Prophéties d’amour

Prophéties d’amour, création théâtrale de Fadwa Souleimane.

 

photofadwa« Je suis de là-bas mais je ne suis pas là-bas. Je suis la porte de la maison. Je suis les minarets écroulés… Je suis… Nous sommes un seul nom… Nous sommes les hommes libres ».
En exil depuis deux ans, Fadwa Souleimane, actrice syrienne, a dû fuir son pays en raison de son engagement auprès des combattants, à Homs. Depuis, en France, elle ne cesse d’allumer des feux de détresse. « Ton pays est maudit, mon ami »…
C’est aujourd’hui avec ce chantier-théâtre, et à travers les mots de Mohammad Alaaeddin Abdolmoula, Tamam Tellawi, Mohamed Dibo, Hounadi Zarka, et  par les siens propres, qu’elle lance ses bouteilles à la mer. «J’ai vu ton ombre tenir la main de mon frère ».
Cinq acteurs (Soleïma Arabi, Marcel Mankita, Clara Schwartzenberg, Fadwa Souleimane, Ania Svetovaya et Trung-Tien Lê), sorte de chœur tragique vêtu de blanc, portent textes poétiques et lettres résonnant comme des prières et imprécations, en syrien et en français, mais aussi en bambara, italien, russe, et viet namien. Gülay Hacer Toruk, chanteuse et compositrice, fil rouge du spectacle, les guide, en s’accompagnant parfois d’un tambour, le daf, ou d’un oud.
Ce chœur nocturne parle du drame humain, social et politique, comme le faisait Mahmoud Darwich  à propos de la Palestine; il murmure et scande, se frappe la poitrine, rythmant le chant, et le regard de photographes (celui de jeunes gens du Hauran, de Damas, de Deir es-Zor, d’Alep et de Homs, celui d’un jeune photographe ordinaire et celui de Raimondo Pictet ) appelle la réalité
, sans aucune complaisance.
Guernica apparaît à l’écran, juste référence devenue universelle : « La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensif et défensif, contre l’ennemi » disait Picasso, à propos de son tableau.
La vue se brouille avec les bribes d’images que Fadwa Soleiman lance, comme des roquettes, à partir d’un projecteur fou tenu à bout de bras, images qui atteignent les acteurs et qui  font vaciller la terre, images qui effleurent ce tulle tendu, mettant de la distance au réalisme des images. « Si tu pleures par peur de la guerre, retiens tes larmes jusqu’à ma mort ».
Les filets de lumière des torches portées par les acteurs au début du spectacle, s’effacent à la fin, un à un, mais les mots ne s’éteignent pas : « Quelle est la couleur du ciel, ma petite ?… Rouge. Quelle est la couleur de la mer ?… Rouge ».
Acte militant et poétique, acte de création et de vie, ces Prophéties d’amour, première étape de la création théâtrale de Fadwa Souleimane, ont valeur de manifeste, pour la liberté.

 

Brigitte Rémer

 

Vu le 16 janvier à la Maison d’Europe et d’Orient, 3 Passage Hennel. 75012. www.sildav.org.

 

 

 


Archive pour janvier, 2014

Le Cercle des illusionnistes

Le Cercle des illusionnistes, texte et  mise en scène d’Alexis Michalik.

 

LE CERCLE DES ILLUSIONNISTES Photos Cinema (libre de droits (c)Mirco Magliocca)En 1984, un jeune homme, nommé Décembre, vole le sac à main d’une passagère du métro. Dans le sac, il trouve sa photo et ses coordonnées. Elle s’appelle Avril jolie. Il lui téléphone et ils se rencontrent dans un café; il lui fait croire qu’il a trouvé, et non volé, son sac, avant de lui dire la vérité.
Puis Décembre va lui raconter l’histoire de Jean-Eugène Robert-Houdin, horloger, créateur d’automates
du XIXème siècle, et surtout de spectacles de magie dans un petite salle à Paris, et qu’il montra aussi devant toutes les grandes cours d’Europe. Il était tellement connu qu’en 1856, Napoléon III l’envoya en Algérie pour montrer aux populations locales rebelles que la magie française était la plus puissante au monde...
Nous vNous vous ous épargnera les méandres de cette histoire aussi charmante que compliquée qui va emmener  Décembre et Avril dans les caves de la B.N.P. au n° 8 du boulevard des Italiens, justement là où se trouvait  le théâtre de Robert-Houdin, repris dix ans après sa mort par un jeune industriel, héritier d’un fabricant de chaussures, le grand Georges Méliès.  Près dans la salle où a commencé à être présenté le kinétographe, avec la très fameuse arrivée d’un train en gare de la Ciotat, tournée en 1895 par Louis Lumière qui attira des milliers de gens, attraction  qui laissa sceptique bien des gens.
Invité à la première projection publique du Cinématographe  au grand café de l’hôtel Scribe, boulevard des Capucines, donc pas très loin, Georges Méliès, lui, comprend tout de suite ce qu’il peut faire avec une telle machine et propose d’acheter les brevets des frères Lumière, ce dont l’un des deux ou leur père le dissuada : « Remerciez-moi, je vous évite la ruine, car cet appareil, simple curiosité scientifique, n’a aucun avenir commercial ». Méliès, l’immense inventeur du cinéma de fiction, du gros plan, de fameux trucages à base de surimpression, et des actualités filmées… n’était pas un grand expert en matière de finances, et  finira…  marchand de jouets et bonbons à la gare Montparnasse!  Avant d’être redécouvert par les surréalistes,  avant sa mort en 1938.
Alexis Michalik, qui avait connu un beau succès mérité au Festival d’Avignon avec Le Porteur d’histoire (voir Le Théâtre du Blog) qui va être repris une fois de plus, en mars, au Studio des Champs-Elysées; il avait compris que raconter une histoire, à travers une sorte de feuilleton,  sur un plateau nu avec quelques acteurs, et sans décors pouvait être aussi la base d’un théâtre aussi intelligent que populaire, même si le poétique n’était pas toujours au rendez-vous.
Ici, il reprend les mêmes éléments mais cette fois avec des éléments de décor installés à vue par ses comédiens qu’il dirige avec précision et efficacité.
Jeanne Arènes, Maud Baecker, Michel Derville, Arnaud Dupont, Vincent Joncquez et Mathieu Métral, sont tous excellents. Le spectacle – parfois naïf mais pourquoi pas?- va sa vie, sans aucun à-coup et avec un bon rythme, même s’il gagnerait à être abrégé, comme c’est souvent le cas, d’une bonne demi-heure…
Il y a dans Le Cercle des illusionnistes un nombre de vidéos pas toujours indispensables, et une dramaturgie aux côtés un peu pédago,  loin d’être convaincante: on passe de Houdin aux frères Lumière  et enfin à Méliès,  sans que le fil rouge -l’illusion-  soit bien évident, avec quelques fausses fins que l’auteur-metteur en scène aurait pu nous épargner…
Mais malgré ces réserves, il y a une générosité, et une véritable tendresse de Michalik pour ses personnages; il y a aussi ces images merveilleuses historiques de l’arrivée d’un train en gare de de la Ciotat, et de petits tours de magie, toujours délicieux à savourer qui ponctuent un spectacle, encore un peu brut de décoffrage qui mériterait d’être encore travaillé mais  déjà attachant…

Philippe du Vignal

Pépinière-Opéra, 17 rue Louis-le Grand. Paris ( Ier)

Le Regard du nageur

Le Regard du nageur de Christèle Tual, mise en scène de Ludovic Lagarde et Lionel Spycher.

016pg20140111_1-2La métaphore sportive du nageur amateur ou professionnel – lunettes, maillot et bonnet de bain– est filée avec une patience contrôlée tout au long de ce Regard du nageur, premier texte de théâtre de la comédienne Christèle Tual qu’elle interprète aussi .
Au milieu de cris d’enfants lointains, l’atmosphère assourdie relève de couleurs aquatiques artificielles bien frappées : une photo de lagon bleu turquoise d’agence de voyages…
La femme qui fait ses aveux, le temps d’une confidence sinueuse et réfléchie, sait aussi être ironique : «Rejoignons le groupe d’invaincus aux allures sportives, bronzées et décontractées, symbole de liberté et d’espoir pour toute une génération à venir.» L’amoureuse de son passé évoque encore dans un futur indéterminé les groupes de touristes avec sac à dos intégré, « le visage lissé par l’absence du souvenir, de ce qui a été, un jour, dans un monde meilleur. »
La nageuse sait désormais ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas. Elle a fabriqué dans cette aire publique son propre espace protégé où elle déclame, selon un rythme précis, une partition de mots et de gestes presque chorégraphiés.
Près de vestiaires protégés par un rideau, trône un banc turquoise lumineux où la comédienne longiligne dans un maillot de bain de compétition s’assied, puis se repose et s’étend avec élégance. Dans ce sas étriqué qui sépare les douches de la piscine, la comédienne a les pieds dans l’eau et s’en amuse. Elle quitte régulièrement les lieux pour disparaître et se saisir d’accessoires inattendus, comme ces bouées en plastique qui s’accumulent dans un embarras comique. Elle ouvre parfois une porte qui pourrait être celle d’un appartement et s’adresse directement au spectateur.
L’origine de cette écriture intime est née d’une rupture sentimentale douloureuse. Si l’amour déploie puissance et dynamisme, son rapport à la mort se révèle d’autant plus sensible. Le « je » qui s’exprime pénètre dans les tréfonds de l’âme et du corps, confondant les organes internes et l’espace du dehors.
La souffrance est comparable à une aiguille intérieure qui déchargerait son venin et ferait un mal extrême : « Chaque millimètre est écorché ! La forêt intérieure est incendiée, ravagée par un feu invisible, et qui ne veut jamais s’éteindre. »
Cette parole évoque la perte d’identité qui anéantit, de façon inhumaine, toute victime de la passion sentimentale. L’amour fait vivre et souffrir en même temps, en provoquant des maux insondables : « Je ne te tuerai pas, j’attendrai seulement patiemment que tu te souviennes de ce que c’est que la vie que tu m’as froidement retirée ». Si l’autre qui a déclenché la rupture a tout oublié, celle qui aime encore n’a absolument rien effacé : « Je sais tout de la moindre parcelle de notre bonheur, de notre douleur, de l’union que chaque jour, à chaque seconde, nous construisions ensemble. »
Ces aveux confidentiels mènent à la force ultime de choisir son camp, la survie, tout en aimant encore l’autre malgré lui, et par-dessus lui, dans une mise à distance bienfaisante du traumatisme. L’écriture transcende l’indépassable pour aller mieux de l’avant. Une leçon d’existence et de courage au-delà de la mort qui bat en retraite.

Véronique Hotte

Comédie de Reims/Centre Dramatique National, jusqu’au 24 janvier. 

L’écriture et une  parole tragique contemporaine, comme dernier appel pour sortir du gouffre, de la douleur immense issue de la rupture amoureuse.  « Le Regard du Nageur, c’est une traversée du chagrin, littéralement(…..) radicalisée par le langage », ces quelques mots de Christine Tual, interprète et  écrivaine  et le t titre même de sa pièce,  suffisent  à  exprimer l’essentiel de ce monologue théâtral, paysage aquatique et intérieur d’une âme dévastée par la séparation .
  Dans une mise en scène menée de main de maître par Ludovic Lagarde et Lionel Spycher, le spectacle possède  force   dûe au  jeu remarquable et à la voix de Christine Tual,  mais aussi  à la partition sonore qui comme les éléments visuels: la piscine et ses accessoires,  possèdent une esthétique riche de sens poétique, métaphorique, émotionnel.
  La pensée n’a plus sa place chez un être ravagé par la violence de l’amour et l’abandon de l’être aimé. Sur scène, au début du spectacle, le corps en maillot de compétition, fin et musclé à la fois, apparaît presque androgyne: perte de l’identité et des repères et conséquences tragiques de la douleur…
 Mais ce corps va progressivement se féminiser. Une robe toute de paillettes bleues semblables à des écailles, et le Nageur, (non pas la nageuse,  masculin qui, d’un point de vue dramaturgique, a toute son importance) se métamorphose en sirène. Quand Christine Tual chante, l’expression de la douleur tragique et les mouvements chorégraphiques de son  corps, en état de compétition psychique et sentimentale, réussissent  à donner une ampleur et  une résonance à ce premier texte qui n’est  malheureusement pas toujours à la hauteur d’un point de vue dramatique et poétique.

Elisabeth Naud

 Théâtre Ouvert, Cité Véron 75018 Paris, du 12 au 24 mai  T : 01 42 55 55 50.

Souls

Souls, création et chorégraphie d’Olivier Dubois, création musicale de François Caffenne.

 

souls  Six danseurs étendus sur le sable, comme des ombres, dont certains déjà à demi-enfouis, à l’arrivée des spectateurs. La mort, peut-être. Lent réveil et effleurement des corps qui s’enroulent au sol les uns aux autres, en duo, comme une résurrection décomposée, dans un temps arrêté. L’un charge l’autre sur son dos, cadavre-frère, et, s’ancrant au sol, se met à tourner lentement, à la manière des derviches.
Face au public et sans expression, comme des morts-vivants, ils accomplissent des gestes rituels, foulant imperturbablement le sol de manière répétitive, à la nuit tombée.  Puis ils se jettent des poignées de sable comme on s’éclabousse avec l’eau, en signe de purification,  eau qui a valeur de sacré. Ils s’affairent ensuite à disparaître, en construisant un muret  avec la terre des ancêtres, et en creusant une tranchée où  ils s’enterrent. Un seul d’entre eux reste debout, traçant des gestes symboliques autour de ces âmes mortes, qu’il tire, une à une, de terre.

Souls se compose d’un enchaînement de séquences où les six interprètes africains, originaires de différents pays, accomplissent des gestes chargés, rituels de passage et traversée du royaume des morts. Leur concentration est grande, ils puisent loin leur énergie vitale, ouvrant aux spectateurs la porte des cosmogonies. Tambours et rythmes de mort composent un paysage sonore qui contraste avec le silence et la lenteur du plateau .
C’est un livre des morts qu’écrit Olivier Dubois, nouveau directeur du Centre chorégraphique de Roubaix-Nord-Pas-de-Calais. Sommes-nous sur la rive occidentale du Nil que le chorégraphe affectionne, là où se couche le soleil, en Egypte où il vient de créer ce spectacle en décembre dernier ? Sommes-nous chez des morts sans sépulture, condamnés à errer, ou dans le culte de retournement des morts tel qu’on le pratique à Madagascar ?
Olivier Dubois a sélectionné ses interprètes, au Sénégal, à l’Ecole des Sables de Germaine Acogny en Algérie, au Maroc, en République démocratique du Congo et en Egypte, lors d’échanges avec Karima Mansour, directrice du centre chorégraphique créé il y a deux ans, au Caire.
Du solo qui le révèle, en 2006 : Pour tout l’or du monde, à Faune, créé en 2008 à partir de L’après-midi d’un faune de Nijinsky, suivi de Tragédie, en 2012, troisième volet d’une trilogie après Révolution et le solo Rouge, ses spectacles nous interpellent. Dans Souls, l’altérité passe par le choix des interprètes (Ahmed El Gendy, Djino Alolo Sabin, Hardo Ka, Jean-Paul Maurice-Noël Mehansio, Tshireletso Molambo et Youness Aboulakoul) mais aussi  par une méditation ouverte sur la destinée.

 Brigitte Rémer

 Spectacle v u le 17 janvier, au Tarmac à Paris. Prochaines représentations: le 11 mars au Théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roi et du 14 au 16 mars, au Cent Quatre, 75019. Paris.
contact@ccn-roubaix.com
 

Une faille / «Hors-sol» saison 2/ épisodes 1-2

Une faille / « Hors-sol » Saison 2/ épisodes 1-2, texte de Sophie Maurer, mise en scène de  Bruno Geslin

3518067_14c85252-83c5-11e3-8542-00151780182c_545x341À son arrivée au Nouveau Théâtre de Montreuil, Mathieu Bauer, avait lancé en septembre 2012, le projet au long cours d’un feuilleton théâtral, devenu après huit épisodes un rendez-vous régulier  pour le public. Après avoir réalisé avec succès la première saison, Bauer a passé la main à Bruno Geslin avec, pour consigne, une thématique : la justice dans la cité.
Les personnages récurrents de la Saison1 ne sont pas sortis indemnes de leurs aventures passées. La faille les a enfouis dans le sous-sol de la ville mais ils en ont réchappé, et ils la portent maintenant en eux. Une sombre affaire judiciaire les réunit dans un Montreuil crépusculaire, et chacun est rongé par une obsession à la suite soit de la perte d’une élection, d’une mise en examen, de la disparition mystérieuse d’un personnage, ou encore d’une erreur judiciaire. Ils sont tous déboussolés, au cœur d’une cité elle-même inquiétante.

Il règne dans ces épisodes une toute autre ambiance que dans les précédents. Sombre, tourmentée et  à l’image du trouble intérieur des protagonistes, qu’ont rejoint de nouveaux personnages, dont une juge, guère plus rassurante. En écho à ces états d’âme, des projections vidéo quasi-permanentes établissent un hors-champ angoissant : un homme en cavale, des colonnes de migrants, des fugitifs, dans le style de vieux documentaires ou de films  en noir et blanc de gangsters.
Pour ajouter au trouble, le metteur en scène choisit de juxtaposer les espaces et les actions, en nous renvoyant à une réalité urbaine où la vie ne s’arrête jamais. La ville, toujours présente en arrière-plan, devient ici un élément dramatique à part entière. La sonorisation poussée des voix, les bruitages, la musique contribuent au vertige où   nous sommes  plongés.

Soigneusement orchestré et  découpé comme une série télé qui saute d’une séquence à l’autre, en passant par exemple, de la scène du crime à l’espace privé des enquêteurs ou de la victime, le spectacle veut brouiller les pistes au risque de nous en faire perdre le fil. Les acteurs, au jeu fébrile, paraissent eux-mêmes comme déroutés.. Le texte se mêle à la musique (Bravo Sylvain Cartigny!) et se fond souvent en elle, ce qui ne facilite pas le parcours du spectateur qui sort de là un peu K.O. , déstabilisé… Mais on attend la suite avec impatience: comme dans toute bonne série, on s’est attaché au destin des personnages! La mise en scène des épisodes 3-4 sera confiée à Pauline Bureau. Si l’on a manqué le début, on pourra aussi voir Saison 1 dans son intégralité. Ou pourquoi pas la revoir….

Mireille Davidovici

Un faille /Saison 2 Episodes 1-2 : 23 janvier – 15 février 2014 Episodes 3-4 : 20 mai-7 juin 2014 Une faille/ Saison 1 intégrale 28 février- 01mars  Nouveau Théâtre de Montreuil T. 01 48 7048 90. ; www.nouveau-theatre-montreuil.com

Looking for Lulu

Looking for Lulu, d’après Frank Wedekind, mise en scène de Natasha Rudolf.

C’est une adaptation de La Boîte de Pandore, une tragédie-monstre qu’écrivit l’auteur (1864-1918), en 1894 donc il y a déjà plus de cent ans, et on peut deviner le scandale qu’elle a pu provoquer à l’époque: Lulu est en effet une femme libre, absolument libre  et qui entend le rester et mener la vie qu’elle veut; en marge de la société et  très jeune, elle n’hésitera pas à se prostituer… et épousera trois hommes  qui vont tous mourir…

La pièce, dans la version actuelle ne fut donc ni éditée ni jouée du vivant de Wedekind, et qu’on la connut longtemps sous deux parties. L’auteur, en 1913,  pour une version qu’il jugeait définitive, avait en effet scindé sa pièce en l’Esprit de la terre et La Boîte de Pandore pour qu’elle puisse être jouée. En France, on a eu droit à des versions, disons expurgées, comme celle de Pierre-Jean Jouve qui a en avait retiré tout le parfum sulfureux ou presque. Peter Zadek, le grand metteur en scène allemand d’origine anglaise, la montera dans sa version intégrale… en 1988 soit presque un siècle après qu’elle ait été écrite.

Looking for Lulu, dit la metteuse en scène « est un  spectacle que nous avons créé à partir de ce texte. Les personnages principaux sont là : père, frère, mari, amant. Une histoire de famille en somme, avec ses repères et ses rendez-vous. Lulu est une vraie « créature « , « un animal » comme le dit son père, mue par une rare force de vie qui évolue dans un monde pensé par les hommes. Une créature prête à s’enthousiasmer pour n’importe quelle option, même abominable, pourvu qu’elle contienne en germe la survie. Ce faisant, elle nous met face à notre humanité et à notre possible monstruosité. »

On veut bien mais, au-delà de ces bonnes intentions, reste à les faire passer sur le plateau! Ici,  on est loin du compte; cet essai dramatique, conçu visiblement pour Sabrina Bus qui joue le personnage de Lulu avec une belle sensibilité et une  rage de convaincre le public, n’a pas la direction d’acteurs que la pièce exige. Sabrina Bus se débrouille toute seule, comme elle peut; quant à ses partenaires masculins, ils jouent de façon caricaturale, chacun de leur côté et sans nuances.
Ils ont peut-être compris le texte de Frantz Wedekind mais criaillent sans arrêt, à part Alexandre Jazédé qui  a parfois de bons moments. Comme nous le disait très lucidement une amie comédienne, ils jouent « en général » et ne savent pas où porter « leur énergie qui se barre avec la voix ». Certes Lulu est loin d’être une pièce facile! Mais donc autant ne pas faire n’importe quoi.

Natasha Rudolf veut faire contemporain-ce n’est pas si simple!-en plaçant un Mac- stéréotype actuel!- sur une grande table encombrante,  et toute sa mise en scène est de ce tonneau-là. Il aurait fallu mieux, et davantage,  travailler, si elle voulait situer la pièce de nos jours. Vouloir, par exemple, rendre Lulu provocante  en la faisant jouer les seins nus, poser comme modèle sur un escabeau, ou renverser des chaises pour manifester sa colère, tout cela est assez naïf! Adopter une  dramaturgie de théâtre pauvre, sans doute intelligente à la base, est une chose mais, faute peut-être, d’un temps suffisant de répétitions, cela trébuche à l’épreuve du plateau…
Le spectacle, tel qu’il est, présenté deux semaines à l’Opprimé, est là pour être vendu. Ce que voulaient sans doute acteurs et metteuse en scène, mais cela exigerait encore un long travail. Donc affaire à suivre…

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué au Théâtre de l’Opprimé, à Paris du 9 au 23 janvier.

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Les Fausses Confidences

Les Fausses Confidences de Marivaux, mise en scène de Luc Bondy.

les_fausses_confidences_-_de_gad_manon_combes_isabelle_huppert_bulle_ogier_c_pascal_victor_0C’est bien à un geste de magie dramatique que se confronte toute représentation des Fausses Confidences, pièce ultime (1737) de Marivaux, grand horloger de la scène théâtrale et fin scrutateur de l’âme humaine, observateur enfin des variations de la fortune.
Et, quand, de plus, la  mise en scène se trouve, par un faux hasard, entre les mains de Luc Bondy, le talent est sauvé…
Le plaisir est au rendez-vous pour le spectateur, diverti au sens noble à travers le regard de Bondy,  faiseur de  théâtre, ouvert sur ce bijou dramaturgique lumineux, feu d’artifices miroitant, et festival d’images changeantes sur les intentions cachées ou inavouées des êtres, pris dans les rets de l’argent et du sentiment.
Dans les affaires, il ne faut s’embarrasser ni de sentiments ni de scrupules. « Les affaires ? C’est bien simple, c’est l’argent des autres », disait Alexandre Dumas fils. Un jeune homme, fils de bonne famille, Dorante, se destinait à être avocat   mais ruiné, il s’avise de tomber amoureux d’une jeune veuve fort riche, Araminte. Protégé par son ancien valet Dubois, une sorte de démiurge, connaisseur du cœur et de la raison souvent faillible de ses semblables, maîtres ou valets. Dès les premières paroles échangées, le manipulateur dit à sa victime, consentante, qu’il croit déjà le voir «en déshabillé dans l’appartement de Madame ».
Le filou, pragmatique, est au fait de la variation des sentiments, et intrigue pour favoriser les desseins de son poulain; il ne cesse de rythmer ses adresses intempestives du mot:  affaire . Qu’elle soit désignée comme « infaillible », « avancée » ou bien « en crise », il mène rondement la danse, avant  qu’Araminte elle-même, n’y mette fin, vaincue par la passion. Elle ponctuera sèchement : « Ce sont mes affaires. » Sensible et vivante, la jeune veuve rejette sa caste de parvenus et privilégiés, en la personne de sa mère, Madame Argante (Bulle Ogier) qui verrait bien sa fille épouser un comte.
À l’intérieur d’une société gagnée par le libertinage, Araminte souffre avant l’heure d’un esprit révolutionnaire, et est blessée de voir « d’honnêtes gens sans fortune, tandis qu’une infinité de gens de rien, et sans mérite, en ont une éclatante ». Mais, de son côté, Dorante  est-il être absolument sincère? Chez tout amant, les intérêts matériels et affectifs se recoupent de façon parfois embarrassante.
La scénographie de Johannes Schütz,  avec des  murs  mobiles bleu pastel et un plateau en pointe  vers le public, donne toute son ampleur à l’espace. Il y a aussi une installation d’une soixantaine de paires de chaussures luxueuses en fond de scène, et  Luc Bondy a imaginé une leçon de tai-chi donnée par un professeur à la diva du soir.
Bernard Verley est un oncle de famille avisé mais maladroit. Quant à Louis Garrel, c’est un beau Dorante ténébreux dont  la séduction résiste quand même mal à l’aura naturelle d’une Isabelle Huppert dansante, amusée et heureuse d’investir la scène et qui joue, avec grâce et rage,  les mouvements du cœur, par les gestes, les silences et la voix. Elle traverse le temps dans la brûlure d’un coup de foudre.
Et nous avec elle.

Véronique Hotte

Nous n’avons pas tout à fait le même  point de vue ni la même admiration pour le nouvel opus de Luc Bondy que notre amie Véronique. Il est vrai que nous n’avons pas assisté à la même représentation mais si on sentait bien la patte du maître, on est loin de ses mises en scène  exemplaires d’il y a une vingtaine d’années…
D’abord, on voudrait bien savoir quel mouche a piqué Bondy quand il a choisi cette scénographie à la fois prétentieuse et aussi peu efficace. Pourquoi cette avancée en pointe du plateau vers la salle, gadget qu’affectionne Body (comme dans  Le Retour de Pinter monté aussi à l’Odéon) que rien ne justifie, qui ne sert jamais et n’a rien à voir avec une mise en valeur de ce grand espace nu où glissent parfois sans raison quelques pauvres éléments de salon et où les voix se perdent? Pour dire la modernité de Marivaux, ou pour « faire moderne »? Parions malheureusement pour la seconde hypothèse…
Et, côté mise en scène, pourquoi cette soixantaine de paire d’escarpins appartenant à la belle Araminte et qu’un acessoiriste viendra  pousser en coulisses  avec un balai à franges, pour une raison inexpliquée! Pourquoi la belle et jeune veuve prend-t-elle un cours de tai-chi avant que ne débute le spectacle, puis pendant la représentation? Pour dire que c’est une grande bourgeoise moderne qui sait prendre soin de son corps et de son esprit, et  qui a les moyens de s’offrir des paires de chaussures par dizaines et un professeur particulier à domicile? Et, au cas où on n’aurait pas compris qu’Araminte est riche et très occupée.. Bondy surligne encore les choses: le champagne chez elle coule à flots, et elle change plusieurs fois de robe! Tous aux abris!
Côté direction d’acteurs, la distribution se veut luxueuse et un peu cinéma ( Isabelle Huppert, Bulle Ogier et Louis Garrel…) mais tout se passe – mais ce n’est sûrement pas cela?  -  comme si Bondy avait été pressé par le temps et indiqué les grandes lignes de sa mise en scène puis refilé le bébé à un assistant lui,  peu au fait de sa sublime direction d’acteurs, en laissant les comédiens se débrouiller  par eux-mêmes.
En tout cas, même la grande Isabelle Huppert ne semblait pas au mieux le deuxième soir: gestuelle trop expansive, diction parfois approximative, et présence à éclipses, comme si elle ne se sentait pas vraiment à l’aise, et  un peu perdue sur ce grand plateau… Face à un Louis Garrel qui, désolé, n’a vraiment pas les épaules pour interpréter Dorante; on veut bien qu’au début, cet amoureux fou soit complexé, maladroit, ce que sait faire Louis Garrel, mais, (peu ou mal dirigé, on ne sait), il se contente de prendre la lumière comme au cinéma  et  joue son personnage de façon monolithique, et sans guère de nuances, de sorte qu’ensuite, l’on n’intéresse plus guère à lui. En tout cas, on ne voit  à aucun moment chez Garrel, un conflit entre sentiments et intérêts matériels. Et, quand on est chez Marivaux, dont Bondy a raison de dire que Les Fausses confidences en sont comme un concentré, et où l’argent est sans cesse évoqué, c’est quand même un peu ennuyeux… Surtout, quand il s’agit d’un personnage,  pivot de la pièce!
Si le personnage de Dubois ( Yves Jacques) est mieux cerné, et si  Jean-Damien Barbin est excellent – comme d’habitude- en Arlequin, on ne comprend pas du tout comment Bondy a fait jouer  Madame Argante à Bulle Ogier. Elle en fait des tonnes-  évidemment cela provoque les rires-  quand elle  fait semblant de jouer les vieilles dames qui marchent à petits pas! C’est caricatural et on n’y croit pas une seconde!
Le spectacle prend alors des airs de comédie de boulevard, dernier avatar- il est vrai- des pièces du célèbre dramaturge et dialoguiste! On sort déçu par une représentation, certes propre,  mais où la mise en scène n’est vraiment pas convaincante. Alors que ce que dit Bond des Fausses confidences et de Marivaux, est tout à fait intelligent! Dommage…

Philippe du Vignal

Odéon-Théâtre de l’Europe, 75006 Paris. Jusqu’au 23 mars 2014. T : 01 44 85 40 40

Les Pompières Poétesses

 Les Pompières Poétesses, mise en scène de Romain Puyelo.

157 Pompières 07 juillet 2013Le spectacle avait déjà été joué au centre européen de Poésie d’Avignon et a été présenté deux soirs au Théâtre de la comédie Tour Eiffel. Le lieu tient de la boîte à chaussures, heureusement très silencieux,  grâce à une double porte qui donne … sur le trottoir. Pas de hall d’attente: quand il pleut, il faut poiroter sous le store du café d’à-côté. Pas non plus de scène mais quelques mètres et des banquettes étroites pour une cinquantaine de places, et sur les murs des miroirs pour que le lieu fasse plus grand: autant dire que les conditions sont donc minimales…
Mais on découvre ici un spectacle qui est un véritable petit bijou. Les deux comédiennes, Juliette Allauzen et Emilie Chevrillon, les deux Pompières Poétesses, en robe rouge, vont, en une cinquantaine de minutes, emmener les spectateurs dans un récital poétique, aussi joyeux que vivant.
Les spectateurs sont priés de collaborer en tirant au sort des cartes au nom d’un poète. Le choix, parfois surprenant, est des plus heureux: cela va de
Marie Noël, Arthur Rimbaud, Victor Hugo, Marcelline Desbordes-Valmore, et parmi les vivants, Zeno Bianu, Liliane Giraudon, Charles Pennequin, Jean-Pierre Verheggen, les Béruriers Noirs, le centenaire ou presque René de Obaldia,et Brigitte Fontaine.
Bref, des valeurs sûres franco-françaises mais aussi des poètes étrangers et non des moindres… comme Fernando Pessoa, Rainer Maria Rilke, William Shakespeare avec un extrait de Comme il vous plaira, fulgurant de modernité, Marina Tsvetaeva, et moins attendus, Jack Kerouac, et l’immense Gherasim Luca, inconnu du grand public et pourtant généreusement applaudi;  un petit garçon près de moi écoutait avec ravissement en riant! Et cela finit par de petits aphorismes sur la boisson de Coluche, Pierre Dac et par le fameux
Enivrez-vous de Baudelaire…
Chaque poème est remarquablement dit, l’air de ne pas y toucher mais avec une belle maîtrise, par l’une ou l’autre des deux comédiennes, ou parfois à deux, qui savourent cette rencontre avec leurs poètes et savent la faire partager aux spectateurs. C’est
plutôt bien mis en scène, malgré quelques petites erreurs, et il y avait là plusieurs enfants qui ne boudaient pas non plus  leur plaisir, c’est toujours bon signe…
On ressort de là heureux, et on aurait même apprécié une petite louche de plus : quel plaisir, cette pause dans une soirée pluvieuse. Il faut souhaiter à ces deux jeunes comédiennes de le jouer à Paris comme ailleurs pour une longue série-message envoyé aux directeurs de théâtre – et non plus  quelques soirs. Elles le méritent amplement et le public aussi…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Comédie Eiffel. Prochaines dates: le 15 mars à 17h à la médiathèque Maupassant 64 rue Edouard Vaillant Bezons (95) entrée libre;  et le 21 mars 2014 à 20h30 à Gare au Théâtre  13 rue Pierre Semard 94 400 Vitry-sur-Seine T: 01 55 53 22 26

 

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Projet Luciole /Théâtre philosophique

Projet Luciole /Théâtre philosophique, conception et mise en scène de Nicolas Truong.

 

 Reprise d’un spectacle créé au Festival d’Avignon (voir Le Théâtre du Blog). Il pleut des livres dans la Cabane où sont convoqués une vingtaine de philosophes.Le projet de Nicolas Truong, le Monsieur « Idées-Débats » du Monde est d’explorer une dramaturgie de la philosophie, d’incarner des concepts, en les éprouvant ; de trouver leur corporéité. Nicolas Bouchaud et Judith Henry se font un plaisir de se livrer à l’exercice. Ils vont et viennent, chantent et dansent, se boudent ou s’étreignent, tout en maniant avec jubilation les concepts de Baudrillard, Orwell, Adorno, Deleuze, Semprun, Arendt, Didi-Huberman et d’autres. Pasolini ouvre le bal avec son fameux texte sur la disparition des lucioles qui donne son titre au spectacle.
Le 1er février 1975, neuf mois avant sa mort, il y a  dans le  Corriere della Sierraun article de lui,
sur l’héritage du fascisme  Le Vide du pouvoir en Italie.  Et,  pour illustrer ce nouveau fascisme apparu en Italie, il emploie la parabole  politico-littéraire suivante : «
Au début des années soixante, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la campagne, à cause de la pollution de l’eau… les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles. Ce quelque chose qui est intervenu il y a une dizaine d’années, nous l’appellerons la disparition des lucioles. ”…
Loin du pessimisme de Pasolini, et même si
Guy Debord tempête en voix off : « Il n’y aura pour moi ni retour ni réconciliation. » Il s’agit ici de trouver la manière d’apporter de nouvelles lumières contre l’obscurantisme rampant, et s’ensuit un festival d’idées jubilatoire et lumineux qui met en appétit le public sans jamais le gaver. Rien de rébarbatif dans ce spectacle revigorant où, tout au long, le public est tenu en haleine et  en alerte;  comme en conclut Nicolas Bouchaud : « Il y a beaucoup de travail en perspective pour qui ne veut pas mourir idiot. Et tant pis pour les gens fatigués. »

 

Mireille Davidovici

 

 

Le Monfort Théâtre, 106 rue Brancion 75014 Paris . T. 01 56 08 33 88  jusqu’au 15 février ; www.lemonfort.fr

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Avant que j’oublie

Avant que j’oublie de Vanessa Van Durme,  mise en scène de Richard Brunel.

Richard Brunel, le jeune directeur de la Comédie de Valence, a rencontré Vanessa Van Durme et a programmé son  « Regarde maman je danse »… dans les campagnes de Drôme et d’Ardèche!!! Dans ce spectacle, Vanessa Van Durme revient sur sa transformation; elle est en effet devenue femme après être née garçon. Avec  humour et gravité à parts égales,  elle raconte l’aventure de son opération au Maroc et la réaction de ses parents.
On l’avait vue chez Alain Platel, dans Gardenia,  où elle convoquait ses amies transsexuelles à la rejoindre pour un cabaret improbable, avec de vieilles dames un peu bizarres !
Dans Avant que j’oublie, il s’agit des visites répétées à sa mère dans sa maison de retraite pour malades  d’Alzheimer. Elles discutent l’une et l’autre, Vanessa Van Durme incarnant tantôt l’une tantôt l’autre, mais, par une  différenciation de voix ou
p153568_7 de posture très habile, on sait toujours qui parle.
  Il est fortement question d’identité, celle que perd peu à peu la mère et celle que sa fille tente d’affirmer, au fil  des années. Pour stimuler sa mère,  elle lui parle du temps passé, des blessures qu’elle même a endurées, de ce père qui ne l’acceptait pas, de cette mère qui, sans conviction, reconnaît tout de même l’enfant de sa chair, comme un instinct. Elle sait qu’elle ne pourra pas répondre en toute lucidité, alors,  elle se laisse aller à la confession, au bilan.
Dans ses spectacles, Vanessa Van Durme raconte toujours sa propre histoire, de près ou de loin, mais ici, la dramaturgie prend une dimension supplémentaire avec un personnage de plus dont les souvenirs ou ce qu’il en reste,  viennent s’entrechoquer et se confronter avec ceux de Vanessa. La scénographie en arc-de-cercle, avec  des armatures fermées par des rideaux et des lumières très précises, plutôt froides, éclairant l’une ou l’autre des parcelles.
On a vite compris le principe et la mise en scène en joue un peu trop : rideaux ouverts et refermés,
figures vues à travers le rideau … Au début, le séquençage est un peu gênant, beaucoup de fondus et de noirs qui nous empêchent d’être tout à fait dans le rythme. Puis, au fur et à mesure, on entre dans l’émotion et Vanessa van Durme nous devient proche, jusqu’au salut où elle ne retient plus son émotion, avec une grande dignité et une gratitude sincère envers le public qui l’a écouté.
C’est un spectacle qui reste en tête, pour ce qu’il dit, un peu, et pour la personnalité exceptionnelle de Vanessa Van Durme, et sa légitimité à être sur scène.

Un spectacle qui mûrit et qui sait faire oublier ses petites faiblesses.

Julien Barsan

Théâtre du  Rond-Point jusqu’au 8 février

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