The rime on the ancient Mariner/ fiona shaw

The rime of the ancient Mariner de  Samuel Taylor Coleridge, mise en scène de Phyllida Lloyd, chorégraphie de Kim Brandstru.

slide1-the-rimeÉcrit en 1798, le poème de Coleridge  c’est l’histoire d’un vieux  marin , qui,  à un festin de mariage, raconte son dernier voyage, où il trouva la Mort et perdit tout son équipage après avoir été dévié de sa route par des vents contraires.
Alors que le bateau en plein océan Antarctique, est encerclé par des brumes épaisses, l’homme  tue  un albatros, oiseau de bonne augure, qui incarnait le salut de l’équipage.
Le marin réalise  sa bêtise, et est alors envahi par la culpabilité,  symbolisée par  cet albatros qu’il croit voir pendu  à  son cou.
Le bateau va se mettre ensuite à dériver puis, à cause de l’absence totale de vents , s’immobilisera définitivement! Et l’équipage, alors, ne se fait pas faute de reprocher au vieux marin à la fois la mort de l’albatros et le terrible manque d’eau.
« Day after day, day after day,/ We stuck, nor breath nor motion;/As idle as a painted ship/ Upon a painted ocean./ Water, water, everywhere,/ And all the boards did shrink;/ Water, water, everywhere,/Nor any drop to drink ».
Soit: « 
Et jour après jour, et jour après jour,/ Nous restâmes encalminés ;/Aussi figés qu’un dessin de navire/Sur un océan dessiné./De l’eau, de l’eau, de l’eau, partout de l’eau,/Et les planches racornissaient ;/De l’eau, de l’eau, de l’eau, partout de l’eau,/Nulle goutte ne nous restait ».

  Un bateau fantôme apparaîtra avec la Mort comme passagère, et le vieux marin  voit mourir de soif, un  par un, ses compagnons… Mais, malgré la pluie qui tombe enfin, après sept jours et sept nuits, le vieux marin rentrera au port,  seul survivant de cette terrible équipée.
Sur scène,rien ou presque, une caisse en bois, deux chapeaux, une maquette un peu grossière de bateau, et dans le fond, une grande voile suspendue aux cintres. Fiona Shaw entre, élancée, en veste et pantalon de sport bleu foncé. Elle essaye de trouver un complice parmi les spectateurs pour incarner, dit-elle, le vieux marin , leur fait prendre la pose, appuyés sur un bâton  et un peu cassés par l’âge. Et,  après un dizaine d’essais infructueux, elle trouve enfin un jeune homme (en fait, un excellent mime et danseur en la personne de Daniel Hay Gordon qui va pendant quarante cinq minutes l’accompagner dans un solo chorégraphié par  Kim Branstru). Mais Fiona Shaw,  avec ce prélude, aura mis le public de son côté, et elle dit le beau poème
Coleridge,  en le mimant par moments, avec tout le remarquable métier qu’on lui connaît, mais, comme avec l’air de ne pas y toucher… Vraiment étonnante!
La grande réussite de Phyllida Lloyd est d’avoir su imposer une mise en scène d’une parfaite unité; dans le cadre
des Bouffes du Nord, idéal
pour ce type de spectacle, et devenu mythique dans le monde du théâtre, elle a réussi assembler et coordonner différents types de signes: des images à la fois iconiques et aussi très plastiques,  comme cette toile de bateau qui s’abat d’un seul coup sur le sol, mais aussi des signes linguistiques, puisque Fiona Shaw sait parfaitement nous emmener dans la langue de Coleridge, même quand on n’est pas anglophone. Et il y a des moments où on préfère entendre le texte  sans le sur-titrage.
La plupart des images créées par la metteuse en scène et par le jeu de Fiona Shaw  ne sont pas des images concrètes mais plutôt mentales; elles évoquent, avec l’aide de la musique, et signifient les choses plutôt qu’elles ne les représentent. Et ce n’est jamais un théâtre de l’illusion mais un peu comme des traces mentales qu’aurait laissées la récitation du poème aux invités de cette noce de campagne.
Du vraiment grand art pour un spectacle exceptionnel de quarante cinq minutes, loin des coûteuses machines et des longueurs marathoniennes des dernières semaines- on ne vise personne mais suivez notre regard- et cela fait un bien fou! Mais il n’y a eu que trois représentations aux Bouffes du Nord…
En tout cas, s’il revient à l’affiche, bien sûr, nous vous en préviendrons et alors, n’hésitez pas, c’est vraiment un grand moment de théâtre.

Philippe du Vignal

Théâtre des Bouffes du Nord, ce 1er février.


Archive pour 4 février, 2014

Intimité

Intimité, création musicale de Nicolas Frize, à l’usine PSA Peugeot Citroën de Saint-Ouen

 

Homme engagé et d’engagement, observateur et acteur du monde du travail depuis de nombreuses années, travailleur de l’ombre dans les prisons, artiste taraudé par le temps et le rapport au temps, Nicolas Frize, compositeur et anthropologue sonore, comme il aime à se reconnaître, a amarré ses Musiques de la Boulangère, du nom de son laboratoire musical, à l’Usine PSA Peugeot Citroën de Saint-Ouen, devenue son quartier général pendant les deux ans de sa résidence.

Il n’en est pas à son coup d’essai dans la fréquentation des grandes entreprises. Après Renault en 98, dans un tout autre contexte, la Manufacture de Sèvres et une approche de l’hôpital, entre autre, il investit les quarante mille mètres carrés de cette usine aux charpentes de fer et aux plafonds hauts comme les voûtes d’une cathédrale, bâtie en 1847 et rachetée par M. Peugeot, en 1924.

Grâce à la complicité du directeur, François Cridlig et de son équipe, il rencontre bon nombre d’ouvriers, observe leur travail – ils sont ici six-cents, divisés en quatre équipes car l’usine ne s’arrête pas – et fait des entretiens avec quatre-vingts d’entre eux, d’où le titre du concert, Intimité. La personne, sa sensibilité, son intelligence, ce qu’elle fait et ce qu’elle met en jeu dans son travail, forment la trame des paroles collectées et servent le texte qu’il écrit et qui se déploie ensuite musicalement.

Ce projet fou s’inscrit dans le cadre du dialogue engagé par le compositeur avec Plaine-Commune et la Mairie de Saint-Ouen, et cherche à rapprocher l’usine de la ville en parlant non pas de production, mais des hommes et des femmes qui y travaillent, issus de trente communautés venant du Maghreb, d’Asie, d’Europe de l’Est et des Afrique(s). Il est une rencontre entre le monde musical, le monde du travail et la ville, un projet participatif basé sur les rythmiques transnationales, et porte en lui quelque chose de festif.

Des mots énoncés naît un propos musical que Nicolas Frize nourrit, dans sa rencontre avec d’autres artistes, notamment avec l’équipe de tournage qui prépare un film documentaire, et avec le photographe Nabil Boutros qui a suivi pas à pas les étapes du travail et qui expose sa vision de l’usine, depuis l’automne dernier et jusqu’au 16 février à l’Espace 1789 de Saint-Ouen. (cf. Théâtre du Blog du 8 octobre).

Le concert se déroule dans trois lieux différents : l’église, l’école et l’usine, sans rapport sémantique entre eux. Toutes les pièces fabriquées à l’usine font partie, à l’état brut, des instruments, le traitement de la tôle passant par la découpe, la forme, puis l’objet fini ; elles sont suspendues comme des xylophones, ou à même le sol comme des sculptures, ou encore posées sur des tables, et prennent vie avec les percussionnistes.

L’instrumentarium de Nicolas Frize n’est conçu qu’avec des pièces de voiture – mille environ – fabriquées dans l’usine et choisies parmi celles qui tintentle mieux, et ses partitions singulières se font l’écho de la transformation des bruits de l’usine en sons, graves, médium et aigus : sonnerie de la reprise après la pause, grondements métalliques, balancements d’un capot qui se lève et se rabaisse, ou encore bruit de la presse -.

Le concert est conçu en trois mouvements et avec déambulation, un groupe de spectateurs partant de l’église du Rosaire et un autre de l’Ecole primaire Emile Zola. A l’église, le mouvement présenté s’intitule, A travers, pièce pour sept percussionnistes, flûte et contrebasse. Dans la nef, un carré délimité par des tables chargées des pièces détachées et leurs percussionnistes qui, après avoir vérifié instruments et jeux de baguettes, sont concentrés sur leur partition avec une extraordinaire qualité d’écoute des uns envers les autres. Le public s’installe à l’intérieur du périmètre, deux groupes se faisant face. Quand les premiers sons débutent tels des carillons ou des cloches venant de lointains alpages, soutenus par la contrebasse en son continu, ou appelés par la flûte, ils dialoguent et se répondent avec des sons cristallins, restant aux aguets, et déclinent différents octaves en rythmes, cadences, variations et soupirs. C’est grave et ludique à la fois.

A l’école primaire Emile Zola, le second mouvement, Au-dessus, met en dialogue un octuor vocal, trompette, trombone et tuba qui ont pris place sur un podium, de chaque côté du préau où le public est invité à se tenir debout, au centre. D’un côté,  les huit choristes du groupe Sequenza 9.3 dans des polyphonies intenses et douces, de l’autre, la chef de chœur qui les guide, Catherine Simonpietri. A ses côtés, un hélicon, une trompette et un trombone retiennent leur souffle.

C’est à l’usine PSA Peugeot Citroën où huit cent mille pièces sont fabriquées chaque jour, qu’est programmé le troisième temps de la rencontre. Les deux demi-groupes de spectateurs partis l’un de l’école, l’autre de l’église, et qui se sont croisés en traversant le cœur de ville, passant d’un lieu à l’autre, s’y rassemblent. Nicolas Frize a aménagé un immense espace sur fonds de containers jaunes et rouges, dans la zone de stockage-flux de production, dite ZOF, pour un dernier mouvement, de grande intensité.

Il y a un chemin, est une partition pour flûte, trompette, trombone, tuba, percussions, luth, contrebasse, octuor vocal, voix singulières, grand chœur, objets sonores et sons enregistrés. Professionnels et amateurs l’interprètent avec ardeur, et les salariés de l’usine, récitants de quelques soirs, portant, non plus leur bleu de travail mais une chemise ou un sweat blanc, se frayent un chemin dans la scénographie-labyrinthe, pour atteindre les micros. Face à eux et dos au public, Catherine Simonpietri, chef de chœur et Nicolas Frize, patient artisan de ces moments d’émotion, déploient leurs énergies pour guider les nombreux intervenants de ce haut plateau.

La parole des travailleurs devenue texte, et qu’ils portent eux-mêmes devant tous, collègues, familles et spectateurs, est un chant choral. « Nous avons partagé… la vie… je n’ai pas les mots, non… » disent en canon Mohamed Baoufi et Abdelaziz Blilik ; « S’asseoir, pas s’asseoir… tenir la rampe… combien de temps ? » enchainent Eric Soumpholphakdy et Malu Kabanangi ; « Je sais d’où je viens et je sens où je vais…» murmure Nathalie Santos ;  « Bonjour ! On s’est déjà vus ! » lance Paul Kouakou, et d’autres lui répondent. Il n’y a plus, à cet instant, de cariste, d’opérateur, de maintenancier, de conducteur d’installation, de metteur en caisse, d’opérateurs de qualité, plus d’outilleur ni de sertisseur, il y a un élan où chaque homme et chaque femme donne le meilleur de soi, par sa voix projetée, récitée ou chantée.

Pour cette création musicale collective devenue œuvre commune, l’usine a partiellement stoppé son activité et suspendu son souffle, elle qui ne s’arrête jamais, brisant le rythme des trois huit et laissant les rituels de sécurité entre parenthèses. Les spectateurs sont invités, après le spectacle, à la découvrir, dans une dernière déambulation : lignes de découpe, ballet des presses et des robots, ponts roulants et lignes de reprise, zone de reconditionnement et zone de maintenance, et au milieu, comme un mur vert, les boutures des plantes apportées par les travailleurs, petits morceaux de vie.

Au carrefour des points de production, sont exposés les dessins, partitions et photos réalisés par Nicolas Frize, comme un journal de la résidence, abstractions qui ressemblent aux estampes et paysages du Japon et que l’on retrouve dans un livret remis aux spectateurs.

Par ces expressions, comme par le journal qu’il publie depuis plusieurs années, Travails (au pluriel), le compositeur confirme sa philosophie et ses recherches sur les sons, leur résonance sociale et politique. Le corps, le langage, le temps, la discute et le collectif, sont autant de thèmes qu’il y a abordés, dans une démarche où la musique et le monde du travail se superposent, et où se fondent l’identité des personnes et l’identité des lieux.

La musique, pour Nicolas Frize « une mathématique et une esthétique de la concentration », a traversé l’usine PSA Peugeot Citroën de Saint-Ouen, comme un vol d’albatros.

 

Brigitte Rémer

Vu le 31 janvier, Usine PSA Peugeot Citroën, 23 rue du Capitaine Glarner, 93400 Saint-Ouen. www.nicolasfrize.com

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Intimité
,  concert déambulatoire par Les Musiques de la Boulangère, groupe musical de Nicolas Frize, en trois mouvements et trois lieux.

intimitc2ae-c3a1-c3a1rc2aesidence-de-crc2aeation-de-c3a1nicolas-frize-_-c3a1psa-pe2C’est l’aboutissement d’une résidence de deux ans à l’Usine P.S. A.  Citroën, de ce surprenant et généreux  musicien qui parcourt le monde;’il a mis en musique cette Intimité avec le  » petit peuple » qu’il aime. Nous l’avions découvert en 1981 dans Le plus Bel âge de la vie mis en scène par le Théâtre de l’Unité dans un dépôt de locomotives à Trappes, puis  vu de nouveau, dans ses Concerts de Baisers, de Savants, de Locomotives  etc….  Nous l’avions aussi suivi dans le bazar d’Istanbul dont il enregistrait les bruits, profitant des instants de liberté  laissés par un colloque.  Nous avions même récemment réalisé un rêve,  en participant à son  concert de la Fête des Vendanges à la mairie du XVIII ème à Paris.
  En sortant du métro, il y a un stand de la CGT avec des drapeaux, des tracts sur le site de Citroën Saint-Ouen qui retrace « 100 ans d’histoire d’un monsieur appelé Citroën et d’autres,   et… de  dizaines de milliers d’ouvriers et d’ouvrières qui travaillaient pour leur construire des millions, des millions de voitures et des millions tout court ». Nous entrons d’abord dans l’église du Rosaire où nous sommes face à face pour écouter À travers dans les contrastes du temps, entre crépitements, pulsations et segmentations, pour sept percussionnistes, flûte et contrebasse.
Nous partons ensuite pour l’école Émile Zola assister debout à Au dessus dans les contrastes du temps, entre immobilité et impatience, calme et urgence pour octuor vocal, trombone et tuba ». Ensuite on nous guide vers l’usine PSA-Citroën. « il y a, écrit Nicolas Frize,  un chemin au coeur de l’activité des femmes et des hommes, parfois invisibles. Mais plus inconnus encore, l’activité intime des corps, la sensibilité au métier, la pensée en action, et surtout l’engagement. Au travail comme ailleurs, l’expression même timide, crie son désir…et son besoin d’invention. C’est chacun pour tous et pourtant tous, c’est chacun ! ».
Nous parcourons ensuite un long chemin, le long des bâtiments de cette usine appelée à fermer partiellement, mais celui où nous nous rendons, qui est une  unité de recherche pointue, sera préservée.  À  l’intérieur, nous sommes guidés par les techniciens dans un dédale de machines que nous verrons fonctionner à la sortie, avec des photos de la résidence menée par Nicolas Frize.  Cette ultime phase est dirigée par deux chefs d’orchestre, Catherine Simonpietri et Nicolas Frize, et  rassemble neuf musiciens, un ensemble vocal de neuf chanteurs professionnels, et quinze voix singulières de salariés de l’usine,  et un autre choeur d’une soixantaine de chanteurs familiers des Musiques de la Boulangère.
Et une trentaine de personnes se déploient à la technique et à l’administration ! Nous entendons des paroles d’ouvriers, scandées, chantées, d’abord par le choeur : « La nuit, le parking est bouché. Nous sommes tous ailleurs autrement (…) Je sais d’où je viens, je sens où je vais, chacun est avec lui-même en confiance, toute la ville étale est seule (…)  Il y a des sons et moi, je regarde avec mes yeux et je compose des images (…) ici, la vie s’écoule !  » Alternant des montées chorales superbes, des solos, des parties instrumentales, ce chemin mené par Nicolas Frize, résonne parfois des sonorités d’Henry Purcell.
  Il n’y eu que trois  concerts, les 31 janvier, et les 1er et 2 février. Un élégant livret de 93 pages avec textes et  photos, récapitulant les grandes phases a été publié: première rencontre avec la direction de l’usine en novembre 2011, résidence de Nicolas Frize de mars 2012 à décembre 2013, et  accompagnement photographique de Nabil Boutros, actions graphiques avec des lycéens etc…). Avec Intimité,  Nicolas Frize aura réussi une œuvre majeure de notre temps…

Edith Rappoport

voir aussi  sur ce blog

le premier volet « Peut-être ça va arriver » d’Edith Rappoport http://theatredublog.unblog.fr/2013/01/16/peut-etre-ca-va-arriver/

le second volet: « C’est l’usine » par Brigitte Remer http://theatredublog.unblog.fr/2013/10/08/c%E2%80%99est-l%E2%80%99usine/

http://www.nicolasfrize.com

 

 

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