L’École des Femmes
L’Ecole des Femmes de Molière, mise en scène de Gwénaël Morin
Au Théâtre du Point du Jour dont il est le directeur depuis janvier 2013, Gwénaël Morin continue à faire du théâtre autrement. Il approfondit sa conception du Théâtre Permanent, centré sur l’idée du collectif. La troupe répète l’après-midi, joue le soir, et les comédiens peuvent interchanger leurs rôles.
Collectif aussi par rapport au public qui peut participer à des ateliers le matin et dans certains cas, être sollicité pour la représentation. La maison/théâtre est ouverte sur le quartier, désacralisée en somme et la place est à 5 euros pour tous.
On y fabrique aussi un journal quotidien qui est lu à 18 heures: on y raconte des anecdotes autour des spectacles et des répétitions et on élargit les thèmes développés par l’œuvre. L’important étant de faciliter l’accès aux textes, toujours avec l’idée d’un théâtre pour tous. A ce public qu’on voudrait nouveau, plus diversifié, on propose les pièces du répertoire ; ainsi après Shakespeare, en juin, ce sera Molière et Sophocle mais aussi des auteurs contemporains reconnus.
Actuellement, on joue L’Ecole des Femmes, dans un total dépouillement : on a juste gardé le rideau de scène qui permet de ponctuer les actes mais plus de jeux de lumière… Le plateau comme la salle resteront éclairés pendant tout le spectacle. Pas de costumes, les comédiens portent des vêtements qui semblent être les leurs. Et trois accessoires seulement: Arnolphe tient un bâton de brigadier, (celui qui frappe les trois coups dans le théâtre traditionnel) ; c’est ici l’insigne de son pouvoir sur le lieu et les gens, et il n’hésite pas à l’utiliser. Agnès a un torchon de cuisine (symbole dérisoire de la condition féminine) qui se révèle riche en métamorphoses. Et une chaise en plastique qu’elle utilisera pour se protéger des éclats de colère du maître de maison,…
Le texte est joué avec ses vers et ses diérèses (qui sont appuyées pour déclencher un effet comique) mais souvent en accéléré jusqu’à devenir difficilement compréhensible.Certaines scènes du texte plus conventionnelles peuvent sans doute être escamotées mais on aurait aimé que la réplique culte d’Agnès: «Le petit chat est mort » ne passe pas inaperçue et on regrette que le moment déterminant où Arnolphe découvre qu’il est tombé amoureux, soit si peu mis en valeur.
Mais rarement L’Ecole des Femmes n’aura été jouée d’une manière aussi cohérente, rarement Arnolphe n’aura été aussi omniprésent, puissant maître de maison capable d’une grande brutalité, et Agnès aussi émouvante. La mise en scène met en évidence la brutalité des rapports entre l’homme et la femme, l’aveuglement du mâle dès qu’il s’agit de définir la place de la femme, et sa condition tragique quand elle est victime d’un mariage forcé. Une belle performance !
Elyane Gérôme
Théâtre du Point du Jour 7 rue des Aqueducs (69005) jusqu’au 31 mai, du mardi au samedi à 20h.