Maman dans le vent
Maman dans le vent, texte et mise en scène de Jacques Descorde.
Un père et sa fille partent en voyage au bord de la mer. Sur l’écran, en fond de scène, défile l’autoroute. Ils répètent un poème : « Blanche la mer. Et Blancs les ferries. Blanches nos mains dans le vent. Et blanches les cendres dans le ciel tout blanc. Et Blanc tout sera. » C’est la séquence 15 : un carton sur l’écran indiquait : « Jour. Route, ciel bas ».
Séquence 14 : « Soir. Chambre d’hôtel » s’affichent. sur ce compte à rebours s’inscrivent des indications de lieux, de temps, d’ambiance. Les voilà sur la plage, pieds dans l’eau froide qu’ils veulent croire chaude, au restaurant où il n’y a que des vieux…
L’écran déroule des images appartenant à l’imaginaire de chacun. Nostalgique, en noir et blanc, pour le père : une danseuse en tutu ; héroïque pour la fille : une séquence du Roi Arthur de John Boorman. Ce jeu d’échelle donne un effet de gros plan sur les comédiens qui jouent au plus près du public, et qui permet un focus sur des détails visuels ou narratifs, la pièce étant constituée de courts tableaux montés cut (serrés) : dans le silence de la nuit, le père sort un revolver de son sac ; au matin, la fille raconte ses rêves : sa maman est au ciel dans une jolie maison fleurie.
Plus tard, une chanson de Julia Stone, Winter on the weekend, rythme l’essayage par la fille d’une robe rouge dans une magasin… Père et fille sont arrimés l’un à l’autre, à la fois par une tendresse muette et par des mots justes dont l’auteur est plutôt avare, laissant beaucoup de place aux silences, donc aux images et à l’interprétation des acteurs.
Quand du haut de la falaise, enfin, ils dispersent les cendres de la mère, ils peuvent alors envisager,deuil accompli, de rentrer à la maison. Un petit lit blanc fait office de décor unique tour à tour lit d’hôtel, table de restaurant, falaise… Face à Jacques Descorde, tout en émotion retenue, Solenn Denis, ne compose pas une gamine, elle est cette pré-ado à la fois triste et mutine, qui va sortir le père de sa dépression, lui qui ravale ses larmes. «Comment tu fais pour pleurer en dedans», lui demande-t-elle ?
La mise en scène sobre et efficace sert au mieux un texte qui, par une construction et une écriture concises, maintient une tension dramatique tout au long de ce voyage mélancolique, sans jamais tomber dans le pathos.
A voir et à lire.
Mireille Davidovici
23 avril 14 juin – Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, 75006, Paris T. 01 46 44 57 34 ; www.lucernaire.fr et les 13 et 14 novembre – théâtre Boris Vian, Les Ulis ;les 4 et 5 décembre, Ferme du Bel Ébat, Guyancourt ; les 11 et 12 décembre, Mairie d’Aubervilliers ; et du 15 au 31 mai 2015, Agglomération Hendaye /Saint-Jean de Luz.
Le texte est publié aux Éditions l’École des Loisirs