Goethe  qui provoque chez l’une des candidates (Louise Belmas) une colère et une crise d’agressivité incontrôlable ; il y a bien le préposé à la musique (Benjamin Farfallini) qui se rebelle contre la soumission de tout fonctionnaire, s’inspirant de L’Homme révolté de Camus.
Toutes ces ires déchaînées sont en porte-à-faux, même si elles illustrent l’état général de catastrophe dont Bossard et son compère nous font part, et  de façon fastidieuse, au début de la représentation. Déguisés en astronautes en combinaison spatiale sortis de 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, ils déplorent la fin des civilisations et le retour au chaos.
Un seul salut : refaire vivre Le Jeu des 1000 euros qui exigeait, dans un âge d’or perdu, lectures, connaissances, concentration et retour sur soi. Puis, à la fin, sans crier gare, après les noms propres de Racine et de Charlemagne et le nom commun de  cinéphile, on retombe sur le grand Deleuze : « Qu’est-ce que la création ? »
Les quatre lobes répertoriés et colorés du cerveau s’animent sur le plateau grâce aux quatre comédiens. Il y a de l’idée, une idée qui n’a pas fait son chemin ou n’a pas abouti. Un moment sublime pourtant, quand le musicien Gérald Kurdian se met à jouer et à chanter, un moment de grâce, enfin.

 

Véronique Hotte

 

Centre Dramatique National d’Aubervilliers jusqu’au 1er février, mardi et jeudi à 19H30, mercredi et vendredi à 20H30, samedi à 18h, dimanche à 16h. T : 01 48 33 16 16. 

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