Entre les écrans du temps

Entre les écrans du temps, chorégraphie de Daniel Dobbels

 

photo«On scelle le corps du poète»: c’est par ces mots que débute ce spectacle tout en ombres et lumières du passé. L’image du catafalque de Paul Valéry, le 25 juillet 1945, lors de ses funérailles nationales sur l’esplanade du Trocadéro, entouré des statues voilées de noir est très impressionnante. Les danseurs tentent une apparition furtive entre les pendrillons avant de disparaître.
Commence alors un long voyage d’une heure vingt entre silences pesants, gestes minimalistes, paroles théâtrales historiques et musiques déchirantes. «Comment une danse pourrait-elle comprendre le sens de cette expression: un haut lieu de mémoire? Comment en traduirait-elle, sur scène, dans cet espace ouvert qu’est une scène, la force mémoriale, la puissance spectrale, les mouvements souterrains et encore incertains, les obscurités et les lumières diffractées, les portes interdites, les paroles tues et les aveux troublants?»,  demande Daniel Dobbels, qui est aussi
historien et penseur de la danse.
S
a chorégraphie tente d’y répondre à sa manière, et ses paroles constituent en elles-même un spectacle. Leur force, tout comme celles des vidéos en noir et blanc d’Alain Fleischer, exceptionnelles de beauté, pourrait écraser les gestes des danseurs et danseuses déployés dans les différents espaces du Théâtre National de Chaillot mais les mouvements doux des artistes occupe intelligemment le plateau vide, et parfois les sept danseuses et deux danseurs retrouvent les postures des statues du parvis de Chaillot. Le haut du corps est très souvent mis en valeur chez Daniel Dobbels, les bras fendent l’espace, les dos se cambrent dans une belle sensualité: un régal pour les photographes de danse!
Le chorégraphe nous dit : «Tout est mouvement, le geste dansé est sur le point d’advenir, mais il n’advient jamais, il est comme piégé par ce que je nomme les « écrans du temps ».» Des moments très forts ponctuent ce spectacle comme  Maria Casarès quand elle évoque Jean Vilar, qui, lui, va déclamer le formidable texte de Richard II, ou comme l’imposant
Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel, qui accompagne les vingt dernières minutes.  A la fin, Daniel Dobbels redonne la parole à Maria Casarès dont le visage dans le film Orphée de Jean Cocteau occupe tout le fond de scène. Il surmonte ainsi son défi : faire revivre au théâtre ces «âmes mortes». On regrette qu’Entre les écrans du temps ne se joue que deux fois, juste  entre les ponts de mai !

 

Jean Couturier

Théâtre National de Chaillot, salle Jean Vilar les 6 et 7 mai.


Archive pour 4 mai, 2014

Entre les écrans du temps

Entre les écrans du temps, chorégraphie de Daniel Dobbels

 

photo«On scelle le corps du poète»: c’est par ces mots que débute ce spectacle tout en ombres et lumières du passé. L’image du catafalque de Paul Valéry, le 25 juillet 1945, lors de ses funérailles nationales sur l’esplanade du Trocadéro, entouré des statues voilées de noir est très impressionnante. Les danseurs tentent une apparition furtive entre les pendrillons avant de disparaître.
Commence alors un long voyage d’une heure vingt entre silences pesants, gestes minimalistes, paroles théâtrales historiques et musiques déchirantes. «Comment une danse pourrait-elle comprendre le sens de cette expression: un haut lieu de mémoire? Comment en traduirait-elle, sur scène, dans cet espace ouvert qu’est une scène, la force mémoriale, la puissance spectrale, les mouvements souterrains et encore incertains, les obscurités et les lumières diffractées, les portes interdites, les paroles tues et les aveux troublants?»,  demande Daniel Dobbels, qui est aussi
historien et penseur de la danse.
S
a chorégraphie tente d’y répondre à sa manière, et ses paroles constituent en elles-même un spectacle. Leur force, tout comme celles des vidéos en noir et blanc d’Alain Fleischer, exceptionnelles de beauté, pourrait écraser les gestes des danseurs et danseuses déployés dans les différents espaces du Théâtre National de Chaillot mais les mouvements doux des artistes occupe intelligemment le plateau vide, et parfois les sept danseuses et deux danseurs retrouvent les postures des statues du parvis de Chaillot. Le haut du corps est très souvent mis en valeur chez Daniel Dobbels, les bras fendent l’espace, les dos se cambrent dans une belle sensualité: un régal pour les photographes de danse!
Le chorégraphe nous dit : «Tout est mouvement, le geste dansé est sur le point d’advenir, mais il n’advient jamais, il est comme piégé par ce que je nomme les « écrans du temps ».» Des moments très forts ponctuent ce spectacle comme  Maria Casarès quand elle évoque Jean Vilar, qui, lui, va déclamer le formidable texte de Richard II, ou comme l’imposant
Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel, qui accompagne les vingt dernières minutes.  A la fin, Daniel Dobbels redonne la parole à Maria Casarès dont le visage dans le film Orphée de Jean Cocteau occupe tout le fond de scène. Il surmonte ainsi son défi : faire revivre au théâtre ces «âmes mortes». On regrette qu’Entre les écrans du temps ne se joue que deux fois, juste  entre les ponts de mai !

 

Jean Couturier

Théâtre National de Chaillot, salle Jean Vilar les 6 et 7 mai.

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