Aglaveine et Sélysette

Aglaveine et Sélysette de Maurice Maeterlink, mise en scène de Célie Pauthe.

AglavineMaurice Maeterlinck (1862-1949), seul écrivain belge a avoir reçu en 1911 le prix Nobel, a publié huit pièces à forte teinture symboliste et qui ont révolutionné le théâtre de l’époque. Avec des personnages le plus souvent immobiles, assez passifs.  Et vivre leur est encore plus cruel et tragique que  mourir.
Se succèderont, entre autres: Pélléas et Mélisande qui a inspiré Fauré et Debussy  et L’Oiseau bleu. Créée par Stanislawski (1908), reprise en  France en 1911, cette célèbre pièce connut un succès mondial et fut traduite en plus de vingt-cinq langues!  Ariane et Barbe-Bleue,  Les Aveugles, récemment adapté par Daniel Jeanneteau (voir Le Théâtre du Blog) et La Mort de Tintagiles que monta Claude Régy  et dont le grand Tadeusz Kantor  en signera deux fois une adaptation, (mais ce ne fut pas une grande réussite!). Et La Princesse Maleine… Donc un dramaturge de tout premier plan, abonné aux triomphes et qui aura eu une influence capitale en Europe, bien après aussi le début du XX ème siècle.
Il publiera aussi, mais dans un tout autre registre, plusieurs essais qui eurent un grand succès comme L’Intelligence des fleurs, La Vie des abeilles, La Vie des termites , La Vie des fourmis… Quant à Aglaveine et Selysette, elle inspira un Prélude à Arthur Honnegger mais il connut à sa création un demi-échec, et est rarement joué. Pourtant, un critique aussi fin que Pierre-Aimé Touchard avait noté que la pièce « construite exclusivement sur des dialogues, une pièce « littéraire », ne faisait appel à aucune contribution extérieure de mise en scène » (…) Et « qu’il y avait une découverte progressive de la vérité des personnages en action et de leur confrontation avec des problèmes de la vie réelle; enfin, si la mort est présente et menaçante dès la première ligne, la mort n’est plus le moteur essentiel de l’action, ni le sujet essentiel des méditations: le problème évoqué est celui du rapport des êtres humains entre eux, de leur amour, de leur sincérité, des conséquences de leurs actes ».

Ce drame, d’inspiration autobiographique, a pour thème, un amour à trois entre Méléandre, un beau jeune homme et deux belles jeunes filles, Aglaveine et Sélysette, dont la bonne vieille grand-mère, la plupart du temps assoupie dans son fauteuil, leur donne quelques conseils. Méléandre et Sélysette vivent depuis quatre ans un  amour  paisible, au bord de la mer du Nord. Mais, quand la mystérieuse Aglavaine lui écrit pour annoncer son arrivée, Méléandre dit oui à Sélysette pour qu’arrive le seul être capable de faire grandir encore leur sentiment…

Bref, un Jules et Jim à l’envers et voilà le trio vite embarqué dans un amour non exclusif mais, bien sûr, cela ne se passera pas comme prévu et les grands sentiments laisseront vite la place à l’angoisse puis au désespoir. Le thème en vaut largement un autre et reste actuel comme en témoigne le succès d’un film comme La Vie d’Adèle. Oui, mais voilà, la pièce assez bavarde, tourne vite en rond et son écriture laisse parfois plus qu’à désirer.
Echantillon: « J’étais venue ici plus sage qu’il ne faut l’être, j’étais persuadée que la beauté ne doit pas s’inquiéter des larmes qu’on répand à cause d’elle, et je croyais que la bonté n’a d’autre guide que la sagesse- Mais maintenant, j’ai reconnu qu’il ne faut pas que la bonté soit sage ; et qu’il vaut mieux qu’elle soit humaine et folle- Je me croyais la plus belle des femmes; et maintenant j’ai reconnu que les plus petits êtres sont aussi beaux que moi et ne savent pas qu’ils sont beaux. » Un style pas des plus simples soit douze « que » en cinq lignes…

Et cette thématique de l’amour, pleine de bons sentiments avec un hymne à » la simplicité des choses qui dirige notre vie » (sic), avec aussi en toile de fond, le fameux Destin : « Qui oserait dire que le Destin n’est pas la Providence »,  ne tient pas la route très longtemps. Bref, ce verbiage intarissable finit vite par peser dix tonnes… D’autant plus que la mise en scène, plus que faiblarde et sans rythme, est à mettre aux oubliettes:  Célie Pauthe a été mieux inspirée! Elle impose à ses comédiens une diction des plus artificielles et des plus sophistiquées qui privilégie les e muets.
Aussi prétentieux qu’inutile et cela contribue à rallonger cette pièce déjà pas très fameuse qui n’avait sûrement  pas besoin de cela. Célie Pauthe, si elle voulait, les Dieux savent pourquoi, monter absolument cette pièce, aurait dû élaguer sans scrupules ces dialogues interminables. Par ailleurs, cette scénographie monstrueuse de type bunker  a dû coûter cher et écrase les personnages.

La direction d’acteurs, elle, est au degré zéro… Seule, Bernadette Cerutti a parfois quelques moments où on a envie de l’écouter et Karen Rencurel, dans le rôle pas facile de la bonne grand-mère, réussit quand même dans ce marasme d’interprétation, à être crédible. Mais les autres comédiens -la pire est la petite fille- débitent leur texte à un point tel que c’en est pathétique.
Le résultat ne se fait pas attendre: vingt minutes après le début (et encore, soyons indulgents), cela devient insupportable et le spectacle, le plus souvent dans la pénombre, distille un ennui de qualité deux heures quinze sans entracte! Les spectateurs restent comme anesthésiés, quand, heureusement, la fin arrive. Reste quand même un mystère: pourquoi cette pièce et dans cette cette mise en scène, a-t-elle été ici programmée? En tout cas, on ne voit aucune bonne raison pour vous y envoyer, même s’il y a eu sans doute depuis quelques améliorations (mais on ne voit pas bien lesquelles)…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Colline, rue Malte-Brun, Paris (XX ème)  jusqu’au 9 juin.

 

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