The Bee
The Bee, (version anglaise sous-titrée), texte de Hideki Noda et Colin Teevan, mise en de scène d’Hideki Noda.
Découvrir un artiste est chose rare aujourd’hui. Très connu au Japon, Hideki Noda ne l’est pas en France, où c’est sa première venue. Directeur artistique du Tokyo Metropolitan Theatre, la plus grande structure scénique récemment rénovée de la capitale nippone, il a jusqu’à présent collaboré avec les Anglo-saxons, en particulier avec le Soho Theatre de Londres, coproducteur du spectacle.
C’est donc avec trois comédiens anglais qu’il joue ce spectacle de soixante-quinze minutes, plein de vitalité et de folie. A partir d’un fait-divers banal, la séquestration d’une mère et de son fils par un évadé de prison, l’action va basculer dans un dénouement surréaliste et cruel.
Scénographie remarquable : un immense papier kraft occupe le plateau, avec, à cour, une porte découpée. Quelques objets du quotidien sont posés au sol, d’autres projetés en fond de scène. Les ombres des personnages se profilent parfois derrière ce mur de papier. Fonctionnaire modèle, Ido, joué par Hideki Noda, apprend par la police et par la presse que sa femme et son fils sont pris en otage. Il se rend au domicile d’ Orogo, un prisonnier évadé, où ils se trouvent et, de là, lui téléphone pour le convaincre de libérer les siens.
Le refus d’Orogo fait basculer Ido dans une nouvelle Tragédie du vengeur, pièce élisabéthaine attribuée à Cyril Tourneur. Ido en effet prend alors en otage la femme et le fils d’Orogo, et la violence se déchaîne par courrier interposé. Chacun d’eux coupe d’abord les doigts des enfants de l’autre et les lui envoie par la poste; il fait aussi l’amour chaque jour à sa «nouvelle femme».
L’action bascule dans l’absurde, quand le public prend conscience qu’Ido et Orogo, et leurs épouses sont devenus comme deux couples échangistes, violence et cruauté en plus, et vivent un quotidien qui pourrait être le leur… Hideki Noda est exceptionnel avec un jeu très physique; il grimace, sursaute et danse parfois au milieu de la scène, très banal dans sa barbarie, et absolument convaincant. Il pourrait aussi comme les autres personnages être chacun d’entre nous : les dernières guerres mondiales, en particulier en France, l’ont bien montré.
Les trois comédiens sont en harmonie avec son jeu et son rythme fou. Mélange de roman-photos et de bande dessinée, le spectacle secoue le grand Foyer et nous prouve à quel point la cruauté est toujours magnifiquement jubilatoire et théâtrale!
Jean Couturier
Théâtre National de Chaillot jusqu’au 17 mai.