Le tireur occidental

Le Tireur occidental,  de William Pellier, mise en scène de Michel Cochet.

 

Chez les acteurs, entre autres, Clovis Cornillac qui reprend La Contrebasse, Grégory Gadebois  à  Hébertot, Fabrice Lucchini au Théâtre Antoine, ou Wjadi Mouawad, et bien entendu Philippe Caubère depuis une trentaine d’années, et bientôt, le tout à fait remarquable solo de Serge Maggiani dont nous vous reparlerons. Chez les actrices: Laurence Vielle, Hélène Vincent, Stéphanie Bataille, etc… Bref, le monologue, souvent rebaptisé solo, fait partie, pour le meilleur ou pour le pire,  du paysage théâtral contemporain. Avec aussi, le plus souvent, avec une scénographie réduite à l’essentiel.
  En fait, le monologue  appartient à  une vieille tradition du théâtre occidental; venu de la tragédie grecque, il a, depuis le Moyen-Age et ses conteurs, abondamment prospéré, et Molière comme Shakespeare  puis Büchner, comme Hugo l’ont souvent employé. Et, au vingtième siècle, il est presque devenu un genre à part, à côté du monologue intérieur au cinéma, comme chez Beckett avec La dernière Bande  ou chez Dario Fo.
William Pellier  n’est pas un inconnu au bataillon des jeunes  dramaturges et, en 1999, La Vie de marchandise, avait été mise en scène par Claire Rengade au Théâtre des Clochards célestes à Lyon et en 2010, Grammaire des mammifères avait été créée par  Thierry Bordereau au Théâtre des Ateliers, également à Lyon.
Le Tireur occidental est une sorte de fable sous forme de monologue sur l’attitude des démocraties occidentales, encore récemment colonisatrices et encore très influentes sur le plan économique comme culturel, donc volontiers arrogantes et donneuses de leçons, face à un monde le plus souvent mal connu et donc à priori suspect…
  Rodolphe est un jeune ethnologue qui est parti rejoindre aux confins des terres civilisées un homme dit le Tireur occidental dont le travail consiste à barrer la route aux peuples barbares qui pourraient menacer notre intégrité, et donc à tuer sans aucun état d’âme. Quant à Rodolphe, il est là pour observer et étudier les méthodes du tireur. Aussi enthousiaste que naïf, il apprend aussi la solitude de tout combattant et à comprendre qu’il existe aussi des hommes qui n’ont pas eu sa chance, et qui sont voués leur vie durant, à connaître la misère et la faim. Le tireur occidental mourra d’une fièvre mystérieuse et Rodolphe, lui,  rencontrera Rad-jik un autochtone qu’il recueillera. Xavier Banju est seul, sanglé dans un uniforme blanc, comme en portaient les explorateurs sur les photos prises dans la jungle africaine. Assis au sommet d’un poste d’observation, ou un moment allongé, il dit, avec beaucoup d’élégance,  ce texte bien écrit mais pas facile qui tient  du récit de voyage ethnologique d’autrefois et qui rappelle parfois Dino Buzzati. Autour de lui, quelques petites statues en bois et en rafia de Cyrille Bosc évoquant des totems africains.
Avec cette particularité: le texte de William Pellier, on ne s’en aperçoit pas au début, ne possède aucun verbe. Technique que s’était déjà appropriée Diderot: ce type de phrase nominale privilégie l’imaginaire, les métaphores qui semblent alors plus vraies, et les impressions, plutôt que les idées généralement conduites  dans un texte par des verbes, locomotives d’une pensée. Et on est donc ici plus proche du langage parlé, donc d’une certaine façon de la parole au  théâtre et c’est tout à fait  agréable à entendre,  surtout comme c’est le cas ici, quand Xavier Péju s’en empare avec une impeccable diction et une belle énergie…
Mais cela « fait-il théâtre » comme aurait dit Antoine Vitez? Malgré la bonne direction d’acteurs de Michel Cochet, il est permis d’en douter, et le spectacle a quelque chose d’assez sec et de démonstratif. L’écriture de William Pellier, sans doute respectable, tient du parti pris et de la prouesse technique.
Ce n’était sans doute pas le bon soir (et c’est injuste pour le comédien) mais quand il n’y a qu’une dizaine de spectateurs, le courant a forcément du mal à passer… Le théâtre, on l’oublie parfois, c’est avant tout un vrai public, surtout pour un solo…

Philippe du Vignal

Théâtre du Lucernaire à Paris

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Archive pour mars, 2014

Chants d’exil, Poèmes et chansons: Bertolt Brecht

Chants d’exil, Poèmes et chansons: Bertolt Brecht, adaptation et mise en scène de Serge Barbuscia, composition et arrangements de Pascal Fedor.

 

balconBertolt Brecht né en 1898 en Bavière est mort en 1956, à Berlin-Est, naturalisé autrichien six ans avant. A vingt ans, donc à la fin de la première guerre mondiale, mobilisé comme infirmier, il  écrit  Baal. Puis Tambours dans la nuit  qui obtint le prix Kleist, et Spartacus et Dans la Jungle des villes. Il rejoint le Deutsches Theater de Max Reinhardt, avec l’actrice Hélène Weigel qui monte ses pièces.
Viendront ensuite Homme pour homme puis Grandeur et décadence de la ville de Mahagony, et en 1928, il crée L’Opéra de Quat’sous avec la musique de Kurt Weill qui fut un très grand succès. En 1930, les nationaux- socialistes interrompent les représentations de ses  pièces. Il épouse alors  Hélène Weigel, et devient marxiste. Mais les nazis les forcent à quitter l’Allemagne en février 33, et son œuvre  est interdite et brûlée lors d’un autodafé!
Dès lors, il parcourt l’Europe, et, en 1933, s’installe au Danemark. Déchu de sa nationalité par les nazis en 35, et donc apatride, il vit en Suède à partir de 39, puis en Finlande, et finit par arriver en Californie en 41. Mais, inscrit sur la trop fameuse liste noire d’Hollywood, il comparait devant la commission des activités antiaméricaines du sénateur Mac Carthy, et est  chassé des Etats-Unis en 47…comme Chaplin, Orson Welles, et bien d’autres!
Et  il va se retrouver en Suisse mais les Alliés lui refusent un visa pour la  République Fédérale Allemande et, en 49, s’installe à Berlin-Est, où il fonda le Berliner Ensemble avec Hélène Weigel. Et en 1950, il obtint la nationalité autrichienne.

Cela pourrait presque être une pièce de Brecht mais non, c’est rapidement résumée, la vie passionnante de cet écrivain et dramaturge, en exil forcé pendant quinze ans soit un quart de sa vie, obligé de gagner sa vie comme il pouvait, sans théâtre et loin de son pays, ce qu’on oublie trop souvent et qui marqua son œuvre.  » Nous sommes des expulsés, écrivait-il,. Nous sommes des proscrits. Et le pays qui nous reçut, ne sera pas un foyer mais l’exil ». Ce qui ne l’empêcha pas d’écrire, entre autres:  La Vie de Galilée, Mère Courage et ses enfants, La Résistible ascension d’Arturo Ui…
Serge Barbuscia s’est emparé avec intelligence de cet itinéraire hors-normes qui commença donc, quand Brecht n’avait que 35 ans et quand la seconde guerre mondiale allait commencer avec une exceptionnelle violence, et 
des millions de morts! Le metteur en scène a su éviter le piège de l’illustration et de la ressemblance physique avec l’auteur, et le spectacle est plutôt une évocation de cette longue marche solitaire, avec les poèmes de Brecht et ses chansons, et les témoignages de ses contemporains .
Rien ou si peu sur scène, qu’un petit praticable pour Yvonne Hahn, au bandonéon, et de belles lumières. Le spectacle est mené par Serge Barbuscia, comédien et Aini Iften, conteuse et chanteuse; tous les trois savent nous emmener habilement, avec humour sur les chemins de cet homme en proie à la nostalgie d’un patrie perdue, quand Brecht n’était pas encore aussi reconnu qu’il l’a été par la suite.
Et on est vite très sensible à cette évocation toute en nuances, le plus souvent fondée sur le fameux « sprechgesang », sorte de parlé/chanté repris par Alban Berg, il y a un siècle déjà, quand il créa son Pierrot lunaire, puis par nombre d’artistes et poètes dont Ginsberg, Ferlinghetti mais aussi Dylan, et chez nous, par Aznavour ou Noir Désir.
Sans doute, le spectacle, encore un peu brut de décoffrage, trouvera-t-il plus sa vraie place cet été sur la scène du Théâtre du Balcon à Avignon que sur celle, petite,  du Théâtre de Lenche, où la balance des voix (amplifiées, ce qui n’est pas, une fois de plus, une bonne trouvaille) avec le bandonéon dont la puissance est souvent trop envahissante, devrait être revue, comme les lumières parfois trop sombres.
Mais, c’est pendant soixante minutes, sous la forme d’un petit cabaret, une singulière et très utile piqûre de rappel, en ces temps troublés, comme dans les années 30, par des bruits de botte, et où sans doute d’autres gens, qui n’ont jamais entendu parler de Brecht, risquent, eux aussi, se retrouver sur le chemin de l’exil…

Philippe du Vignal

Spectacle créé au Théâtre du Balcon en février; vu au Théâtre de Lenche à Marseille. Théâtre Aimé Césaire, rue Victor Sévère à Fort-de France du jeudi 13 au samedi 15 mars;  et en juillet prochain, au Théâtre du Balcon à Avignon.

Au Pont de Pope Lick

Au Pont de Pope Lick de Naomi Wallace, traduction de Dominique Hollier, mise en scène d’Anne Courel.

pontpope9794 Une découpe de lumière grillagée projette sur Dalton les barreaux d’une prison. Il esquisse des ombres chinoises sur les murs, comme son père le lui a appris avant de sombrer dans le chômage et la dépression. Dans l’attente de son procès, l’adolescent revit les événements tragiques qui l’on conduit là. Un défi lancé par Pace, à dix-sept ans, au Pont de Pope Lick : traverser en courant les voies de chemin de fer avant l’arrivée du train en échange d’un baiser. En contre-bas, la rivière est à sec.
“ – Pace: … si tu ne le fais pas ta vie passera exactement comme tu l’imagines : vite, sale et froide. – Dalton : Après l’école je pourrais partir à l’université. – Pace : Tu n’iras pas à l’université. Aucun de nous ne va aller à l’université.” La jeune fille ne lui laisse pas le choix. S’il veut vivre, s’il veut gagner son amour.
La pièce procède, par aller-et-retour, entre la prison et le Pont de Pope Lick, un décor vertigineux, créé par des projections de pylônes de viaduc. Tout au long du spectacle, on entend par intermittence, siffler le train et cracher la locomotive à vapeur. Monstre aveugle et omniprésent, fascinant et menaçant. Une bête humaine broyant les individus, génération après génération, comme la crise a brisé les parents de Dalton, présentés dans quelques scènes, en contre-point.
Pour mieux laisser entendre les dissonances de la société d’aujourd’hui, Naomi Wallace, autrice engagée, situe le drame au fin fond du Kentucky, dans l’Amérique des années trente, terrassée par la grande dépression économique. ‘‘On est comme des pommes de terre oubliées dans le noir”, dit justement l’un des protagonistes.
Malgré sa noirceur, et grâce à une écriture toute en finesse et en poésie, Au Pont de Pope Lick met en scène le vertige des amours adolescentes, avec des points lumineux et des moments émouvants et drôles, quand les mots viennent à manquer et les gestes se font maladroits; on se repousse, alors qu’on aurait envie de s’étreindre pour se sentir exister.
Anne Courel, a su apporter suffisamment de légèreté et de distance au spectacle pour offrir aux adolescents à qui sont destinées quelques joyeuses respirations et il y a là, en tout cas, matière à réflexion.

Mireille Davidovici

Théâtre de Vienne (Isère) le 27 février; au Grand Angle,Voiron (38) le 25 mars à 14h 30 et  20h. La Ferme de Bel-Ebat à Guyancourt (78) le  4 avril à 14h et  20h 30.

 Le texte est publié aux Editions Théâtrales

Othello

Othello de William Shakespeare , traduction de Julie Etienne et Joris Lacoste, mise en scène de Gwenaël Morin

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DR

 Un Journal* quotidien gratuit de dix pages, abondamment et agréablement illustré, accompagne le spectacle : coordonné par Barbara Métais-Chastenier, il se fait l’écho du travail et propose une exploration dramaturgique et iconographique d’un point précis de la pièce en cours. Il donne aussi un compte-rendu des activités collectives de la veille.
Le n° 102 du 27 février, correspondant à la cent deuxième représentation aborde la duplicité de Iago à partir de la phrase « Every way makes may gain » ( « dans tous les cas je suis gagnant »).
On y trouve plusieurs traductions de ce passage dont celle de Julie Etienne et Joris Lacoste, ainsi que des textes théoriques et des images sur la manipulation. Le Journal procède par collage à la manière de celui  de Guy Debord,  ou de la revue de Bataille ; «comme le théâtre, il engage un bras de fer avec le temps».
Gwanaël Morin reconnaît qu’il est difficile de tenir un tel rythme mais il entend réussir en adaptant le projet au jour le jour et, avec la perspective de passer le flambeau à d’autres équipes, quand ses propres spectacles partiront en tournée : « Je dois courir ce risque parce que je veux, avec le théâtre permanent, créer un nouvel outil artistique. Je veux par insistance, ténacité, résistance, préciser et surtout dépasser sa forme initiale pour la conduire au point où d’autres artistes pourront à leur tour s’en emparer et faire du Théâtre du Point du Jour un théâtre unique au monde. »
En attendant, les Lyonnais, déjà nombreux au rendez-vous (jusqu’à une centaine par soir), sont invités à partager ce pari permanent. Et, pour les trois pièces de Sophocle, ils pourront même participer au chœur sous la direction d’un choryphée.

Mireille Davidovici

 Théâtre Permanent* Le journal du Théâtre Permanent est lu en direct à 18 heures sur le site internet : www.lepointdujour.fr

Théâtre du Point du Jour, 7 rue des Aqueducs, 69005 Lyon, T. 04 72 38 72 50 ; theatrepermanent@gmail.com

Peter Pan

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Peter Pan, d’après Peter Pan ou le garçon qui ne voulait pas grandir et Peter et Wendy de James-Matthew Barrie, adaptation de Christian Duchange et Marion Chobert, mise en scène de Christian Duchange.

 

De Peter Pan, tout le monde connaît la version de Walt Disney, qui le réduit à un conte pour enfants. Or, Peter Pan est une oeuvre multiforme, plusieurs fois déclinée par J.M. Barrie. Le personnage émerge dans deux romans : le Petit Oiseau blanc et Peter Pan dans les jardins de Kesingston. Il devient le héros à par entière d’une pièce, Peter Pan, l’enfant qui ne voulait pas grandir elle-même constamment modifiée par l’auteur après sa création (1904). Enfin le voici personnage principal du roman Peter et Wendy (1911).
Peter Pan vit dans l’Ile de Neverland. Le pays où grandir est interdit. Venu récupérer son ombre dans la chambre de Wendy, il persuade la petite fille qui connaît des histoires merveilleuses dont il est friand, de le suivre. Elle s’envole à ses côtés.
Mais l’aventure n’est pas sans danger : Wendy devra faire face à la jalousie de la fée Clochette, veiller sur les Garçons perdus jadis tombés de leur landau, échapper au Capitaine Crochet et à ses pirates, affronter les Peaux-Rouges … Au terme de ces péripéties , Wendy choisit de rentrer chez elle et de grandir au grand dam de Peter. Est-ce pour autant qu’elle aura perdu sa part d’enfance ? `
Christian Duchange a choisi de retourner aux sources du personnage imaginé par l’auteur écossais, et d’en explorer la complexité et les ambigüités. Peter Pan, c’est la liberté de la jeunesse ( “quand on grandit on désapprend à voler”) , l’imagination contre les contraintes du monde adulte (“je ne veux pas aller à l’école” ). C’est aussi la tyrannie enfantine et la cruauté sans affect.
Pour la traversée de ces territoires imaginaires de l’enfance, le metteur en scène a choisi la sobriété. Pas d’images vidéo racoleuses ni de grands effets scénographiques. L’espace se compose d’une simple tournette inclinée, de 4,50 mètres de diamètre, au centre du plateau. Elle est à la fois l’île, la chambre, le Rocher des abandonnés, la tanière des pirates. Un tulle bleu flottant au-dessus figure le voile de l’imaginaire, le rideau de la chambre de Wendy et le ciel où volent les enfants. En douze scènes ou «mouvements», qui entrelacent récit et mise en espace de la fable, on assiste à un va-et-vient entre ici–bas et le pays des rêves.
Quatre acteurs endossent tous les rôles au gré du récit : un c
rochet, et voilà le cruel capitaine, une capuche suffit à identifier les Garçons perdus, un chapeau d’Indien et Liz Tigrée surgit… Tandis que Peter mène la danse à son gré, invincible et omnipotent, nous plongeant dans les délices et les effrois de l’imagination.
L
e directeur de la Compagnie L’Artifice, sise à Dijon,  lauréate des Molière 2005 du spectacle jeune public pour Lettres d’amour de 0 à 10 réussit, avec cette adaptation aussi libre que fidèle à l’œuvre, à s’adresser aux enfants tout autant qu’aux adultes. Même si tous savent que le Pays du Jamais n’existe pas, ils prendront plaisir s’y envoler.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 21 février à Dijon / festival À pas contés et du24 -29 mars, à la Comédie de Reims et les1 et 2 avril, scène nationale de Besançon

 

 

Installation NUIT

Installation NUIT  par la compagnie Ouïe/Dire.

  Cela se passe  au LIFE, situé dans l’ancienne base de sous-marins de Saint-Nazaire où  Athénor et le LIFE ont invité Marc Pichelin, Jean-Léon PallandreLNU et Laurent Sassi en résidence. Ils ont puisé leur matière sonore dans le  Saint-Nazaire nocturne, puis en ont composé une pièce électro-acoustique, qu’ils ont installée dans les 160 m3 du LIFE. Un défi..  hybride, entre art contemporain, théâtre auditif,  poésie,  bruits et  musique.
  À l’entrée, sont disponibles d’étranges objets mous, apparemment destinés à nous maintenir la tête. Quand nous sommes arrivés sur place, il n’y avait rien à voir: l’espace est plongé dans l’obscurité. Ça et là, émane une discrète lumière de blocs géométriques, et on peut s’allonger pour profiter pleinement de l’expérience. L’étrange objet mou de l’entrée, très confortable, prend alors tout son sens.
  La position allongée favorise le glissement dans l’expérience: le son est partout et nous plongeons dans une dimension poético-bruitiste, en suspension, où des sons, d’habitude reconnaissables, se mêlent ensemble de façon étrange, créant ainsi une nouvelle réalité, à la fois familière et impossible. Un paysage sonore qui imprime sa présence sur notre corps, avec des vibrations tantôt légères et  par petites touches, tantôt intenses et à la limite de l’inconfort.
 Le travail de spatialisation du son est remarquable et ouvre à d’étonnantes sensations, comme celle d’entendre le bruit de la mer,  comme si nous étions au centre du son, expérience impossible dans la réalité,  à moins de flotter à la surface de l’eau sur une planche. Il n’y a rien à regarder, mais les images affluent derrière nos paupières.
La boucle entière dure quarante cinq minutes et se joue à l’infini, en  alternant deux crescendos-decrescendos. Un moment à vivre plus qu’à raconter: l’expérience se joue corporellement, dans l’intimité de chacun… Trente minutes environ nous ont suffi à éprouver l’ensemble du travail, mais difficile de quantifier cette dimension parallèle qui n’obéit pas aux lois en vigueur de notre espace-temps!

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The calling, 2013 2014, installation, technique mixte, courtesy lisson gallery londres photo marc Domage.

  Après une petite marche, revigorés par l’air de la mer, nous avons  fait une  visite  aux installations sonores de Random Acces Recall  au Grand Café, Centre d’Art Contemporain. Nous découvrons le travail de l’artiste londonien Haroon Mirza qui vient chatouiller la limite de notre expérience auditive, en nous faisant prendre conscience que nous sommes baignés dans un monde sonore standardisé.
Dans trois installations, Haroon Mirza met en place, non sans une certaine malice, différents dispositifs qui nous font expérimenter le son comme une matière sonore vibrante, tridimensionnelle et vivante, qu’il se plait à apprivoiser et à sculpter, bousculant au passage le confort de nos habitudes, pour notre plus grand bien…
Si vous passez par là, nous vous recommandons cette promenade en terrain sonore non-identifié qui a la vertu d’ouvrir nos oreilles à des contrées singulières et enrichissantes. Laissez-vous transporter, et livrez-vous à l’expérience !

Laurie Thinot

LIFE Base de sous-marins, Alvéole 14,  Boulevard de la Légion d’Honneur. 44600 Saint Nazaire  jusqu’au 16 mars, du mercredi au dimanche, de 14h à 19h. Entrée  gratuite.

Le Grand Café – Centre d’Art Contemporain Place des Quatre z’HorlogesF-44600 Saint-Nazaire T 02 44 73 44 00 jusqu’au 4 mai, tous les jours (sauf le lundi)  de 14h à 19h; le mercredi de 11h à 19h.  Entrée gratuite.

Clinique d’un Roi

Clinique d’un Roi, poèmes, peintures,  performance d’Antoine Pickels, avec des fragments copiés-collés dans (ou traduits de Le Ballet comique de la Reine de Balthazar de Beaujoyeux, La Guisisade de Pierre Mathieu, Massacre à Paris de Christopher Marlowe, Bussy d’Amboise et Le Revanche de Bussy d’Amboise de George Chapman, Henri III et sa cour d’Alexandre Dumas et Margot d’Edouard Bourdet.

clinique Les présentations: Antoine Pickels, se définit comme (sic):  « artiste visuel, performer, cinéaste expérimental, peintre de décor, éclairagiste, scénographe, metteur en scène, dramaturge, auteur dramatique, essayiste arpentant ainsi des milieux aussi divers que le rock, la littérature, le théâtre, la danse, le cinéma, la mode, les arts plastiques »…Et fut directeur de la Maison du Spectacle-la Bellone à Bruxelles.
Le Ballet comique de la Reine, est le premier grand  ballet de cour, imprimé en France et  créé en 1581 au Louvre. La Guiziade, est une tragédie de plus de 2.500 vers en cinq actes (1589) où comme son nom l’indique, Henri III a le projet d’assassiner Guise, ce qu’il va finir par faire. Massacre à Paris,la célèbre pièce de Marlowe, (1593) a été  jadis mise en scène par Chéreau,  et  il y  traite des massacres de la Saint-Barthélémy.
Quant aux deux pièces de George Chapman, ce sont celles d’un poète érudit, ami de Shakespeare et de Ben Jonson qui a écrit quelque dix-sept pièces. L’Henri III et sa Cour et Margot témoigne de l’intérêt que n’a cessé, trois siècles plus tard de produire ce personnage de roi français auprès d’autres dramaturges comme Alexandre Dumas, puis Edouard Bourdet (1935) qui parle lui, de Marguerite de France, dite Marguerite de Navarre, qui, après son mariage avec Henri IV, aurait éprouvé pour son frère, Henri III, une passion anormale qu’il partageait inconsciemment.
Cette « performance » se passe dans la salle de la rue des Cordes remodelée avec trois gradins en fer à cheval pouvant accueillir une  centaine de spectateurs sur des fauteuils dits coques, de sinistre mémoire,  capables vite fait de vous casser le dos. Au centre de la petite aire de jeu, un lit où repose un corps nu, sans doute agonisant, celui du roi Henri III de Valois,  juste recouvert d’un drap blanc avec au-dessus, un écran vidéo.
Henri III ( 1551-1589) fut roi de Pologne à peine deux ans puis devint, à la mort de son frère, roi de France de 1574 à 1589, dernier de la dynastie des Valois, auquel succéda son cousin Henri IV. Le personnage était connu pour être d’une rare distinction mais très dépensier: aimant les plaisirs et les spectacles comme la danse, les beaux vêtements… Fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, marié à Louise de Lorraine, il était amateur de chair fraîche féminine et eut de très nombreuses maîtresses. Il aurait eu aussi un goût prononcé pour les garçons. Côté politique, il dut s’affronter à de nombreux ennemis politiques, dont le parti de protestants, au cours de quatre guerres de religion, et mourut poignardé par un moine.
Clinique d’un roi n’est pas une illustration de cette vie qui a donc  inspiré de nombreux dramaturges: ce n’est pas le propos d’Antoine Pickels qui  a senti le danger et qui, avec ce spectacle/performance  » veut,dit-il, convoquer en un endroit singulier plusieurs champs d’exploration: l’image de l’homosexualité, l’histoire du théâtre, la question du transgenre et l’observation de la mort médicalisée ».
Antoine Pickels est là nu, allongé sur un lit d’hôpital  contemporain qu’il peut mettre en différentes positions grâce à une télécommande. Et quand on entre, on est frappé par la beauté picturale de cette image qui rappelle de nombreux tableaux classiques représentant un homme agonisant. Même si on devine bien qu’il s’agit ici comme d’un exorcisme de la mort d’un proche, en l’occurrence sa mère.
Avec aussi, le recours à des images sur écran où sont recréés onze tableaux; ce ne sont pas des copies mais des sortes d’interprétations qu’il analyse sous nos yeux. Sont aussi convoqués, dans une sorte de tissu très compliqué, des extraits des textes écrits par des dramaturges qui se sont emparés de la vie du célèbre roi français et des voix enregistrées avec lesquelles dialogue Antoine Pickels.
Aucun doute là-dessus: la proposition, même un peu confuse, ne manque pas d’intérêt et tout du début jusqu’à la fin, est d’une écriture très soignée sur le plan plastique. Oui, mais voilà, cela ne fonctionne pas vraiment entre image et parole: cette dramaturgie assez prétentieuse se révèle faiblarde: la fable qui nous est contée dans ce monologue sans fil rouge autre que ce corps allongé, part dans tous les sens, et cette convocation de six dramaturges se révèle être le type même de la fausse bonne idée.
Quant au dispositif des plus statiques, il atteint vite ses limites. Malgré de bons moments, comme ce merveilleux moment musical de Jurgen de Bruyn au luth, (mais filmé),  ou  ce dialogue surréaliste, avec la tête d’un gros chien noir, absolument remarquable, ou encore, quand, à la fin, Antoine Pickels nu, enfin debout, se travestit en femme: il y a là, en quelques minutes, une véritable émotion qui surgit à propos de la recherche de cette identité  qui lui tient à cœur.
Mais tout se paye dans la vie, et le bien, c’est plus cher, disait Céline. Et il faut mériter ces instants  au prix d’une insupportable logorrhée de trois heures,  d’un ennui accablant, auquel quelques-uns des trente spectateurs n’ont pas résisté et sont sortis; les autres, pour la plupart étudiants, sont restés, nous aussi mais n’ont pas non plus applaudi frénétiquement, c’est le moins que l’on puisse dire, et certains commentaires, à la sortie n’étaient pas des plus tendres…
Désolé mais rien à faire, tout ou à peu près nous a laissé éloigné de cette Clinique d’un Roi qui ne se revendique d’ailleurs pas comme spectacle, mais comme un Poème, peintures, performance, alors que nous sommes quand même priés de tenir assis sagement trois heures sans entracte bien sûr, sur ces affreux sièges inconfortables!  La performance, dans ce cas précis, est sans doute davantage du côté du public, pour sa patience et sa résiistance à cette épreuve physique! En fait tout se passe comme si Pickels semblait avoir confondu- volontairement sans doute, mais qu’importe-  spectacle et performance, alors que les règles en sont bien différentes.
Marcel Duchamp disait que le propre du happening était lié à un certain ennui mais ici, Pickels  en a rajouté une bien grande louche! En confondant allègrement déconstruction  et exploration le temps d’une performance c’est à dire une heure ou guère plus, ce qui peut être intéressant, et construction d’un véritable spectacle. Et là on ne sait pas très bien où l’on va.
On voit bien qu’il nous parle et avec sincérité de l’amitié, de la mort, de la solitude du pouvoir,etc… mais le performeur qu’il est, n’a rien d’un acteur et, de toute façon, personne n’arriverait à tenir un public attentif pendant trois heures, même avec des images vidéo qui, une fois de plus, ne servent pas à grand chose, sinon à donner une petite respiration  à ce déluge verbal. A l’impossible, nul n’est tenu.
On va sans doute nous dire que c’était la seconde représentation, mais que la troisième était nettement meilleure! Pas si sûr! Comme Antoine Pickels ne voudra sans doute jamais trouver une durée d’environ une heure, et une dramaturgie mieux  adaptées l’affaire parait mal engagée. Dommage!

Philippe du Vignal

Comédie de Caen  du 24 au 28 février

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