Entretien avec Christian Lacroix

Entretien avec Christian Lacroix.

 

CL1Christian Lacroix a créé à plusieurs reprises des costumes pour le Ballet de l’Opéra de Paris. Ceux de  La Source, chorégraphie de Jean-Guillaume Bart en 2011  ont marqué les mémoires par leur beauté, comme ceux de Joyaux, plus de dix ans auparavant sur une chorégraphie de Georges Balanchine.
Et à l’Opéra-Bastille, on verra de nouveau des costumes de lui dans Le Palais de Cristal, reprise d’une chorégraphie de Balanchine, qui va précéder le très médiatique Daphnis et Chloé, réalisé par Benjamin Millepied.
Une exposition lui est aussi consacrée à l’Institut National d’Histoire de l’Art : Christian Lacroix & les arts de la scène.

 

   J.C. : Dans Christian Lacroix Costumier,  vous évoquez le souvenir du théâtre ambulant, qui, dans la nuit arlésienne, vous a donné le goût du costume scénique. Beaucoup plus tard,  quand vous avez reçu le Prix du syndicat de la critique pour les costumes de Peer Gynt, mis en scène par Eric Ruf en 2012, vous aviez dit pouvoir enfin faire le métier de vos rêves : costumier de théâtre. C’était donc là votre vraie destinée?

 

CL3C.L :Je crois beaucoup en la destinée, au surnaturel même qui est pour moi l’essence même du naturel. Je crois aussi que tout se joue dès la petite enfance et que les désirs, souhaits et vœux que l’on fait entre zéro et sept ans, au-delà même des rêves et des projets qu’ils dépassent, puisqu’ils appartiennent davantage à la sphère des utopies, ces fantasmes-là sont décisifs et ont de grandes chances de se réaliser. Je l’ai vérifié toute ma vie, et encore aujourd’hui.

 -  Pour créer ces nouveaux costumes, vous aviez regardé, à la bibliothèque de l’Opéra, les dessins de 1947 de Leonor Fini, qui comportent des tutus  aux couleurs différentes. Vous avez aussi écrit que le tutu a sa propre force évocatrice. Quelles contraintes présente-t-il pour un créateur comme vous?

C.L. : Les dessins sont effectivement de 1947, et j’ai été surpris hier, en voyant le programme du spectacle, de découvrir les photos des costumes et du décor qu’on ne m’avait pas montrées, et dont j’ignorais même l’existence. Mais sans doute était-ce mieux ainsi.
Quant aux tutus, peu d’ateliers savent encore les fabriquer : c’est un univers très spécialisé, et chaque époque a eu son approche, son interprétation et ses techniques. Aujourd’hui encore, on évolue, ne serait-ce qu’à cause de la disparition de certaines qualités de tulle difficiles à trouver, si on veut se rapprocher de l’original. Mais surtout de ceux que Balanchine préconisait avec une grande précision pour l’épaisseur, la longueur, la raideur, la circonférence, etc…
Pour Joyaux, on avait pris, pour les Emeraudes, les longs tutus du XIX ème romantique, souples, vaporeux ; pour les Rubis, on avait choisi des tuniques, et pour les Diamants, des tutus à plateaux plutôt raides, dans la grande tradition franco-russe du XIXème.

CL2 -  Du dessin, à la création du costume sur le danseur, combien de temps faut-il ? Quelles sont les principales étapes ? Vous avez écrit que vous passiez de croquis en croquis, en les annotant au fur et à mesure. Avez-vous suivi le même processus ici ?

C.L : Je ne saurais le dire : j’ai fait d’abord plusieurs versions pour chaque tableau ou personnage. Brigitte Lefèvre a choisi,  et j’ai réajusté les maquettes pour que ces différents choix s’harmonisent définitivement. Restait ensuite à choisir les matières pour le tutu, les teintures dans la gamme de couleurs, et la recherche des décorations, afin de se rapprocher au plus près de l’idée première. Mais chaque spectacle, chaque création a sa logique, son processus interne, et sa vie propre.

- Pour ce Palais de Cristal de Balanchine, sur une musique de Bizet, le compositeur de Carmen mais aussi de L’Arlésienne et de la Symphonie en c, vous êtes en réalité, avec le maître de ballet Laurent Hilaire, le vrai créateur du spectacle. Pensez-vous que le public en a conscience?

C.L. : Le public, à ce que j’ai pu vérifier hier soir à la fin de la pré-générale, est effectivement conscient de cela. L’art classique de Balanchine, bien que moderne et épuré pour son époque, avait fait une grande place aux décorateurs. Alors que la danse contemporaine préfère une approche minimaliste du décor et des costumes, quand elle ne favorise pas la nudité totale pour laisser aux corps et à la chorégraphie toute leur place.
Et, à chaque fois que l’on remonte un ballet de Balanchine, on doit faire appel à quelqu’un du trust Balanchine qui vient coacher tout le monde,  c’est un ancien ou une ancienne de la troupe à qui il avait confié la mémoire de chacune de ses productions.
Pour Le Palais de cristal, c’est Colleen Neary, la maîtresse de ballet qui était déjà venue à Vienne,  quand j’avais créé les costumes de Thèmes et variations, mon premier Balanchine. C’est elle qui supervise le travail de Laurent Hilaire.

 - : Le livre La Source qui a fait suite à l’exposition et au ballet du même nom, qui sera recréé la saison prochaine, est devenu une référence pour tout amoureux du costume.  Y-aura-t-il  aussi une trace de cette nouvelle création, sous forme d’une exposition, ou d’un livre?

C.L. : Brigitte Lefèvre a évoqué cette idée mais nous n’en avons pas reparlé. Elle songeait à une exposition au Musée du costume à Moulins, ce qui impliquerait un catalogue. Mais aucun photographe, n’a suivi, au jour le jour, le travail sur Le Palais de Cristal. Ce ne serait donc pas le même genre d’ouvrage…

 - Vous évoquez, dans votre livre, la « robe » d’un cheval, à propos de l’image d’un spectacle, car chaque animal a sa propre robe. Pourriez- vous définir celle de cette création?

C.L. : Tout simplement une robe de cristal. J’ai essayé de retrouver, au-delà des maquettes de Leonor Fini, l’essence même du projet de Balanchine : les cristaux…

 

Jean Couturier

 

Le Palais de Cristal et Daphnis et Chloé à l’Opéra-Bastille du 10 mai au 8 juin.

Christian Lacroix & les arts de la scène à l’I.N.H.A. , jusqu’au 26 juin  2 rue Vivienne, 75002 Paris. T : 01 47 03 89 00.

Christian Lacroix Costumier,  Éditions du Mécène.

 

 

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