D’un retournement l’autre
D’un Retournement à l’autre, de Frédéric Lordon, mise en scène de Luc Clémentin.
Frédéric Lordon, directeur de recherches au CNRS, membre des Économistes Atterrés, étudie depuis plusieurs années les logiques funestes du capitalisme actionnarial, des marchés financiers et de leurs crises. On peut régulièrement apprécier sa lucidité sur cette crise financière qui nous broie, dans ses articles publiés dans Le Monde Diplomatique. C’est une plume brillante et, à la lecture, cette pièce spirituelle en alexandrins nous avait transportés. Luc Clémentin avait découvert la finesse de ses analyses des « subprimes » américaines, en l’écoutant sur France-Inter dans l’émission de de Daniel Mermet, Là-bas si j’y suis.
Sur le, plateau, dix économistes en culottes courtes sont debout, très graves, derrière leurs pupitres. Ils s’interrogent sur les marchés financiers en pleine déroute : « Vos actes sont parlants, surtout leur hiérarchie qui dit quel est l’ordre où les gens sont servis. D’abord les créanciers, le peuple s’il en reste. Voilà en résumé la trahison funeste »(…) Ma banque, ma vie, mon œuvre, la race des seigneurs est notre appartenance, la banque va sombrer (…) Le crédit, c’est nous, nous sommes intouchables ! »
Heureusement, l’État est là; idée géniale, Sarkozy (Loïc Risser) est plus vrai que nature ; d’abord assis sur un petit pliant, flanqué de sa Carla qui lui sussure à l’oreille des chansons réconfortantes, il marche à croupetons, avec ses tics et ses discours trompeurs. L’État rachète tous les crédits pourris qui devaient mettre en faillite ces banquiers véreux, et le gouverneur de la Banque de France, coiffé d’une perruque, une bougie à la main, réconforte les banquiers coiffés d’un chapeau, qui chantent en italien et qui acclament le Président.
Sarkozy prononce ses discours, et Hollande n’est pas en reste : « C’est la régulation qui conduit au marasme, prends l’oseille et tire-toi ! ». On entend régulièrement les annonces du métro: « Des pickpockets sont susceptibles d’agir dans la station ». Et c’est Luc Clémentin, le metteur en scène, qui joue Frédéric Lordon, en témoin lucide. On entend le discours de Hollande à Sarcelles : » Cet adversaire, c’est le monde de la finance ! ». On rit beaucoup, mais, au lendemain de cette déroute électorale de la gauche, ce spectacle est salutaire mais terrifiant. Créé à la Maison des Métallos en 2012, il a été aussi présenté à Confluences, au Monfort Théâtre, etc…. Ne ratez pas ce spectacle, s’il passe près de chez vous.
Edith Rappoport
Spectacle vu au Plateau 31 de Gentilly.
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