Les Amants parallèles
Les Amants parallèles de Vincent Delerm.
Ce n’est sans doute pas un hasard qui amène Vincent Delerm à chanter les chansons de son dernier disque dans un des lieux historiques du théâtre qui ont une âme, comme le Dejazet , ou comme pour son dernier concert-spectacle, les Bouffes du Nord.
Situé sur le boulevard du temple appelé boulevard du Crime au XIX ème siècle, (larcins et meurtres en tout genre y ont été aussi perpétués, d’où son surnom), le Dejazet faisait partie d’un groupe de vingt théâtres et cabarets qui accueillaient des spectacles de chansons, pantomime, acrobatie, marionnettes…
L’atmosphère de l’époque a été immortalisée au cinéma par le célèbre Les Enfants du Paradis de Marcel Carné, sorti en 1945, qui raconte les amours contrariés de Garance (Arletty) et du mime Debureau (Jean-Louis Barrault). Et le théâtre Dejazet est le seul qui subsiste de cette période. Aidé pour la scénographie par Aurélien Bory, le chanteur est, cette fois-ci, seul en scène, en dialogue musical avec un autre piano, lui, mécanique.
La première partie est consacrée à son nouveau disque Les Amants parallèles, où il nous fait vivre, dans une tonalité douce amère et nostalgique, la vie d’un couple d’aujourd’hui. Comme Vincent Delerm le dit: « C’est une façon de vivre à deux aujourd’hui, de mettre en place une complicité autrement, qui existe, et qui me touche ».
Dans la deuxième partie de ce parcours-concert, il retrouve les succès de ses précédents albums et évoque les bonheurs passés que la vie laisse trop vite échapper. La tonalité rouge et or de cette salle à l’italienne se retrouve dans les lumières du spectacle qui plongent le chanteur dans une alternance de jeux d’ombres et de lumières. Avec des mots qui évoquent le quotidien d’un couple: lit, hôtel, tunnel, amants etc.., et des silhouettes projetées en ombres chinoises en fond de scène
Le public est plongé avec délices dans ces fragments de vie qui peuvent lui rappeler la sienne. Le spectacle possède une couleur impressionniste, et le chanteur pourrait reprendre les mots du marionnettiste russe Sergueï Obraztsov : «Qu’est-ce qui est le plus important, l’essentiel dans l’art ? Le plus important est de voir. Voir autour de soi la vie dans toutes ses manifestations : discerner dans la vie non seulement ce qui est important, mais aussi ce qui peut sembler secondaire, et comme fortuit. Il faut savoir enregistrer tout ce qu’on voit pour en comprendre la signification et la relation entre grandes et petites choses, savoir dégager le grand qu’on trouve parfois dans le petit, et inversement le petit dans le grand».
Ici, Vincent Delerm y réussit parfaitement.
Jean Couturier
Théâtre Dejazet jusqu’au 29 mars.