La compagnie du T.O.C.

Trois spectacles du T.O.C.

Mirabelle Rousseau a monté depuis quinze ans des spectacles singuliers avec le T.O.C. (Troubles Obsessionnels Compulsifs) entre autres, Turandot et le Congrès des blanchisseurs de Brecht, et Le Précepteur de Lenz… Le T.O.C. réalise aussi  des formes courtes à partir de textes non théâtraux, ce qui lui permet d’expérimenter de nouveaux rapports scène/salle et de conquérir de nouveaux publics. Trois de ses  formes courtes sont jouées à la Générale, vaste bâtiment appartenant à l’E.D.F., où on peut présenter plusieurs spectacles dans la même journée, grâce à à un aménagement des espaces. De nombreuses compagnies peuvent y répéter, mais la Ville de Paris voudrait le transformer en cinéma…

 L’Arve et l’aume  d’Antonin Artaud, mise en scène de Mireille Rousseau.

  C’est un chapitre d’Alice au pays des merveilles,  revu et corrigé par Artaud, quand il était hospitalisé à Rodez en 1943. Le spectacle se joue dans une vieille armoire où l’on découvre Alice, petite fille bien polie de sept ans et quelques mois, face à Humpty Dumpty  qui s’appelle Dodu Mafflu, incarné par un œuf minuscule perché sur une étagère. Docte et péremptoire, il répond sur un ton professoral indigné, aux naïves questions d’Alice qui explore périlleusement toutes les positions dans l’armoire.
Nous sommes de l’autre côté du miroir, et ne perdons pas une miette de ce festival de non-sens dans ce gouffre périlleux prêt à aspirer la courageuse Alice qui tente jusqu’au bout de résister. Un petit délice en quarante  minutes.

 Comment j’ai écrit certains de mes livres de Raymond Roussel, mise en scène de Mireille Rousseau, avec  Nicolas Ducloux au piano.

  Un salon mortuaire dans les années 30…  On nous invite à nous asseoir autour d’un cercueil de verre où repose  le cadavre de Raymond Roussel, » suicidé » à Palerme, le 23 juillet 1933. À côté du cercueil, une dame de compagnie en grande tenue: c’est  Carlotta, femme paravent de l’auteur qui raconte ses déboires littéraires tout au long de sa vie. Il évoque tous ses échecs de publication, (vingt-deux ans pour écouler les exemplaires imprimés Impressions d’Afrique !), L’Étoile au front, et Locus Solus, salué dans la presse comme Blocus Solus !
L’acteur sort de son cercueil, en proie au doute, et verse des verres de vin, pendant que le pianiste se déchaîne.  « Je me suis toujours proposé, dit-il,  d’expliquer comment  j’ai écrit certains de mes livres ». Le pianiste chante  quand il évoque la construction de son écriture. Les associations de mots fusent dans une folie linguistique : « Morgue, le lieu où l’on expose les cadavres, je m’arrêterai sur ce mot pris dans les deux sens ».
Carlotta se lève, prend l’auteur par la main et l’aide à se rallonger dans son cercueil. Nous sortons, dans le plus grand silence, de ce spectacle énigmatique et plein d’humour noir .

Marie Immaculée de Jean-Patrick Manchette, mise en scène de Mirabelle Rousseau.

Le T.O.C. avait déjà donné cet automne au Collectif 12 de Mantes-la-Jolie, une ébauche de l’adaptation de cet étrange roman policier de cet auteur, scénariste et critique littéraire, disparu en 1995.
Nous sommes rassemblés aux bords du lit de Marie Immaculée, fille de la haute noblesse, (Estelle Lesage), allongée dans son lit aux draps de satin noir, qui déguste lentement un verre de liqueur. Survient un jeune homme ( Étienne Parc) qui s’était dissimulé sous la fausse identité d’un personnage âgé pour s’introduire dans le château. Mais il se présente: Élysée Jamet. Il est bien plus jeune qu’elle, et déterminé à lui faire subir les pires assauts sexuels. En effet, il la viole et, contre toute attente, prise de volupté, elle en redemande.
Ils partent alors pour un voyage périlleux dans un monde où la violence ne parvient que faiblement jusqu’à leur lit. Le couple se livre à une longue gymnastique érotique des plus acrobatiques qui emporte l’adhésion des spectateurs.

Edith Rappoport

La Générale  14, avenue Parmentier 75011 Paris

L’Oeil de l’Afrique  Diaspora et cinéma  du 21 au 30 mai. Non ouvert au public
Tournage et montage de l’épisode 1 d’une émission sur le cinéma africain.
  Claire Diao, journaliste, Mérimé Padja, fondateur de la webTV Sud Plateau TV, Auguste Kouemo, réalisateur et lauréat de l’Etalon de Bronze du court-métrage du Fespaco 2009 et Serge Noukoue, fondateur de la Nollywood Film Week de Paris ont l’idée (que beaucoup ont déjà eue mais que personne n’a mis en œuvre) de réaliser un pilote d’émission TV dédiée aux cinémas d’Afrique.


Archive pour 18 mai, 2014

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas d’Imre Kertész, texte traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsval et Charles Zaremba, mise en scène de Joël Jouanneau

 

kaddish-g-20b7dMauvais fils, mauvais élève, mauvais juif, mauvais mari et mauvais père potentiel : la malédiction identitaire poursuit Imre Kertész – écrivain hongrois né en 1929. Enfant déjà, le narrateur a pressenti l’ordre usurpatoire du monde et de la libre volonté, à travers la terreur de l’autorité paternelle et la discipline de l’internat.
A quinze ans, il subit, déporté au camp d’Auschwitz, l’horreur de toute existence dans un ordre du monde concentrationnaire.
Le discours – une déploration sur l’enfant à ne pas naître – est comme une réponse à un docteur en philosophie qu’il écoute d’une oreille distraite. Il n’aura pas d’enfant, lui dit-il, dans une fin symbolique de non-recevoir, déjà servie à son ex-épouse. ll ne veut donner pas naissance à une « fillette aux yeux bruns, le nez couvert de pâles tâches de rousseur », ni à un « garçon têtu avec des yeux joyeux et durs comme des cailloux gris-bleu », mais il veut simplement rompre la ligne de sa descendance.
Oui, Auschwitz s’explique bien, à la différence de la judéité du narrateur qui, elle, lui reste incompréhensible, tiraillé qu’il est entre celle approximative et urbaine de Budapest où il a vécu et celle plus rigoureuse d’une partie de sa famille installée en province.
Il se sent libre d’appartenance et de patrie, et ne saura jamais en quelle qualité, il aurait dû mourir, avoue-t-il, dans Le Rire, une nouvelle dont le titre a été censuré.
Quant à son ex-épouse, «la belle Juive»  qui est aussi sa lectrice, il la voit qui « franchit un tapis bleu-vert comme si elle marchait sur la mer »… Elle n’a pas connu Auschwitz.
Si le narrateur ne veut pas donner pas la vie, il écrit pour qu’on n’oublie pas et pour se creuser « une tombe dans les nuages » et célébrer « la messe noire de l’humanité ».
(Dunnara MEAS)_DSC0033L’admiratrice n’est pas encore l’ex-épouse, elle voudrait « redresser la tête » dans le dialogue avec son amant car « tous les jours, on lui enfonce le visage dans la vase ».
Or, le voyage existentiel de et ancien déporté se fera seul, car écrire le bonheur est un non-sens, même s’il revoit, avant de quitter le camp, la transformation du soldat allemand et bourreau, en prisonnier de guerre servile face au nouvel ordre.
Un souvenir reste salvateur : le geste de Monsieur l’Instituteur qui, dans le wagon à bestiaux, a donné la bonne part de nourriture qui revenait au garçon malade.
C’était un oui absolu à la survie de l’enfant et un non à sa vie d’adulte calculateur, un geste de liberté intérieure qui met à bas l’ordre de la banalité du Mal – cet ordre qui explique si bien Auschwitz -, un ordre bousculé par l’avènement de l’énigme du Bien.
La vie, pour lui, est « une aspiration plutôt aveugle tandis que l’écriture est une aspiration lucide ».
C’est bien la vie que défend ici Jean-Quentin Châtelain, acteur rond au pantalon large et aux bretelles de baladin, sûr de sa diction, à la fois légèrement chantante et clairvoyante, au phrasé heurté, cassé ou bien harmonieux, glissant d’une sensation vive à une argumentation élaborée, sautant d’une image de lumière à une idée plus sombre, et retombant toujours sur ses pieds.

Le comédien métamorphose son dire politique en accomplissement poétique.

Véronique Hotte

 

Théâtre de L’ Œuvre 55 rue de Clichy 75009 Paris, du mardi au samedi 19h, dimanche 17h. T : 01 44 53 88 88


Le texte est publié aux Éditions Actes-Sud.

 

 

 

 

 

DAH-DAH-SKO-DAH-DAH

DAH-DAH-SKO-DAH-DAH, chorégraphie de Saburo Teshigawara.

 

photo,Ici encore, Saburo Teshigawara est le démiurge de cette création présentée pour la première fois en France: à la fois chorégraphe, scénographe, créateur des lumières, des costumes et du son. Accompagné de sa fidèle assistante, Rihoko Sato, il danse ici avec de deux autres jeunes danseurs et trois jeunes danseuses.
Tout ce qui fait son écriture chorégraphique se retrouve ici  et
ne peut laisser indifférent: alternance de mouvements lents et rapides traversés d’une énergie folle, lumières de grande qualité…
A soixante ans, Saburo Teshigawara impressionne par la fluidité de sa gestuelle et  son occupation de l’espace, fermé ici par une dizaine de fausses portes au fond, et délimité, à cour et à jardin, par des rondins de bois,.
Rihiko Sato, pleine de vivacité et de grâce, investit aussi l’espace de belle manière et leur duo final est magique. Le spectacle débute par un étrange dialogue parlé entre Saburo et un personnage à tête de chat (reproduit sur l’affiche), dont il est difficile de percevoir le sens. Les «saillies» de danse d’une impressionnante énergie rythment cette création mais, entrecoupées de moments de
tap dance plus calmes et  trop répétitifs, elles allongent inutilement ce spectacle de soixante-dix minutes.
Il faut souligner la qualité de la bande sonore originale qui donne le tempo et qui induit le mouvement, avec pulsations cardiaques, fortes respirations, bruit du vent ou de grains de sable.
Aurélie Dupont pour sa chorégraphie
Spleen en août, à Tokyo, et, plus tard, Nicolas Le Riche pour un opéra, vont travailler avec Saburo Teshigawara. Nous sommes impatient de voir le résultat de ces belles associations artistiques.

 

Jean Couturier

Le spectacle a été joué au Théâtre National de Chaillot du 13 au 16 mai.

Soirée Musique et Danse à l’Opéra Garnier

Soirée Musique et Danse à l’Opéra Garnier

 

photoMoment rare, une fois par an à l’Opéra, que celui vécu par le public  avec le quatuor à cordes Monticelli, associé à trois danseurs de l’Opéra pour leurs chorégraphies respectives. Le quatuor installé sur la scène avec les danseurs a invité Manu Delago, un joueur très talentueux de Hang, instrument de musique acoustique inventé en Suisse en l’an 2000.
Yourodivy est un personnage de la chrétienté russe, qui a le don de voir et d’entendre ce qui est caché aux autres, c’est aussi le titre de  cette chorégraphie   de cinquante minutes.
Bruno Bouché a réuni quatre danseurs et deux danseuses pour un ballet poétique et mystérieux évoluant autour, et au milieu, du quatuor qui joue des morceaux de Chostakovitch et de Bartok, et  la création de Manu Delago.
Difficile de trouver un lien dramaturgique précis dans ces différents tableaux d’une grande qualité esthétique et poétique, qui, grâce à un beau travail de lumières, qui mettent en valeur,
dans des  collants chair,  le corps des artistes, tous semblables à la fin, à des statues grecques .
A ce travail de qualité, succède une pièce plus courte, Correspondances. Sur une musique de Ravel, la chorégraphie de Béatrice Martel peint la fuite, devant un groupe d’hommes, d’une jeune femme  qui a reçu une lettre mystérieuse. Cela rappelle, en version courte, La Fin des terres (
2006) de Philippe Genty.
Enfin Jérémie Bélingard a chorégraphié This is a pear ! une pièce étrange qu’il danse avec Laurène Levy. Tous deux prisonniers d’une même jupe noire, dont ils tentent de se libérer. Des grands réflecteurs mobiles permettent de riches jeux de lumières et de beaux tableaux surréalistes.
Une soirée originale qui nous a révélé des talents cachés au sein du corps de ballet,  comme on aimerait en voir  plus souvent.

Jean Couturier

 Opéra Garnier le 11 mai

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