2014: 78 ème Festival d’Avignon.
Plus de 600 personnes au Théâtre de la Ville pour la présentation de ce 78 ème festival d’Avignon par Olivier Py, son nouveau directeur, dont on se souvient qu’il avait été débarqué de l’Odéon il y a deux ans par les soins de Frédéric Mitterrand, ci-devant ministre de la Culture, sous l’influence de l’Elysée, ce qui avait provoqué pas mal de remous dans le petit monde de la Culture….
Olivier Py a commencé par donner la parole à Samuel Churin, acteur, dont on connaît l’action au sein de la coordination des artistes et techniciens intermittents du spectacle. En 2003, un protocole d’accord signé pour réformer le régime spécifique d’assurance chômage des intermittents, avait provoqué leur colère et l’annulation du festival d’Avignon.
Preuves à l’appui, Churin et ses camarades ont démontré pendant dix ans que ce déficit n’existait pas, que cela ressemblait à une prise de position idéologique de la part du Medef. Et ils ont posté sur le net deux films, Ripostes numéro 1 et Ripostes numéro 2, pour encore, et toujours le prouver; l’an passé enfin, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, et Michel Sapin, ministre du Travail, auditionnés devant la mission d’information parlementaire, sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, ont aussi réfuté l’argument du prétendu déficit. Notamment, en affirmant qu’il y avait confusion entre comptabilité analytique et déficit et qu’il n’y a pas lieu d’identifier une catégorie de bénéficiaires. Le MEDEF, qui avait recommencé à attaquer ce mois-ci, semble enfin faire preuve de plus de lucidité.. Mais restons vigilants...
Olivier Py a ensuite commencé par remercier les deux bonnes dizaines de mécènes institutionnels et privés, sans lesquels cette nouvelle édition n’aurait pu avoir lieu et a reconnu que l’un des deux grands défis à relever étaient le vieillissement du public, et le prix souvent trop élevé des places. La solution étant pour lui une diminution, même symbolique, des tarifs en général, et une politique d’abonnements à tarif réduit (10 euros quand même!) pour les jeunes de moins de 26 ans, et les spectateurs qui restent longtemps au festival, une programmation jeune public et l’établissement de meilleurs liens avec l’Education nationale. Toutes mesures très concrètes.
Mais force est de constater que, si les salles du Festival sont pleines, le public- et les faits sont têtus comme disait le camarade Lénine- n’a cessé de s’embourgeoiser ces dernières années. Et il va falloir ramer pour faire revenir les jeunes au Festival in, alors qu’ils sont souvent nombreux dans le off… « Le rapport au public n’existe que s’il est pensé et acté par un geste social d’envergure. comment allons-nous désormais nous agrandir, pas tant en nombre qu’en différence? « , dit justement Olivier Py.
En effet, à l’heure des restrictions budgétaires et quand il lui faut encore quelques millions pour assumer les frais de la FabricA, on comprend mal comment il va pouvoir faire moins cher, en augmentant le nombre de jours du Festival (cette année du 4 au 27 juillet) aux mêmes dates que le off, désormais aussi connu et plus populaire, et en créant deux autres lieux d’accueil: l’Hôtel des Monnaies, le Gymnase Paul-Giéra… Mais qui vivra verra.
En tout cas, le programme préparé par Olivier Py et son équipe ne manque ni de panache ni d’ambition, avec 25 artistes jamais venus au Festival et dont la moitié ont moins de trente cinq ans, et avec quatorze auteurs vivants.
D’abord, joli clin d’œil à Jean Vilar et au passé, la création du Prince de Hombourg de Kleist dans la Cour d’Honneur, dans la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti avec Xavier Gallais et Eléonore Joncquez; soixante-trois ans après, ils vont succéder à Jeanne Moreau et à Gérard Philipe…
Le théâtre français comme étranger du passé comme du présent (Gustave Akakpo), avec des valeurs sûres… et d’autres moins sûres, des metteurs en scène reconnus ou moins connus, se taille la part belle avec, entre autres: Intérieur de Maurice Maeterlinck par Claude Régy, Huis de Michel de Ghelderode par le Belge Josse de Pauw, Othello Variation d’après Shakespeare, par Nathalie Garraud et Olivier Saccamano, La famille Schroffenstein de Kleist par Corsetti avec les jeunes acteurs de l’Ecole de Cannes, Notre peur de n’être par Fabrice Murgia, jeune créateur belge et Henry VI de Shakespeare (en 18 heures!) par Thomas Jolly, dont une partie a été récemment donnée au Théâtre des Gémeaux (voir Le Théâtre du Blog) mais aussi Vitrioli de Yannis Marvitsakis, mise en scène par Olivier Py.
Et Mai, Juin,Juillet de Denis Guénoun, mise en scène de Christian Schiarreti, une sorte de saga sur le festival d’Avignon, Hypérion d’après Hölderlin par Marie-José Malis,la nouvelle directrice d’Aubervilliers, Orlando ou L’Impatience de et par Oliver Py, Falstafe de Valère Novarina, mis en scène par Lazare Herso-Macarel….
Et trente ans après celui, fameux de Peter Brook qui avait inauguré la Carrière Boulbon, un Mahabarahta dans ce même lieu devenu mythique, par Staoshi Miyagi, etc… Et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques avec Sujets à vif. Mais impossible de citer toutes les créations…
Au chapitre danse: Coup fatal avec Julie Nioche, Serge Kakudji, Fabrizio Cassol, mais aussi Alain Platel, Thomas Lebrun, Arkadi Zaides, Robyn Orlin, et l’Américain Lemi Ponifasio dans la cour d’Honneur. Et en musique: Don Giovanni, letzte party, variation de l’Allemand Antu Romero Nunes, venu de Hambourg et, avec la collaboration de l’Abbaye de Royaumont, Cinq chants aux accents d’orient et de Méditerranée et, venus du Caire, Hassan El Geretly et El Warsha.
Et enfin pour finir, le 27 juillet, un beau coup populaire: Les Têtes Raides avec Corps de mots dans le Cour d’Honneur! Un Festival qui a au moins déjà le mérite de la diversité. Et Olivier Py de citer Jean Vilar: « Le ciel, la nuit, le texte , le peuple, la fête ». On ne peut que souhaiter le meilleur à cette 68 ème édition de ce festival qui reste de toute façon exceptionnel..
Philippe du Vignal
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