Rosmersholm

Rosmersholm d’Henrik Ibsen, texte français d’Eloi Recoing, mise en scène de  Julie Timmerman

 

 

ibsenÀ première vue, une maison paisible, pleine de fleurs mais aussi un peu mélancolique, avec, au mur, le portrait d’une femme sévère, celui de Beate, l’épouse de Johannes Rosmer qui s’est suicidée . Tout est déjà dans cette première image : la vie et la mort, l’élan et ce qui le freine, qui vont se mesurer dans le manoir ancestral. Rebekka West, belle et saine jeune fille qui semble régner ici, incarne d’abord une liberté, forte et pure: Rosmer et elle peuvent vivre sans trouble (apparemment) dans la même maison, heureux d’un amour à peine conscient. Jusqu’au jour où …
Même dans une tragédie intime, intérieure, il faut un élément déclencheur qui va d’abord prendre la figure du proviseur Kroll, venu demander à Rosmer de soutenir son journal d’ordre moral. Mais il est  scandalisé par l’appel de la liberté qu’il sent chez son beau-frère.
Ensuite, ce sera le journaliste véreux Mortensgaard  qui essaye d’exercer un chantage sur l’ancien pasteur. Cherchez la femme : la “faute“ ne peut venir que de Rebekka… Kroll arrivera à la faire parler : oui, elle a poussé Beate au suicide. Rosmer, horrifié et troublé, finit par la défier de se tuer à son tour. La fin est digne d’un grand opéra : réunis par l’amour, mais empêchés de le vivre sur cette terre, ils se jettent ensemble dans le torrent du moulin. Un personnage étrange est passé par là: Brendel, ancien précepteur de Rosmer, devenu une sorte clochard intellectuel, riche des œuvres qu’il n’écrira jamais mais aussi d’une perspicacité de troll : il a mis le doigt sur l’inéluctable.
Comme souvent chez Ibsen, cette fatalité de la faute et du malheur est tranquillement mise en doute par un personnage pleinement dans la vie. Dans Le Canard sauvage, c’est le docteur et ici, madame Helseth, la femme de charge.
Julie Timmerman qui joue aussi une Rebekka presque trop solide, lumineuse et opaque, maîtrise parfaitement l’affaire : avec peu de moyens, elle a conçu avec Clémence Kasémi, une maison Rosmer à la fois minimale et maximale, où le poids des ancêtres pèse de plus en plus lourd. Entourée d’excellents comédiens: Dominique Jayr, Marc Brunet, Xavier de Guillebon, Marc Berman, Philippe Rister.

La pièce s’approfondit d’acte en acte, emmenée vers l’irréel et hors du temps, par le fantôme d’un cheval blanc , ange annonciateur de la mort. Sur les murs mobiles du décor, les ancêtres reprennent toute la place, tout le pouvoir que la jeune fée de la liberté avait tenté de leur arracher. Mais voilà : dans le combat des cerveaux, elle a perdu et s’est fait contaminer par cette maison lourde de culpabilité.  Rosmer montait vers la liberté mais elle est descendue. La liberté est difficile et la “double contrainte“ rend fou : seule l’exaltation de la mort permet de s’échapper. Voilà un beau travail classique. Et c’est un compliment : pas si fréquent d’arriver à cette qualité pour un troisième spectacle. Mais on attend de Julie Timmerman, un point de vue d’artiste un peu plus affirmée.

 Christine Friedel

 Théâtre de l’Opprimé (Paris XII ème). T. :  01 43 45 81 20, jusqu’au 16 février, puis en tournée en Île-de-France

 

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