Othello

Othello de William Shakespeare, texte français de Normand Chaurette, mise en scène de Léonie Simaga.

gp1314_othello  Le premier acte se déroule dans un décor monumental, flanqué de colonnades, derrière lesquels les comédiens avinés, complotent dans les ruelles sombres de Venise : leurs cris les précèdent. Iago et Roderigo (l’amoureux éconduit de Desdémone) braillent et gesticulent sous les fenêtres du père de Desdémone, pour le réveiller et dénoncer le mariage de sa fille avec un «métèque lubrique».
D’entrée de jeu, les interprètes sont en surrégime. Nâzim Boudjenah, campe un Iago brutal et vulgaire : il le sera de plus en plus, à mesure que sa félonie  envers Othello s’élabore sous nos yeux.  Bakary Sangaré en impose par sa haute stature en accord avec les dires du Doge :«Si la vertu tient lieu de beauté, votre gendre n’est pas si noir », mais il incarne un Othello monolithique, une sorte d’Oncle Tom naïf et facile à berner.
Le contraste entre la blondeur évanescente de Desdémone (Elsa Lepoivre) et la prestance d’Othello produit de prime abord une image touchante, mais on a très vite l’impression que ce couple de théâtre ne fonctionne pas.

Au deuxième acte, de hautes murailles parcourues d’escaliers figurent le fort sur l’Ile de Chypre, où les troupes d’Othello sont cantonnées après sa victoire contre les Turcs. Les hommes montent et descendent, arpentent l’espace de jeu, gesticulant, se saoulant,se bagarrant, se jetant à terre. Iago orchestre à sa façon ce ballet masculin d’où se dégage une certaine animalité avec Nâzim Boudjenah en singe malicieux, Othello en lion enragé, Roderigo en chien fou, Cassio en berger allemand.
La partition jouée par les femmes est plus subtile même si Emilia, la femme de Iago (Céline Samie), force un peu le trait -il faut dire qu’elle a la langue bien pendue !- et si Bianca adopte un jeu d’hystérique. La frêle et blonde Elsa Lepoivre reste toujours crédible, si fragile dans les bras de son colosse de mari. Sa soumission angélique demeure une énigme tout comme sa prière finale : « Que Dieu m’accorde de ne pas tirer d’autre leçon du mal que celle de faire du bien. »
Malgré un décor imposant, et même écrasant dans l’acte l, des bagarres bien réglées, des costumes stylisés, et l’énergie des acteurs, il ne se dégage aucune ligne de force de cette mise en scène. Le choix d’un comédien d’origine malienne pour le rôle du Maure n’apporte pas d’autre éclairage à la fable que de dénoncer plus ouvertement le racisme ordinaire.
Mais le phrasé de Bankary Sangaré insuffle une musicalité singulière au texte.  Et la traduction du Québécois Norman Chaurette a du corps. Il adopte un langage cru, direct, qui fait ressortir l’humour, et sa langue, souvent âpre et ensauvagée, privilégie les allitérations chères à Shakespeare :« Un bouffon maléfique manipule le Maure » ; « un sauvage et une vénitienne vicieuse ». Les mots sonnent juste, surtout dans les apartés diaboliques de Iago, la colère et les lamentations d’Othello, ou les diatribes d’Emilia contre les hommes : « Ils nous dévorent quand ils ont faim, et quand ils sont pleins,  ils nous vomissent. »

Mireille Davidovici

Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris jusqu’au 1er Juin

T .01 44 39 87 00 www.comedie-francaise.fr

 

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