Riviera
Riviera d’Emmanuel Robert-Espalieu, mise en scène de Gérard Gélas
C’est toujours un plaisir de revoir Myriam Boyer sur une scène de théâtre. Elle s’y fait trop rare, malgré ses deux Molière (en 1997, pour Qui a peur de Virginia Woolf, d’Edward Albee, et en 2008, pour La vie devant soi de Romain Gary).
La revoilà, en Fréhel, grande chanteuse au destin malheureux, de son vrai nom Marguerite Boulc’h née en 1891, qui disait si bien le Paris populaire, et dont les airs sont encore sur toutes les lèvres. Un rôle à sa mesure. Il fallait une comédienne de cette trempe pour incarner une pocharde céleste, en fin de parcours, vivant dans la misère et l’isolement.
Elle tient sa valise prête, et attend la Faucheuse : elle se présentera en fantôme de Maurice Chevalier, son grand amour qui la hante jusqu’au bout du rouleau. Son rêve d’aller avec lui sur la Riviera s’accomplit enfin.
Le plateau exigu, le décor dépouillé figurent à merveille l’atmosphère confinée de la chambre d’hôtel de passe, où elle meurt à Paris le 3 février 1951. Myriam Boyer réussit à ressusciter « l’inoubliable inoubliée » avec toutes les nuances de sa palette : mutine en « Pervenche », le pseudo de ses débuts, passionnée quand elle s’adresse au fantôme de Chevalier, le jeune homme au canotier, autoritaire quand elle enseigne le chant à une jeune visiteuse, et goguenarde mais jamais vulgaire quand elle a bu ou tiré un coup de trop.
Myriam Boyer sait aussi incarner Fréhel arrivée à ce point de déchéance, dans un chant du cygne déchirant. Malgré le sordide de la situation, elle insuffle à son personnage une fraîcheur, une poésie qui transcende sa décrépitude. Sans tomber dans le mélo, et sans misérabilisme, Myriam Boyer s’impose, surtout quand elle chante, avec légèreté, grâce et justesse, dans une pièce dont l’écriture n’a rien de…flamboyant! , et avec deux partenaires trop peu convaincants, qui restent des faire-valoir. Bravo à elle.
Mireille Davidovici
Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs 75001 – M° Châtelet jusqu’ au 24 mai