Disparition de Karel Kraus

Disparition de Karel Kraus.

kraus_karel1xKarel Kraus vient de s’éteindre à 94 ans à Prague. Parfaitement francophone, il était bien connu des milieux intellectuels français et avait joué un rôle important pendant le Printemps de Prague. Grand connaisseur de l’histoire du théâtre européen, il avait aussi traduit Giraudoux, Molière, Musset, Le Sage, Beaumarchais… et Tchekhov.
Dès 1945, il avait joué un rôle capital aux côtés de Jiri Frejka, maître de toute une génération d’artistes tchécoslovaques au Théâtre municipal de Prague, puis à partir de 1956, il collabora avec le metteur en scène Otomar Krejca au Théâtre National de Prague. Il avait été son dramaturge : il traduisait les pièces qu’il allait mettre en scène, conduisait les analyses dramaturgiques et réfléchissait aux modalités théoriques et pratiques du développement d’un théâtre moderne dans son pays .
C’est avec lui, et avec des acteurs et des auteurs tchécoslovaques qu’Otomar Krejca fonde, en 1965, le célèbre Théâtre Za Branou, qui sera fermé en avril 1971 par les autorités. Krejca est à l’origine d’une nouvelle façon de monter Tchekhov en Europe, et Kraus n’y est pas pour rien… Nous avions tous admiré
à Paris, au Théâtre des Nations, en 1968, Les Trois sœurs, qu’il avait traduite avec J. Topol, dans la scénographie de J. Svoboda et avec les costumes de J. Konecna,
La même équipe: Krejca, Kraus, Svoboda, Konecna, monta aussi un inoubliable
Lorenzaccio en 1969, qui vint en tournée à Paris en 1970. Sa vaste culture et sa grande modestie en faisaient un homme d’une intelligence et d’une civilité incomparables.

Béatrice Picon-Vallin


Archive pour 3 avril, 2014

La Dame aux camélias

La Dame aux camélias par le ballet de l’Opéra National de Paris, en tournée japonaise.

photoCe ballet a été représenté cinq fois à Tokyo par trois danseuses-étoiles différentes, dont  Agnès Letestu qui  a déjà fait ses adieux à l’Opéra Garnier en 2013 et Aurélie Dupont les fera, elle, en 2015.
Cet après-midi,  c’est Isabelle Ciaravola qui interprète le rôle de Marguerite; nommée il y a cinq ans dans Eugène Onéguine, elle a fait ses adieux à la scène parisienne avec ce même ballet le 28 février.
Ces danseuses sont accompagnées ici de Brigitte Lefèvre,  dont c’est la dernière saison à la direction de la danse à l’Opéra de Paris. Avec la musique de Chopin, cela  accentue la nostalgie lié à ce spectacle qui n’en manque déjà pas!
«Chopin,
dit John Neumeier, de par ses origines polonaises et  à cause de sa maladie, est symbolique d’une sombre destinée, un des thèmes majeurs de ce ballet». Sa chorégraphie fait ici corps avec l’histoire, et  le couple danse/théâtre s’accorde pour magnifier ces deux personnages: Marguerite Gautier, la courtisane, et Armand, le jeune homme de  bonne famille  tombé amoureux d’elle.
Le roman d’Alexandre Dumas fils, publié en 1848, a été adapté par Verdi avec La Traviata et repris par Neumeier dans les années 70, sous  forme  d’un ballet, est connu du monde entier. Même dans un pays d’une autre culture, il résonne intensément dans le cœur du public  japonais;  celui-ci,  surtout féminin, voue un véritable culte  au ballet de l’Opéra de Paris.
Ferveur intense:  les 2.300 places  sont vendues dès l’ouverture de la billetterie, les livres et DVD autour des étoiles de l’Opéra connaissent un grand succès,  et plus d’une centaine de personnes attendent dans un ordre impressionnant, à  la sortie des artistes,  pour faire une photo ou obtenir un autographe. Nombre de jeunes filles qui se rêvent en danseuses-étoiles, sont accompagnées de leurs mères qui partagent ce rêve. De classes moyenne ou supérieure, elles ne travaillent pas, et  consacrent une partie de leur vie à cet objectif, d’où la multitude d’académies de danse classique à Tokyo… Sur scène, chaque élément de la chorégraphie magnifie ce romantisme que le public attend. Le ballet débute par la mort de Marguerite et la vente aux enchères de ses meubles; les tableaux suivants  sont autant de souvenirs de chacun des personnages, sur une durée de spectacle de trois heures avec deux entractes. Le décor et les costumes de Jürgen Rose  très précis sont conformes à  à ce que l’on peut imaginer des appartements XIXème siècle bourgeois parisiens.
Comme pour Gisèle, souligne 
John Neumeier, le personnage  de cette Dame aux camélias peut être interprété de nombreuses façons: elle peut être très jeune, ou avoir une certaine maturité, ce qui est le cas avec ces interprètes françaises.  Le personnage de Marguerite met en valeur la théâtralité d’Isabelle Ciaravola: « J’avais envie, dit-elle, de rôles où je pouvais me perdre,  et  y mettre toute mon expérience de femme  en les abordant sans pudeur».
Elle y réussit pleinement et emporte le public dans le désespoir de  Marguerite. Mathieu Ganio l’accompagne ici dans une belle harmonie. La succession de leur pas-de-deux, d’une grande beauté, est emprunt d’un érotisme troublant. Le public découvre aussi, le théâtre dans le théâtre,  avec un extrait du ballet Manon. Pour le chorégraphe, «Il y a ici une extraordinaire concordance entre la musique, la dramaturgie, la danse et le drame», ce qui explique le succès de cette œuvre au-delà de nos frontières, en particulier à Tokyo.

Jean Couturier

Théâtre Bunka Kaikan à Tokyo du 20 au 23 mars.

 

 

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