Dernier décor avant la nuit pour Guy-Claude François…

Dernier décor avant la nuit pour Guy-Claude François

 

PAR11659 Guy-Claude François est mort à 73 ans. Il s’était formé d’abord à l’Ecole du Louvre puis à celle de la rue Blanche devenue l’ENSATT à Lyon; son nom sera à jamais associé à l’aventure du Théâtre du Soleil, comme  à l’Ecole Nationale  Supérieure des Arts Décoratifs où  Richard Peduzzi, autre scénographe exceptionnel qui fut le très fidèle complice de Patrice Chéreau, lui confia le  département Scénographie. Grâce à son enseignement et à l’équipe qu’il sut diriger avec exigence, la création de décors et d’espaces pour le théâtre, le cinéma comme pour les expositions, fit en France et  des progrès considérables.
Pas très bavard, voire même un peu secret mais attentif, il avait un sens particulièrement aigu de la pédagogie  mais aussi  de la faisabilité technique d’un projet artistique, et, pour l’avoir vu souvent examiner des   travaux de futurs scénographes, on voyait vite qu’il pouvait avec quelques remarques ou conseils, remettre les choses dans l’axe. Avec calme, intelligence et respect, il savait corriger un travail  d’élève pour lui permettre de progresser. Et dans ce genre d’exercice qui ne va pas de soi, il faut à la fois une grande compétence, et  une vraie culture  théâtrale, mais aussi une envie de transmettre, trois  choses qui le caractérisaient bien .
Il rencontra, il y a quelque quarante ans, Ariane Mnouchkine et ses comédiens du Soleil  et participa à qu’il fut convenu d’appeler les créations collectives du Soleil mais où la mise en scène de la patronne, comme la scénographie, avaient une importance capitale. La marque des spectacles du Soleil, leur inscription dans l’espace
d’une ancienne usine de cartouches transformée par les soins de Guy-Claude François, c’était aussi  une indéniable réussite, admirable d’intelligence et de discrétion… et vite emblématique de cette compagnie,  devenue au fil des générations, un maillon capital de la vie théâtrale française, et bien connue à l’étranger. Il nous souvient encore de Bob Wilson rencontré à 1793, absolument admiratif..
Il y eut ainsi et entre autres, L’Age d’or, avec ses cuvettes toutes en tapis brosse comme aire de jeu, Les Clowns,  Méphisto, la série des  Shakespeare,  Les Atrides, L’Indiade , La Vie terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, Tartuffe,  Tambours sur la digue, Le dernier Caravansérail, Les naufragés du fol espoir…
Guy-Claude François créa aussi les décors de Molière, le fameux film d’Ariane Mnouchkine. Ce qui caractérisait  le mieux ses scénographies, c’était sans doute, l’excellente perception qu’il avait de l’espace d’un plateau, la rigueur dans le choix des formes et des couleurs, que ce soit pour des classiques, des pièces contemporaines ou pour des créations à partir de canevas  ou d’adaptations de romans. Il collabora aussi au cinéma avec des réalisateurs comme Bertrand Tavernier.
Bref, un parcours exemplaire d’homme de théâtre, rompu à toutes les  techniques du plateau, exigeant envers les autres comme envers lui-même. Guy-Claude, nous ne t’oublierons pas, et ce serait bien qu’il y ait assez vite une rétrospective de ses travaux.

Philippe du Vignal

 *Les obsèques de Guy-Claude François  auront lieu le mardi 11 février à 14h au cimetière du Père Lachaise.


Archive pour 6 février, 2014

Le Triomphe de l’Amour

Le Triomphe de l’Amour de Marivaux, mise en scène de Michel Raskine.

img_1796Michel Raskine est revenu au TNP,  la maison-père comme il dit, où il fut assistant de Roger Planchon « le grand aîné, le grand aimé »  pendant six ans. Il y met en scène, à l’invitation de Christian Schiaretti, Le Triomphe de l’Amour.
En 2009, au Théâtre de Lyon, dont il était le directeur, il nous avait donné à voir  Le Jeu de l’amour et du hasard de  Marivaux, dans une réalisation  un peu déconcertante, puisqu’il faisait jouer le jeune couple par des comédiens d’un âge plus que respectable ! Dans Le Triomphe de L’Amour, il dissèque, pour mieux les mettre en évidence,  les ressorts du jeu théâtral : le travestissement,  la mascarade , les quiproquos et les rebondissements qui en découlent.
 Et c’est jubilatoire ! Il  se met en effet au service de ce texte complexe et le rend lisible : la princesse Léonide, qui veut redonner  à Agis son trône usurpé par son propre père, tombe amoureuse du jeune homme. Comment le rencontrer alors qu’il vit, protégé mais isolé chez le philosophe Hermocrate ? Il lui faut donc forcer les résistances de cette maison fermée à l’amour, et amadouer le philosophe et la sœur. « Je ne sais pas ce que c’est que l’amour », soupire la vieille fille et  Hermocrate avoue : «  Comment voulez-vous que je vous aime, moi qui n’ai jamais aimé ? ».
Pour arriver à ses fins, la princesse devient le jeune Phocion et/ou la jeune Aspasie et elle utilise tous les ressorts de la persuasion et du mensonge. Tel l’étranger dans Théorème de Pasolini, elle met à nu chez ses interlocuteurs des tendances qu’ils ne soupçonnaient pas en eux-mêmes. Autoritaire, prête à tout, brutale, arrogante, en aristocrate qu’elle est, elle obtient ce qu’elle désire, d’abord des valets qu’elle réduit au silence en les achetant ou en les intimidant, des (faux) philosophes à qui elle donne l’illusion de la passion amoureuse, et surtout  d’Agis à qui elle offre,  et son amour et la couronne.  

La mise en scène de Raskine s’appuie sur un décor dépouillé avec un  jardin de philosophe qui est aussi desséché que son cœur.  les époques  et des costumes de plusieurs ‘époques;  ce n’est certes pas nouveau mais  permet quelques moments cocasses. C’est Clémentine Verdier, de la troupe du T.N.P. ,qui joue Phocion/la princesse, véritable meneuse de jeu, avec une énergie époustouflante. Elle ne fait qu’une bouchée du philosophe (Alain Libolt) qui n’est jamais caricatural. Et Léontine, la sœur, interprétée par Marief Guittier, parviendrait presque à nous émouvoir. On a même quelques morceaux de commedia dell’arte avec Arlequin (Maxime Mansion) et  Le jardinier ( Stéphane Bernard).
Fable politique ? Fable féministe ? Conte cruel ? Et si ce Triomphe de L’Amour était, avant tout, un savoureux morceau de théâtre ?

Elyane Gérôme

Théâtre National Populaire  de Villeurbanne, salle Jean Bouise, jusqu’au 21 février.

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