Looking for Lulu
Looking for Lulu, d’après Frank Wedekind, mise en scène de Natasha Rudolf.
C’est une adaptation de La Boîte de Pandore, une tragédie-monstre qu’écrivit l’auteur (1864-1918), en 1894 donc il y a déjà plus de cent ans, et on peut deviner le scandale qu’elle a pu provoquer à l’époque: Lulu est en effet une femme libre, absolument libre et qui entend le rester et mener la vie qu’elle veut; en marge de la société et très jeune, elle n’hésitera pas à se prostituer… et épousera trois hommes qui vont tous mourir…
La pièce, dans la version actuelle ne fut donc ni éditée ni jouée du vivant de Wedekind, et qu’on la connut longtemps sous deux parties. L’auteur, en 1913, pour une version qu’il jugeait définitive, avait en effet scindé sa pièce en l’Esprit de la terre et La Boîte de Pandore pour qu’elle puisse être jouée. En France, on a eu droit à des versions, disons expurgées, comme celle de Pierre-Jean Jouve qui a en avait retiré tout le parfum sulfureux ou presque. Peter Zadek, le grand metteur en scène allemand d’origine anglaise, la montera dans sa version intégrale… en 1988 soit presque un siècle après qu’elle ait été écrite.
Looking for Lulu, dit la metteuse en scène « est un spectacle que nous avons créé à partir de ce texte. Les personnages principaux sont là : père, frère, mari, amant. Une histoire de famille en somme, avec ses repères et ses rendez-vous. Lulu est une vraie « créature « , « un animal » comme le dit son père, mue par une rare force de vie qui évolue dans un monde pensé par les hommes. Une créature prête à s’enthousiasmer pour n’importe quelle option, même abominable, pourvu qu’elle contienne en germe la survie. Ce faisant, elle nous met face à notre humanité et à notre possible monstruosité. »
On veut bien mais, au-delà de ces bonnes intentions, reste à les faire passer sur le plateau! Ici, on est loin du compte; cet essai dramatique, conçu visiblement pour Sabrina Bus qui joue le personnage de Lulu avec une belle sensibilité et une rage de convaincre le public, n’a pas la direction d’acteurs que la pièce exige. Sabrina Bus se débrouille toute seule, comme elle peut; quant à ses partenaires masculins, ils jouent de façon caricaturale, chacun de leur côté et sans nuances.
Ils ont peut-être compris le texte de Frantz Wedekind mais criaillent sans arrêt, à part Alexandre Jazédé qui a parfois de bons moments. Comme nous le disait très lucidement une amie comédienne, ils jouent « en général » et ne savent pas où porter « leur énergie qui se barre avec la voix ». Certes Lulu est loin d’être une pièce facile! Mais donc autant ne pas faire n’importe quoi.
Natasha Rudolf veut faire contemporain-ce n’est pas si simple!-en plaçant un Mac- stéréotype actuel!- sur une grande table encombrante, et toute sa mise en scène est de ce tonneau-là. Il aurait fallu mieux, et davantage, travailler, si elle voulait situer la pièce de nos jours. Vouloir, par exemple, rendre Lulu provocante en la faisant jouer les seins nus, poser comme modèle sur un escabeau, ou renverser des chaises pour manifester sa colère, tout cela est assez naïf! Adopter une dramaturgie de théâtre pauvre, sans doute intelligente à la base, est une chose mais, faute peut-être, d’un temps suffisant de répétitions, cela trébuche à l’épreuve du plateau…
Le spectacle, tel qu’il est, présenté deux semaines à l’Opprimé, est là pour être vendu. Ce que voulaient sans doute acteurs et metteuse en scène, mais cela exigerait encore un long travail. Donc affaire à suivre…
Philippe du Vignal
Le spectacle s’est joué au Théâtre de l’Opprimé, à Paris du 9 au 23 janvier.