Dernier décor avant la nuit pour Guy-Claude François…
Dernier décor avant la nuit pour Guy-Claude François…
Guy-Claude François est mort à 73 ans. Il s’était formé d’abord à l’Ecole du Louvre puis à celle de la rue Blanche devenue l’ENSATT à Lyon; son nom sera à jamais associé à l’aventure du Théâtre du Soleil, comme à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs où Richard Peduzzi, autre scénographe exceptionnel qui fut le très fidèle complice de Patrice Chéreau, lui confia le département Scénographie. Grâce à son enseignement et à l’équipe qu’il sut diriger avec exigence, la création de décors et d’espaces pour le théâtre, le cinéma comme pour les expositions, fit en France et des progrès considérables.
Pas très bavard, voire même un peu secret mais attentif, il avait un sens particulièrement aigu de la pédagogie mais aussi de la faisabilité technique d’un projet artistique, et, pour l’avoir vu souvent examiner des travaux de futurs scénographes, on voyait vite qu’il pouvait avec quelques remarques ou conseils, remettre les choses dans l’axe. Avec calme, intelligence et respect, il savait corriger un travail d’élève pour lui permettre de progresser. Et dans ce genre d’exercice qui ne va pas de soi, il faut à la fois une grande compétence, et une vraie culture théâtrale, mais aussi une envie de transmettre, trois choses qui le caractérisaient bien .
Il rencontra, il y a quelque quarante ans, Ariane Mnouchkine et ses comédiens du Soleil et participa à qu’il fut convenu d’appeler les créations collectives du Soleil mais où la mise en scène de la patronne, comme la scénographie, avaient une importance capitale. La marque des spectacles du Soleil, leur inscription dans l’espace d’une ancienne usine de cartouches transformée par les soins de Guy-Claude François, c’était aussi une indéniable réussite, admirable d’intelligence et de discrétion… et vite emblématique de cette compagnie, devenue au fil des générations, un maillon capital de la vie théâtrale française, et bien connue à l’étranger. Il nous souvient encore de Bob Wilson rencontré à 1793, absolument admiratif..
Il y eut ainsi et entre autres, L’Age d’or, avec ses cuvettes toutes en tapis brosse comme aire de jeu, Les Clowns, Méphisto, la série des Shakespeare, Les Atrides, L’Indiade , La Vie terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, Tartuffe, Tambours sur la digue, Le dernier Caravansérail, Les naufragés du fol espoir…
Guy-Claude François créa aussi les décors de Molière, le fameux film d’Ariane Mnouchkine. Ce qui caractérisait le mieux ses scénographies, c’était sans doute, l’excellente perception qu’il avait de l’espace d’un plateau, la rigueur dans le choix des formes et des couleurs, que ce soit pour des classiques, des pièces contemporaines ou pour des créations à partir de canevas ou d’adaptations de romans. Il collabora aussi au cinéma avec des réalisateurs comme Bertrand Tavernier.
Bref, un parcours exemplaire d’homme de théâtre, rompu à toutes les techniques du plateau, exigeant envers les autres comme envers lui-même. Guy-Claude, nous ne t’oublierons pas, et ce serait bien qu’il y ait assez vite une rétrospective de ses travaux.
Philippe du Vignal
*Les obsèques de Guy-Claude François auront lieu le mardi 11 février à 14h au cimetière du Père Lachaise.