Corps étrangers

Corps étrangers de Stéphanie Marchais, mise en scène de Thibault Rossigneux.

 La scène exhale une odeur d’humus et de cave. Dans l’ombre,  se profile une silhouette difforme. O’Weill, un géant « né tordu », erre dans le brouillard des bas quartiers de la ville. A ses trousses, Hunter, un médecin fasciné par l’immense squelette qu’il devine sous la peau de sa proie : «Un homme de cette taille est contraire à la nature et il est de mon devoir d’en alerter mes contemporains. De les informer sur le dedans du monstre. ».
Il veut savoir s’il a une âme,  et si elle est semblable aux autres. Son obsession le taraude et il soudoie Mac Moose, voisin d’O’ Weill, herboriste, pourvoyeur de cadavres pour la science,  afin d’en obtenir le corps au plus vite.Dans la langue charnue, rythmée et poétique qui est la sienne, Stéphanie Marchais propose une fable qui rejoint les figures des contes populaires. L’ogre n’est pas celui qu’on croit : le bon géant joue aux cailloux blancs avec la  fille de Hunter,  tandis que les monstres de la cupidité et de la folie complotent à sa perte.
Dans cette atmosphère crépusculaire, il semble tout naturel que le fantôme de sa fille, morte à dix ans,  hante, en chair et en os, le cœur du géant. Ou qu’un robot humanoïde parlant, qu’on utilise pour la formation des médecins, joue le rôle d’une prostituée rousse.
Thibault Rossigneux se plaît depuis des années à faire se croiser le champ du théâtre et celui des sciences, en favorisant des rencontres entre chercheurs et auteurs de théâtre. Avec cette pièce, il trouve de quoi nourrir son intérêt pour les deux disciplines. Il met en images l’univers étrange et fantastique de Stéphanie Marchais en le situant à mi-chemin entre une Angleterre à la Dickens et une sophistication ultra-contemporaine. Le polyester et une machinerie complexe cohabitent avec la tourbe du plateau, les branchages et les têtes d’animaux naturalisés de Mac Mosse, ou le vieux Traité d’anatomie de Hunter, créant un décalage onirique.
Les acteurs s’emparent avec justesse et jubilation de ce texte foisonnant : Philippe Girard, contrefait et juché sur des cothurnes de dix-huit cms, incarne avec poésie un personnage lunaire et pétri de chagrin mais sagement résigné. Daniel Blanchard est une sorte de sorcier mercenaire qui se vend au plus offrant. Mais on regrette le jeu  trop outré de Laurent Charpentier en Hunter.
Malgré quelques longueurs, il faut voir Corps étrangers pour l’originalité de la mise en scène et de l’écriture.

 Mireille Davidovici

 Théâtre de la Tempête, Cartoucherie T : 01 43 28 36 36  jusqu’au 16 février www. la tempête.fr ; le 18 mars à la Faïencerie de Creil 60100 Creil  T. 03 44 24 95 70  et le 20 mai aux ATP des Vosges, à Epinal T. 03 29 82 00 25 www.le sensdesmots.eu 

 Corps étrangers  est publié par Quartett Editions, 2010.

 

 

 

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