Le Prince

Le Prince, création théâtre de Laurent Gutman, d’après Nicolas Machiavel.

 

lpr_140106_302Tout le monde le sait peut-être aujourd’hui, mais peut-être aussi n’est-il pas mauvais de le rappeler : Machiavel n’est pas le cynique et retors conseiller des tyrans que l’on croit, mais l’un des premiers (et définitifs) penseurs de la politique. Pour gagner le pouvoir et le garder, il y a un certain nombre de règles à suivre et d’erreurs à éviter. À bon entendeur, salut : ces règles et ces erreurs sont à la disposition de tous, peuples et princes. Et souvent, ni les uns ni les autres ne les lisent avec assez d’attention, ce qui donne des princes fragiles et des peuples opprimés.

Laurent Gutman a pris ce texte pédagogique à la lettre, en le mettant au théâtre sous la forme d’un stage pour futurs dirigeants. Il y a loin de la coupe aux lèvres, disait Musset, et du désir de pouvoir au pouvoir, constatons-nous. Les trois stagiaires pressés, vivement conseillés par une manageuse plus vraie que nature, s’emmêlent très vite les pieds là-dedans. Voilà, je suis prince : encore faut-il exercer le pouvoir, c’est-à-dire tenir compte au mieux (de ses intérêts) des autres, de l’entourage, des serviteurs, et quand même, du peuple.
Le peuple, là, devant eux, c’est nous, le public. Celui-ci se prête assez facilement au jeu (il y a peut-être bien des « barons » dans la salle…), protestant contre l’injustice des jets de bonbons (il n’y en a pas pour tout le monde) et refusant de payer aucune taxe, ayant déjà payé son billet… Quant aux candidats au pouvoir, éliminés aussi vite qu’à la télé, ils ont le droit de revenir et de tenter à nouveau leur chance.
À chaque échec, Machiavel en personne leur livre la sentence et la réflexion qui les eussent fait garder leur place, s’ils avaient eu le courage de les lire. À chaque tentative, ils sont solennellement intronisés, avec une petit cérémonial tout à fait royal. Et, bien entendu, finissent par faire des progrès en « machiavélisme ».

On aura compris que le spectacle est cocasse à souhait. Il est aussi très intelligent. La forme aurait pu être quelque peu répétitive mais cet écueil est évité en dressant peu à peu la manageuse et Machiavel l’un contre l’autre. Laurent Gutman donne une nouvelle dimension aux jeux du pouvoir. Les trois stagiaires ont aussi appris à composer ensemble : sous la direction musicale d’un Machiavel patient, leurs parenthèses chantées passent d’une horrible cacophonie à une indéniable harmonie.
Le Prince doit-il déléguer ou tout contrôler ? Peut-on rester au pouvoir si l’on paraît hésitant? Faut-il avoir des ennemis extérieurs pour rassemble son peuple derrière soi ? Un prince doit-il se faire aimer ou se faire craindre (pour Machiavel, compte-tenu de la nature humaine, la crainte est plus sûre) ? Voilà : face à des questions très actuelles de gouvernance, posées de façon directe et presque brutale, et l’on imagine bien les dérapages possibles dans cette situation, c’est l’intelligence qui reprend les rênes.
Enfin, la politique redevient passionnante. Conviction certainement partagée par Christiane Taubira, venue assister au spectacle en connaisseuse. Bref, à ne pas manquer. À défaut, plongez-vous dans la lecture du Prince, le texte est en vente libre.

 

Christine Friedel

 

Le 28 janvier à La Passerelle, Scène Nationale de St-Brieuc T : 02 96 68 18 40, et les 25 et 26 mars au Théâtre Anne de Bretagne de Vannes T : 02 97 01 62 00

 


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