Candide
Candide de Voltaire, adaptation et mise en scène d’Emmanuel Daumas.
Dans le célèbre conte de Voltaire, il était une fois un jeune homme simple mais bâtard comme on disait qui vivait au château du baron de Thunder-ten-tronckh qui se trouve en Westphalie et maître Pangloss, un philosophe enseignait la « métaphysico-théologo-cosmolonigologie », et prétendait que comme Leibniz tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Mais Candide, tombé amoureux de Cunégonde, la jeune fille du baron, va être chassé à la suite de caresses un peu trop osées, Candide va alors entreprendre de découvrir le monde, mais, on s’en doute, ne va pas être déçu du voyage! Il est enrôlé de force dans l’armée bulgare, dont les soldats violeront Cunégonde.
Quant à Pangloss, déjà atteint par la vérole, il sera pendu à Lisbonne au cours d’un autodafé. Et Candide, bien plus tard, retrouvera sa Cunégonde… maîtresse d’un grand inquisiteur; mais c’est pour lui le début de multiples aventures semées d’épreuves iniatiques… Il aura ainsi pu observer à loisir, la souffrance et la misère humaines, identiques une peu partout, que ce soit en Italie, Turquie, Argentine, Paraguay…. Avec Paquette, la servante du château de Thunder-ten-tronckh et de son amant, le moine Giroflée, Candide finira sa vie , selon la fameuse formule, en cultivant son jardin…
Quel scénario sublime! Et le conte, plus de deux siècles et demi après sa parution, n’a rien perdu de son insolence; Voltaire, exilé à Genève, s’y livre à un jeu de massacre éblouissant où il ne se prive pas de dénoncer l’optimisme de Leibniz et les horreurs de son époque, naturelles comme le tremblement de terre de Lisbonne, ou politiques, comme les multiples guerres sanglantes, dont celle de Sept ans.
C’est, très curieusement la première fois qu’une adaptation de Candide a les honneurs de la Comédie-Française, alors que nous en avons vues un peu partout en France, et même à New York en comédie musicale, signée Léonard Bernstein… il y a déjà quarante ans!
Emmanuel Daumas a choisi les moments de ce conte philosophique qui lui paraissaient le mieux convenir pour ce format poche, avec des scènes qui reprennent les fameux dialogues où Voltaire remet en question les idées dogmatiques à la mode, et d’autres scènes qui privilégient le récit, avec une petite teinture brechtienne, assez bienvenue. Beaucoup de choses sont donc simplement suggérées, comme l’autodafé ou la pendaison de Pangloss. Et Daumas a eu raison de mettre l’accent sur la joie érotique qui parcourt Candide pour le plus grand plaisir des jeunes lycéennes qui peuplaient la salle, tout émoustillées d’apercevoir Candide sodomiser Cunégonde…
Voltaire, comme dit Emmanuel Daumas, se révolte et veut se débarrasser de Dieu et s’émanciper une fois pour toutes de la religion et de ses prêtres, dont on a imagine mal le poids moral qu’ils faisaient peser sur la société de son temps, et en particulier, sur la sexualité des jeunes femmes. » Cette version de Candide , dit-il, a été pensée pour un spectacle d’une heure sur un petit plateau. L’enjeu, ici, est de détourner l’idée de l’épopée, du grand voyage initiatique, pour rendre compte de quelque chose qui ne soit pas spectaculaire ».
Et le pari est tenu; cela se passe dans une sorte de hall d’attente assez sinistre, avec deux appliques kitch, et des vitrines sur roulettes pleines de vaisselle, et où il y a, dans le mur du fond, des passe-plats donnant sans doute sur une cuisine; cela fait penser au décor délirant de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff pour Lapin-Chasseur.
Cette remarquable scénographie est signée Katrijn Baeten et Saskia Louvant; elles ont aussi dessiné, avec bonheur, des costumes contemporains de soirée du genre un peu désuets, avec des boas de fourrure pour les comédiennes, dans une parfaite unité avec le décor et les lumières intelligentes de Bruno Marsol.
C’est excellemment interprété par cinq acteurs qui, parfois, jouent plusieurs personnages: Serge Baldassarian, (le baron de Thunder-ten-Tronck), puis le valet Cacambo, Claude Matthieu (la baronne) Julie Sicard ( Cunégonde), Laurent Lafitte en Pangloss et Laurent Stocker qui joue Candide en parfait ahuri. Ils savent bien rendre le climat très particulier de ce conte, sans en faire des tonnes, avec une grande précision, même s’il y a parfois quelques petites longueurs.
Cette heure de spectacle est tout à fait jubilatoire. Sur ce petit plateau, et dans une grande proximité avec les spectateurs, les acteurs de la Comédie-Française, bien dirigés dans une mise en scène efficace qui n’a rien de de prétentieux, sont visiblement heureux de travailler ensemble, et cela se sent. Bref, bravo! cela fait oublier le redoutable Hamlet de la salle Richelieu, et c’est un vrai bonheur pour le public…
On peut simplement espérer sans trop y croire, vu la charge habituelle des comédiens du Français, que ce Candide parte en tournée et fasse aussi la joie du public provincial. Après tout, le musée du Louvre a bien une antenne à Lens… Tiens une idée pour Murielle Mayette avant qu’elle ne quitte son poste d’administratrice. Aucun rapport , du Vignal, vous êtes encore plus fou que d’habitude!
Philippe du Vignal
Studio-Théâtre Pyramide du Louvre jusqu’au 16 février.