Bravo le MEDEF
Bravo le MEDEF…
Le MEDEF qui ne doute jamais de rien, a enfin dévoilé ses plans qui étaient le dernier secret de Polichinelle: il persiste et signe son opposition à l’assurance-chômage des intermittents du spectacle, alors que les négociations entre les partenaires sociaux vont reprendre aujourd’hui…
Pour saluer le grand courage et l’immense bonne volonté de l’organisation patronale, qui veut à tout prix abroger le régime spécifique des intermittents, (les fameuses annexes 8 des techniciens, et 10 pour les artistes), et le faire rentrer dans le régime dit général, un cortège partira aujourd’hui, du Palais-Royal à 14 heures vers le siège du Medef, avenue Bosquet à Paris.
Certes, ce régime d’indemnisation est loin d’être parfait mais il a fait ses preuves; sans doute, il a ses tricheurs mais ce qu’on oublie de dire, pas plus que tous les autres… Et le MEDEF ne signale pas qu’il y a d’autres tricheurs, et des plus institutionnels qui, eux, sans aucun état d’âme, continuent à recruter techniciens et artistes avec un statut d’intermittent, dans le but évident de contourner la loi et de faire des économies.
Ainsi, selon le rapport de la mission sur l’intermittence, fin 2012, c’est à dire hier, notait bien que les chaînes de de la télévision publique comptaient 18 % de salariés non permanents, dont la moitié d’intermittents, alors qu’ils devraient être normalement embauchés en CDI. Même si chez Radio-France, l’intermittence concerne davantage les producteurs et animateurs, l’un d’entre eux avait travaillé pendant 37 ans ( sic) en CDD! France Télévisions, institution privée, emploie, elle, 400 permanents et 200 non permanents (en équivalent temps plein).
Bref, le MEDEF et son Gattaz préféré feraient déjà bien de balayer devant leur porte, avant de proposer du n’importe quoi, c’est à dire, si on a bien compris, de faire payer l’Etat. Ils devraient se souvenir du fameux: » Pas question de céder » que bien des hommes politiques: entre autres, Juppé, avec son plan de sauvegarde de la Sécu, Balladur qui voulait abroger la loi Falloux, Devaquet qui prévoyait l’autonomie des universités et qui après la mort de Malek Oussekine exécuté par des policiers, dût démissionner, Ferry avec sa loi sur l’autonomie des universités vite enterrée, Villepin avec son CPE, Fillon avec son projet sur les IUT, tous avaient cru bon de rouler les mécaniques face aux grandes manifestations de rue… avant de reculer des deux pieds.
Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, comme Jean-Marc Ayrault, ont bien soutenu la position des syndicats mais quel est le poids d’un gouvernement en fin de course, à l’heure actuelle? La France est quand même un curieux pays: il faut à tout prix que les situations les plus invraisemblables – et celle-là dure depuis plus de dix ans!- ne puissent se résoudre qu’une fois passée l’épreuve de la rue.
Victor Hugo disait: » La rue est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société ». Aux dernières nouvelles, le sieur Gattaz, lui aussi, aurait mieux fait de se taire: toute honte bue, il a déjà commencé à reculer!
Mais restons vigilants.
Philippe du Vignal
Nous avons reçu cette lettre de Bernard Bloch, comédien et metteur en scène, où il résume clairement la situation actuelle.
Ph. du V.
Intermittents du spectacle, pourquoi ? Qui sont-ils ? Servent-ils à quelque chose ?
Etre “intermittent du spectacle” n’est ni un métier ni un statut. C’est un régime d’indemnisation-chômage spécifique, créé en 1936.Un tiers des salariés du secteur ne sont pas intermittents mais travaillent dans le cadre du régime général, en CDI ou en CDD. Les intermittents du spectacle sont des travailleurs, artistiques, techniques et administratifs. Leur travail salarié est discontinu. Comme celui des gens travaillant en CDD, les intérimaires, les stagiaires, les travailleurs à temps partiel.
En réalité, la plupart des intermittents travaillent constamment, mais seules leurs périodes de salariat sont discontinues :
1) Soit, pour la très grande majorité d’entre eux, parce qu’une importante partie de leur travail est souterrain : une danseuse s’entraîne quotidiennement sans être payée ; un comédien travaille son texte chez lui sans être payé ; un metteur en scène de théâtre ou de cinéma réunit une distribution, conçoit une scénographie, recherche des financements pendant des mois, parfois des années, pour une création qui verra le jour longtemps après le début de son travail. Mais il ne sera payé qu’au moment de la création….
2) Soit parce qu’ils travaillent dans des entreprises audiovisuelles ou ‘événementielles’ qui auraient les moyens de les payer normalement pour la vraie durée du travail, mais qui, pour « optimiser leurs profits », ‘abusent’ des modalités spécifiques d’indemnisation des intermittents.
3) Soit parce qu’ils travaillent pour des associations peu argentées qui n’ont pas les moyens de payer chaque jour travaillé et qui utilisent, elles aussi, ces modalités spécifiques d’indemnisation des intermittents, sans lesquelles elles ne pourraient tout simplement pas exister. C’est le cas de la plupart des compagnies artistiques ainsi que d’un certain nombre de théâtres indépendants reconnus et soutenus par les pouvoirs publics pour la qualité de leur travail, leur indépendance et le faible coût de leurs productions.
Si ces structures devenaient elles aussi des institutions d’État, si le régime de l’intermittence dépendait de l’État, et non de la solidarité interprofessionnelle, ces compagnies et ces artistes perdraient l’indépendance et la singularité qui font leur raison d’être.
4) Les intermittents du spectacle, sauf quelques stars, ont des revenus (salaire+indemnités) modérés ou faibles : le salaire annuel médian des intermittents, indemnités comprises (artistes et techniciens), est de 8503 € (4869 € pour les seuls artistes !). Et encore, la moitié d’entre eux (comme la moitié des chômeurs) ne bénéficient pas d’indemnisation ! Sont-ce là des privilégiés ?
Les intermittents du spectacle servent-ils à quelque chose ?
1) Les ‘intermittents’ font vivre des pans entiers de l’économie nationale qui sinon s’écrouleraient (tous les théâtres et les cinémas, des orchestres, les parcs d’attractions, voire la télévision) ou qui seraient mis en difficulté (tout le secteur touristique et commercial qui bénéficie grassement des activités culturelles et, notamment, festivalières). Sur cette question économique, les chiffres avancés par les détracteurs des intermittents pour faire valoir qu’ils sont coûteux, parasitaires et privilégiés, sont mensongers et insultants. Selon un récent audit indépendant et officiel, le secteur culturel représente en effet plus de 3% du PIB et emploie plus de salariés que l’automobile et autant que l’agro-alimentaire.
2) Les intermittents travaillent -comme d’autres artistes non intermittents (plasticiens par exemple)- à essayer de rendre accessible une denrée (l’art) qui n’est pas un luxe de nantis, ni d’intellectuels, mais qui est –consciemment ou non- absolument essentiel à la vie de toutes les femmes et de tous les hommes, comme c’est le cas depuis la nuit de Lascaux. L’art est un regard neuf sur le réel. Il permet de le transformer, et seuls, ceux qui considèrent que le monde est paradisiaque, ne ressentent pas le besoin de la transformer.
3) En ces temps de révolution numérique, de limitation des ressources naturelles et d’émergence légitime des économies du Sud, l’intermittence peut constituer un laboratoire très utile pour élaborer un nouveau mode de gestion du travail et du chômage que l’évolution de la société rendra bientôt obligatoire pour tous les travailleurs, dans tous les secteurs économiques.
Le « travail invisible » de conception, de réflexion et d’enrichissement culturel occupera bientôt plus de temps que le travail salarié à l’ancienne. Le CDI à vie dans la même entreprise, voire dans la même branche, devient de plus en plus rare et, ce qui est aujourd’hui considéré comme une menace, pourra alors devenir une chance qui laissera à tous les travailleurs plus de temps pour s’émanciper.
Là encore, les 10% de privilégiés qui accaparent 90% des revenus ont tout intérêt à empêcher cette émancipation qui conduirait immanquablement à la remise en cause de leurs privilèges.
Bernard Bloch
Nous avons reçu aussi ce message:
Le Point réalise un sondage super démago « pour ou contre la proposition du Medef d’en finir avec les intermittents »! Pour voter contre, il suffit de cliquer sur le lien et de cocher « non »; ça prend 2 secondes! Merci d’agir contre cette propagande!!!!
Christian Maillard
http://www.lepoint.fr/sondages-oui-non/etes-vous-favorable-a-la-proposition-du-medef-d-en-finir-avec-le-regime-des-intermittents-du-spectacle-16-02-2014-1792218_1923.php