constellations de Nick Payne
Constellations de Nick Payne, traduction de Séverine Magois, mise en scène d’Arnaud Anckaert.
Nick Payne appartient à la nouvelle génération de jeunes auteurs anglais qui raflent les prix.Constellations a été créée au Royal Court à Londres en 2012, et couronnée la même année par le prestigieux Harold Pinter Award.
C’est une histoire d’amour qui finit mal, comme d’habitude… mais ici, avec une fin tragique, mais calme, sans une goutte de sang, sans aucune violence, mais programmée, et inspirée à Nick Payne par la vie de son père. L’horreur absolue au sein d’un couple, et qu’on vous laissera découvrir…
Roland, un apiculteur a rencontré Marianne, une astro-physicienne, lors d’un barbecue et ils vont vivre ensemble. A priori, rien de commun entre cet homme entre deux âges et cette jeune femme.
Les dialogues paraissent tout simples comme chez Harold Pinter, singulièrement bien écrits avec des répliques courtes, incisives. Mais il y a bien sûr un sous-texte, comme chez Harold Pinter encore, plus important que le texte lui-même. Autant dire que le travail de direction d’acteurs est dans ce cas absolument capital…
Exemples: (Marianne chuchote ce qui suit à l’oreille de Roland : « J’aime le miel de chez Tesco. Le truc bien dégueulasse, avec les rayures bleues et blanches. ») -Roland: Y a pas de mal. -Marianne: Vraiment ? -Roland: Bien sûr. -Marianne: J’espère que je ne suis pas une menace pour les petits apiculteurs, honnêtes et travailleurs ? -Roland : Je ne pense pas, non. »
Bref, une relation amoureuse qui commence, comme des millions d’autres, avec tous les possibles: le temps qui passe, l’amour qui évolue, avec les grands bonheurs, les blessures au quotidien et les petites trahisons, les interrogations sans réponse, et, tout d’un coup, aussi imprévu qu’irréversible , le malheur fracassant qui frappe à la porte, et que le public, reçoit la gorge nouée, un peu cassé: le silence dans la petite salle de l’Hippodrome de Douai était impressionnant. Nick Payne, côté scénario et dialogues, sait faire, aucun doute là-dessus
Nick Payne employe des phrases sèches rapides et qui claquent: -Roland: Tu veux que je m’en aille? -Marianne: Ne le prends pas mal, mais ouais.-Roland: J’ai fait quelque chose de travers ? -Marianne: Non. -Roland: J’ai dit quelque chose, je t’ai froissée ? -Marianne:Non. -Roland: Alors je ne comprends pas. -Marianne: Je ne te demande pas de comprendre, je te demande de partir. -Roland: Putain, c’est un peu gonflé, non ? -Marianne: Pardon ? » Avec des répliques parfois très courtes et du genre cru, où tout est dit avec le plus grand cynisme, surtout de la part de Marianne: -Roland:Les six ou sept fois où vous avez couché, c’était d’affilée ou espacé dans le temps ? -Marianne: Espacé. -Roland: Vous êtes ensemble alors, vous voulez être ensemble?
On parle, on parle beaucoup chez Nick Payne, de relations amoureuses, mais aussi de la mécanique quantique et de la vie des abeilles, dans une sorte de ping-pong qui va vite devenir infernal; les deux personnages ne boivent même pas un verre comme dans les comédies américaines, ne mangent rien, même pas un yaourt ou un petit gâteau.
Ils parlent et le dialogue se poursuit avec parfois des phrases en boucle, dans une sorte de boîte en bois clair, imaginée aussi par le metteur en scène, absolument nue, sans une chaise; il y a juste une banquette dans le fond, où parfois, Roland et Marianne s’assoient.
Bref, la rigueur absolue pour ce huis-clos que les personnages ne quitteront pas, pendant un peu plus d’une heure. La direction d’acteurs d’Arnaud Anckaert est tout à fait remarquable, et de la même qualité que celle d’Orphelins de Dennis Kelly, autre jeune auteur britannique, qu’il avait mis en scène au dernier festival d’Avignon (voir Le Théâtre du Blog). Et on assiste, avec un regard d’entomologiste, à cet échange entre Marianne et Roland, aux allures à la fois légères mais teintées d’un humour décapant et grave.
Noémie Gantier et Maxence Vandevelde, dès qu’il arrivent sur le plateau, à quelques mètres de nous, sont tout à fait crédibles -diction et gestuelle parfaite- dans la joie de leur rencontre, ensuite dans leur vie quotidienne, puis frappés par le malheur.
Un beau travail d’acteurs et de mise en scène, simple et d’une belle efficacité, sans éclairages stroboscopiques, sans micros HF, sans vidéos… sans tous les stéréotypes du théâtre contemporain. Bref, un spectacle que le public parisien apprécierait aussi sans aucun doute… Message à tous les directeurs de salles de la capitale.
Philippe du Vignal
Spectacle vu à L’Hippodrome de Douai le 21 janvier.
La Virgule/Le Salon de Théâtre. Du jeudi 13 au samedi 29 mars les mardi et jeudi à 19h30, les mercredi, vendredi et samedi à 20h30, et dimanche à 15:30. Relâche les lundis et le dimanche 23 mars.
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Festival d’Avignon 2014.