Les Aveugles

Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Daniel Jeanneteau, création musicale et sonore d’Alain Mahé

 

6 Visuel Aveugles«Une très ancienne forêt septentrionale, d’aspect éternel, sous un ciel profondément étoilé… Il fait extraordinairement sombre, malgré le clair de lune qui, çà et là, s’efforce d’écarter un moment les ténèbres des feuillages», ce sont les premiers mots d’une pleine page de didascalies  aussi précise qu’une peinture.

Figure du symbolisme au théâtre à la fin du XIX ème siècle, l’auteur de Pelléas et Mélisande et de La Mort de Tintagiles apporte ici étrangeté et tragique. Daniel Jeanneteau place le spectateur dans un univers de silence et de nature, en lui faisant percevoir ce qu’est la cécité, avec un épais brouillard qui règne dans le théâtre où on doit chercher sa chaise à tâtons, et où on va se remplir d’étranges sensations.

Pas de plateau, donc aucune séparation entre acteurs et spectateurs; d’imperceptibles bruits commencent à se faire entendre, proches ou lointains, et voyagent autour de nous:  porte qui craque, eau qui coule, pépiements d’oiseaux. On entend aussi comme des murmures, des prières, des voix qui sortent d’on ne sait où, et se répondent en écho d’un bout de la salle à l’autre. « Il ne revient pas encore ? » dit  l’un d’eux « Vous m’avez éveillé » dit  un autre… « Il fait froid depuis son départ… » « Il faudrait savoir où nous sommes ».
Le prêtre qui les a sortis de l’hospice et les a amenés au milieu de cette nature sauvage, a disparu, et trois Aveugles-nés, le plus vieil Aveugle, le cinquième et le sixième Aveugle, trois vieilles Aveugles en prière, la plus vieille Aveugle, une jeune Aveugle, une Aveugle folle qui porte sur les genoux un enfant: « Tous semblent avoir perdu l’habitude du geste inutile et ne détournent plus la tête aux rumeurs étouffées et inquiètes ».

Deux notes, lancinantes, renforcent l’idée de solitude, et l’appréhension de la distance entre les personnages en est troublée. La pièce fondée sur l’attente, parle de l’absence. « Maintenant, je crois qu’il est allé chercher du pain et de l’eau pour la folle. Il a dit qu’il lui faudrait aller très loin… Il faut attendre… » La montée dramatique des cordes du koto accompagne le bruit de l’eau, et la promenade dans l’Ile qu’organisait l’énigmatique prêtre pour ses pensionnaires, s’est transformée en parcours initiatique où chacun se révèle. «Sommes-nous près de la mer ?… Oui, taisez-vous un instant, vous l’entendrez »… Et l’attente se prolongera, jusqu’à découvrir que le prêtre, leur guide, est au milieu d’eux, sans vie et déjà refroidi.
Formé à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs et à celle du Théâtre National de Strasbourg, scénographe de Claude Régy pendant une quinzaine d’années,  et de nombreux chorégraphes, Daniel Jeanneteau, directeur du Studio-Théâtre  depuis 2008, met en scène, avec intensité, ce poème dramatique qui porte en lui quelque chose de visuel et qui ouvre sur l’infini. Il a  donné ici de l’importance à l’architecture sonore sensible d’Alain Mahé, accompagnée par une partition fondée sur l’informatique et due à l’ I.R.C.A.M.

Entre Paul Claudel, pour la gravité et le lyrisme, et Samuel Beckett, pour l’attente de celui qui ne viendra plus, cette traversée ténébreuse a quelque chose de contemplatif et, quand le brouillard s’est dissipé-création lumières d’Anne Vaglio tout à fait remarquable-nous sortons de l’obscurité, troublés, découvrant enfin le visage des acteurs et leur position dans l’espace: « Moi, j’ai vu le soleil lorsque j’étais très jeune… Moi aussi ; il y a des années ; lorsque j’étais enfant ; mais je ne m’en souviens presque plus ».

 Brigitte Rémer

Studio-Théâtre de Vitry, du 23 janvier au 3 février, 18 avenue de l’Insurrection, Vitry-sur-Seine, T: 01-46-81-75-50 ; du 8 au 16 février, au Cent Quatre à Paris; les 14 et 15 mars, à la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne; les 11 et 12 avril, au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine.

 

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