Et si nos pas nous portent

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Et si nos pas nous portent… de Stanislas Cotton, mise en scène par Vincent Goethals.

La pièce a été créée en 2013 par le directeur du Théâtre du Peuple, à Bussang, beau théâtre de bois, installé à la lisière de la forêt vosgienne, magnifique institution avec un festival annuel du même nom. Al’entrée des rideaux de scène rouges ou couleur écrue sur le plateau qui a pris une forme proche du cabaret : velours rouge, loupiottes jaunes et parquet de bois avec une succession de numéros ponctués de chansons mises en musique par Pascal Sangla, entre cirque et cinéma, tendance Cukor et Minelli.
Ces saynètes : nouvelles théâtrales, bulles poétiques, notes littéraires de partition – sont portées par quatre acteurs, sont deux hommes, deux femmes, soit deux noirs et deux blancs.
Comédiens talentueux et facétieux, graves et comiques, qui s’amusent de leur harmonie ou bien de leur dissonance formelle, de leur complémentarité profonde ou bien de leur opposition. Ainsi Jessica Gazon, Solo Gomez, Baptiste Roussillon et Tadié Tuéné servent à merveille cette écriture poétique et ludique, entre douceur et amertume.
Si la prose poétique est l’affaire de l’auteur, un regard non politiquement correct posé sur la société est aussi la sienne. La mise en scène rejoint ce point de vue à un rythme soutenu avec une alternance de scènes farcesques ou plus sombres. La poétique consiste à dévoiler les contradictions dans les aveux intimes de l’être inscrit dans un univers professionnel et social, âpre, violent et inique.
La connivence avec le public s’établit, la parole peut paraître mais la forme esthétique décalée s’impose aussi sémantiquement. Comment rendre compte d’images fugitives et de scénarios vifs aussitôt envolés? Une cérémonie d’accession à un poste de responsabilités en entreprise – les passations de pouvoir sont d’une actualité très contemporaine – révèle la noirceur et la cruauté des intentions en termes de performance et de compétition.
Une brochette de travailleurs – une cultivatrice, un marin-pêcheur, un ouvrier …- distillent avec mélancolie et regret ce qu’est devenu l’état de leur métier autrefois digne. Une femme âgée atteinte d’une maladie de la mémoire ne cesse, auprès de son conjoint attentif, de réclamer qu’on respecte sa position de reine de conte d’enfance. Un bûcheron fait crier de douleur le bois du tronc qu’il abat avec sa tronçonneuse. Un homme encore parle des bienfaits des bretelles et des méfaits de la ceinture sur un pantalon. Une femme évoque à sa façon Alice au pays des merveilles, une autre encore, une perruche aux plumes colorées.
Une petite fille habillée en princesse de rêve, en jolie robe de tulle rouge bouffant, fait l’éloge de son oncle qu’elle aimait bien, jusqu’à ce que certains gestes déplacés de violeur aient pu définitivement la blesser, et lui ôtent brutalement sa part d’enfance… La vie se comporte parfois comme elle ne le devrait pas mais une opposition individuelle et citoyenne doit alors lui faire front, grâce à une levée de boucliers.
Avec Et si nos pas nous portent, nous allons là où nous le décidons, bouclant en souriant ce spectacle acidulé et railleur dont la question initiale était : «Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ? » Une volonté de résistance.

 

Véronique Hotte

 

Le Tarmac à Paris,  jusqu’au 11 avril 2014. T : 01 43 64 80 80. 

 


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