Le Triomphe de l’Amour

Le Triomphe de l’Amour de Marivaux, mise en scène de Michel Raskine.

img_1796Michel Raskine est revenu au TNP,  la maison-père comme il dit, où il fut assistant de Roger Planchon « le grand aîné, le grand aimé »  pendant six ans. Il y met en scène, à l’invitation de Christian Schiaretti, Le Triomphe de l’Amour.
En 2009, au Théâtre de Lyon, dont il était le directeur, il nous avait donné à voir  Le Jeu de l’amour et du hasard de  Marivaux, dans une réalisation  un peu déconcertante, puisqu’il faisait jouer le jeune couple par des comédiens d’un âge plus que respectable ! Dans Le Triomphe de L’Amour, il dissèque, pour mieux les mettre en évidence,  les ressorts du jeu théâtral : le travestissement,  la mascarade , les quiproquos et les rebondissements qui en découlent.
 Et c’est jubilatoire ! Il  se met en effet au service de ce texte complexe et le rend lisible : la princesse Léonide, qui veut redonner  à Agis son trône usurpé par son propre père, tombe amoureuse du jeune homme. Comment le rencontrer alors qu’il vit, protégé mais isolé chez le philosophe Hermocrate ? Il lui faut donc forcer les résistances de cette maison fermée à l’amour, et amadouer le philosophe et la sœur. « Je ne sais pas ce que c’est que l’amour », soupire la vieille fille et  Hermocrate avoue : «  Comment voulez-vous que je vous aime, moi qui n’ai jamais aimé ? ».
Pour arriver à ses fins, la princesse devient le jeune Phocion et/ou la jeune Aspasie et elle utilise tous les ressorts de la persuasion et du mensonge. Tel l’étranger dans Théorème de Pasolini, elle met à nu chez ses interlocuteurs des tendances qu’ils ne soupçonnaient pas en eux-mêmes. Autoritaire, prête à tout, brutale, arrogante, en aristocrate qu’elle est, elle obtient ce qu’elle désire, d’abord des valets qu’elle réduit au silence en les achetant ou en les intimidant, des (faux) philosophes à qui elle donne l’illusion de la passion amoureuse, et surtout  d’Agis à qui elle offre,  et son amour et la couronne.  

La mise en scène de Raskine s’appuie sur un décor dépouillé avec un  jardin de philosophe qui est aussi desséché que son cœur.  les époques  et des costumes de plusieurs ‘époques;  ce n’est certes pas nouveau mais  permet quelques moments cocasses. C’est Clémentine Verdier, de la troupe du T.N.P. ,qui joue Phocion/la princesse, véritable meneuse de jeu, avec une énergie époustouflante. Elle ne fait qu’une bouchée du philosophe (Alain Libolt) qui n’est jamais caricatural. Et Léontine, la sœur, interprétée par Marief Guittier, parviendrait presque à nous émouvoir. On a même quelques morceaux de commedia dell’arte avec Arlequin (Maxime Mansion) et  Le jardinier ( Stéphane Bernard).
Fable politique ? Fable féministe ? Conte cruel ? Et si ce Triomphe de L’Amour était, avant tout, un savoureux morceau de théâtre ?

Elyane Gérôme

Théâtre National Populaire  de Villeurbanne, salle Jean Bouise, jusqu’au 21 février.

 

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