Une faille / «Hors-sol» saison 2/ épisodes 1-2

Une faille / « Hors-sol » Saison 2/ épisodes 1-2, texte de Sophie Maurer, mise en scène de  Bruno Geslin

3518067_14c85252-83c5-11e3-8542-00151780182c_545x341À son arrivée au Nouveau Théâtre de Montreuil, Mathieu Bauer, avait lancé en septembre 2012, le projet au long cours d’un feuilleton théâtral, devenu après huit épisodes un rendez-vous régulier  pour le public. Après avoir réalisé avec succès la première saison, Bauer a passé la main à Bruno Geslin avec, pour consigne, une thématique : la justice dans la cité.
Les personnages récurrents de la Saison1 ne sont pas sortis indemnes de leurs aventures passées. La faille les a enfouis dans le sous-sol de la ville mais ils en ont réchappé, et ils la portent maintenant en eux. Une sombre affaire judiciaire les réunit dans un Montreuil crépusculaire, et chacun est rongé par une obsession à la suite soit de la perte d’une élection, d’une mise en examen, de la disparition mystérieuse d’un personnage, ou encore d’une erreur judiciaire. Ils sont tous déboussolés, au cœur d’une cité elle-même inquiétante.

Il règne dans ces épisodes une toute autre ambiance que dans les précédents. Sombre, tourmentée et  à l’image du trouble intérieur des protagonistes, qu’ont rejoint de nouveaux personnages, dont une juge, guère plus rassurante. En écho à ces états d’âme, des projections vidéo quasi-permanentes établissent un hors-champ angoissant : un homme en cavale, des colonnes de migrants, des fugitifs, dans le style de vieux documentaires ou de films  en noir et blanc de gangsters.
Pour ajouter au trouble, le metteur en scène choisit de juxtaposer les espaces et les actions, en nous renvoyant à une réalité urbaine où la vie ne s’arrête jamais. La ville, toujours présente en arrière-plan, devient ici un élément dramatique à part entière. La sonorisation poussée des voix, les bruitages, la musique contribuent au vertige où   nous sommes  plongés.

Soigneusement orchestré et  découpé comme une série télé qui saute d’une séquence à l’autre, en passant par exemple, de la scène du crime à l’espace privé des enquêteurs ou de la victime, le spectacle veut brouiller les pistes au risque de nous en faire perdre le fil. Les acteurs, au jeu fébrile, paraissent eux-mêmes comme déroutés.. Le texte se mêle à la musique (Bravo Sylvain Cartigny!) et se fond souvent en elle, ce qui ne facilite pas le parcours du spectateur qui sort de là un peu K.O. , déstabilisé… Mais on attend la suite avec impatience: comme dans toute bonne série, on s’est attaché au destin des personnages! La mise en scène des épisodes 3-4 sera confiée à Pauline Bureau. Si l’on a manqué le début, on pourra aussi voir Saison 1 dans son intégralité. Ou pourquoi pas la revoir….

Mireille Davidovici

Un faille /Saison 2 Episodes 1-2 : 23 janvier – 15 février 2014 Episodes 3-4 : 20 mai-7 juin 2014 Une faille/ Saison 1 intégrale 28 février- 01mars  Nouveau Théâtre de Montreuil T. 01 48 7048 90. ; www.nouveau-theatre-montreuil.com


Archive pour 25 janvier, 2014

Looking for Lulu

Looking for Lulu, d’après Frank Wedekind, mise en scène de Natasha Rudolf.

C’est une adaptation de La Boîte de Pandore, une tragédie-monstre qu’écrivit l’auteur (1864-1918), en 1894 donc il y a déjà plus de cent ans, et on peut deviner le scandale qu’elle a pu provoquer à l’époque: Lulu est en effet une femme libre, absolument libre  et qui entend le rester et mener la vie qu’elle veut; en marge de la société et  très jeune, elle n’hésitera pas à se prostituer… et épousera trois hommes  qui vont tous mourir…

La pièce, dans la version actuelle ne fut donc ni éditée ni jouée du vivant de Wedekind, et qu’on la connut longtemps sous deux parties. L’auteur, en 1913,  pour une version qu’il jugeait définitive, avait en effet scindé sa pièce en l’Esprit de la terre et La Boîte de Pandore pour qu’elle puisse être jouée. En France, on a eu droit à des versions, disons expurgées, comme celle de Pierre-Jean Jouve qui a en avait retiré tout le parfum sulfureux ou presque. Peter Zadek, le grand metteur en scène allemand d’origine anglaise, la montera dans sa version intégrale… en 1988 soit presque un siècle après qu’elle ait été écrite.

Looking for Lulu, dit la metteuse en scène « est un  spectacle que nous avons créé à partir de ce texte. Les personnages principaux sont là : père, frère, mari, amant. Une histoire de famille en somme, avec ses repères et ses rendez-vous. Lulu est une vraie « créature « , « un animal » comme le dit son père, mue par une rare force de vie qui évolue dans un monde pensé par les hommes. Une créature prête à s’enthousiasmer pour n’importe quelle option, même abominable, pourvu qu’elle contienne en germe la survie. Ce faisant, elle nous met face à notre humanité et à notre possible monstruosité. »

On veut bien mais, au-delà de ces bonnes intentions, reste à les faire passer sur le plateau! Ici,  on est loin du compte; cet essai dramatique, conçu visiblement pour Sabrina Bus qui joue le personnage de Lulu avec une belle sensibilité et une  rage de convaincre le public, n’a pas la direction d’acteurs que la pièce exige. Sabrina Bus se débrouille toute seule, comme elle peut; quant à ses partenaires masculins, ils jouent de façon caricaturale, chacun de leur côté et sans nuances.
Ils ont peut-être compris le texte de Frantz Wedekind mais criaillent sans arrêt, à part Alexandre Jazédé qui  a parfois de bons moments. Comme nous le disait très lucidement une amie comédienne, ils jouent « en général » et ne savent pas où porter « leur énergie qui se barre avec la voix ». Certes Lulu est loin d’être une pièce facile! Mais donc autant ne pas faire n’importe quoi.

Natasha Rudolf veut faire contemporain-ce n’est pas si simple!-en plaçant un Mac- stéréotype actuel!- sur une grande table encombrante,  et toute sa mise en scène est de ce tonneau-là. Il aurait fallu mieux, et davantage,  travailler, si elle voulait situer la pièce de nos jours. Vouloir, par exemple, rendre Lulu provocante  en la faisant jouer les seins nus, poser comme modèle sur un escabeau, ou renverser des chaises pour manifester sa colère, tout cela est assez naïf! Adopter une  dramaturgie de théâtre pauvre, sans doute intelligente à la base, est une chose mais, faute peut-être, d’un temps suffisant de répétitions, cela trébuche à l’épreuve du plateau…
Le spectacle, tel qu’il est, présenté deux semaines à l’Opprimé, est là pour être vendu. Ce que voulaient sans doute acteurs et metteuse en scène, mais cela exigerait encore un long travail. Donc affaire à suivre…

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué au Théâtre de l’Opprimé, à Paris du 9 au 23 janvier.

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