Mystery Magnet
Mystery Magnet, conception, scénographie et mise en scène de Miet Warlop
Mystery Magnet est un spectacle vivant plutôt singulier de Miet Warlop, une artiste bruxelloise, formée aux Beaux-Arts de Gand, qui cherche à étonner et à surprendre favorablement son public. Versée dans l’art visuel, en particulier tridimensionnel, elle privilégie sur les scènes de théâtre : performeurs, objets insolites, visions humaines décalées, pots de peintures colorées – du rouge, du jaune, de l’orange, du rose, du noir, du côté du dripping à la Jackson Pollock et des femmes-pinceaux d’Yves Klein. Un capharnaüm audacieux au désordre finalement organisé.
Des femmes en justaucorps noir surgissent sur le plateau, avec une grosse perruque laineuse imbibée de peinture noire qu’elles frottent sur le mur blanc, écran onirique de tous les fantasmes, un imaginaire débridé.
Des rayures multicolores de coulées libres et joueuses dessinent une fresque spontanée: déconstruction, défiguration, chaos, perte de soi et non-reconnaissance d’un monde sécurisé, le public en prend métaphoriquement plein les yeux. Ce paravent informel est l’objet d’agressions et de mises à mal systématiques: percé, crevé, déchiré – à coups de poing ou de cutter -, il est offert à la violence gratuite et libératoire des performeurs en attente d’expressions fortes et intenses.
À la fin, montant sur une échelle, un personnage obèse – le centre de gravité d’où partent toutes les visions scéniques étranges de ces comédiens déjantés – reste comme fiché dans la paroi de carton fragile, la tête et le buste de l’autre côté du public, et l’énorme fessier et les jambes coincés du côté des spectateurs.
L’homme est empêché d’être, c’est bien connu : frustré, gêné, replié sur lui-même. Éclaboussures, jets, coulures et vomissures de différentesmatières, le plateau devient bien vite un réceptacle de déjections, ensoleillé pourtant comme une fresque joyeuse, avec des auréoles vives et acidulées, comme un jardin réjoui et piqué de flaques.
Des lancers de flèches depuis l’autre côté de la paroi provoquent sur le devant de la scène des giboulées de printemps miniature, et un silence de fleurs naïvement écloses. Un être monstrueux animé et bien vivant, mi-cheval mi-homme, offre sa présence dérangeante sur la scène : la croupe nue et provocante d’un homme plié en deux – nous ne verrons que cette partie-là de la bête-, queue de cheval mouvante et talons aiguilles pour sabots, porte une jolie princesse de conte à la longue robe dorée.
Des hommes-pantalons immenses – sans buste ni tête ni bras – envahissent le plateau, moqueurs et narquois dans leur insolence et leur jubilation de troubler. La performance est une explosion crue et saturée d’images non repérées, ce qui fait tout le mystère de ce spectacle dont on engrange sans mot dire les visions. Malgré la gratuité un peu vaine et convenue de la performance, ce ballet insolite est l’occasion d’une danse trash pleine de vigueur et d’énergie, pour fêter le printemps.
Véronique Hotte
Théâtre de la Cité Internationale – Théâtre de la Ville, du 3 au 15avril, lundi 14 à 19h30, mardi 15 à 19h30. Tél : 01 42 74 22 77