Le Balcon, opéra de Peter Eötvös

Le Balcon, opéra de Peter Eötvös, livret de Françoise Morvan d’après la pièce de Jean Genet, direction musicale de Maxime Pascal, mise en scène de Damien Bigourdan

 

Leçon de choses, leçon de théâtre, Le Balcon condense l’esthétique un peu sauvage et teigneuse du poète dramatique, filée comme la gloire en majesté du simulacre, du masque et de l’illusion. L’allégorie évanescente de cette vision de l’art portée froidement sur un monde trivial est incarnée par la fameuse Madame Irma – ici, le contre-ténor Rodrigo Ferreira. Telle est unere maquerelle accomplie, une icône d’excellence travestie qui règne dans son espace symbolique et théâtral, un bordel ou un claque de vraie pacotille.
Damien Bigourdan a chargé le plateau d’un maximum d’accessoires SM, cagoules et combinaisons noires, vêtures impudiquement fendues, fouets et postures de victimes à terre – hommes ou bêtes. Mais ce monde dérisoire est pris un peu trop au pied de la lettre et réduitle propos burlesque aux seuls jeux fantasques de l’érotisme et à un inventaire comique des satisfactions dans l’ordre des pulsions sexuelles.
Même les instrumentistes sont costumés, chef compris, et on note la présence d’
instruments insolites comme le strohvol, un violon midi avec pavillon, à côté de la  clarinette, de la contrebasse, de la trompette et du cor, des instruments de théâtre en soi. À l’extérieur, règne le monde pragmatique avec son désir insatiable de révolution que scandent des rafales de mitraillette. Loin des insurgés, la maison d’illusions reçoit sesvisiteursqui revêtent les figures costumées du pouvoir – le Juge, le Général, l’Évêque -, le temps d’une passe et d’une pute, et l’occasion faisant le larron, le geste de jouer revient ainsi à jouir,  quand tout autour de soi s’effondre.

Le Balcon, opéra de Peter Eötvös dans actualites wpid-Photo-20140531214904Théâtre ou bordel, ces lieux indiscrets ont en commun la capacité de déployer les trésors inépuisables que recèlent les banques de l’imaginaire, leurs figures rêvées, leurs spectres à peine entrevus, une foule de fantasmes enfin autorisés et vécus. Une planche de salut pour ces errants que sont les êtres jetés sur la scène de la vie. Toutefois, la mort rôde, et Arthur – Virgile Ancely – qui devait jouer un cadavre pour une représentation du soir, a pris le risque de se faire tuer en sortant dans la rue. De plus, l’Envoyé de la cour – Benjamin Locher – informe que la Reine est morte : Madame Irma endossera sa robe royale pour mettre à bas la révolte.
Le compositeur hongrois Peter Eötvös a tiré de la pièce de Genet un opéra de chambre dont le livret est écrit avec clarté par Françoise Morvan.Disciple de Stockhausen, invité de Pierre Boulez à l’I.R.C.A.M. et ancien directeur de l’Ensemble Inter-contemporain, il aime se promener de côté de Kurt Weill et du jazz. L’œuvre est reprise par l’ensemble musical des jeunes et vifs interprètes du Balconune appellation choisie - que dirige la volubilité gestuelle de Maxime Pascal. Sous la verve d’un tel chef, la partition égrène ses rythmes colorés dans une effervescence endiablée. La projection sonore de Florent Derex souligne le talent des chanteurs dans les sons murmurés, les souffles et les râles. Saluons l’élégance majestueuse et la souplesse vocale de Rodrigo Ferreira, le rayonnement de la soprano Shigeco Hata, la fraîcheur d’Élise Chauvin et de Laura Holm,et l’autorité virile des voix de Florent Baffi, Patrick Kabongo, Vincent Vantyghem, Guillaume Andrieux et Jean-Claude Saragosse.  Un Balcon  d’où l’on se penche, avec enthousiasme et goût du vertige.

 

Véronique Hotte

 

Théâtre de L’Athénée Louis Jouvet, du 20 au 24 mai.

 


Archive pour 31 mai, 2014

Piscine

Piscine de Frédéric Vossier, mise en scène de Florian Sitbon.

Ce n’est pas une histoire d’amour : un jeune homme, qui vit en couple, drague une autre fille et se fait rembarrer. Sa sœur, venue squatter chez lui, un peu ironique sur leur illusion de bonheur trois pièces-jardin, se fait virer et se retrouve chez l’autre fille. Tandis que sa compagne, soumiseà une vision publicitaire du bonheur, se révolte en silence…
Ici, la parole blesse, stimule, agit et réagit. Et, quand elle fait totalement défaut, il reste le couteau pour faire taire l’autre. Ou pour chercher «ce qu’il a dans le ventre »? Les personnages de Piscine trimbalent, à fleur de peau, les symptômes d’une époque sans passé ni avenir. Toute tentative de relation entre les êtres est sentie comme une agression, tout refus comme une insupportable frustration : chacun est à fond dans sa courte passion, racinien sans le savoir.
Le garçon, dans une logique de l’instant, est à la fois jaloux, inquisiteur, et oublieux de sa compagne. Rien de nouveau, mais c’est ici exacerbé par l’impatience ambiante. Seule surnage – c’est le cas de le dire –l’image virile de John Wayne, père lointain, maître nageur qui regarde étrangement les filles. Un bout de mémoire cinématographique.
Dans ses dernières pièces (Mannekijn, Tahoe),  Frédéric Vossier avait déjà travaillé sur l’idole, de préférence déchue : un ex-footballeur, un vieil Elvis. On est dans un système de métaphore à double fond, avec des écrans médiatiques et cinématographiques qui s’interposent et, en même tempset en direct, avec la sensibilité du temps.
Piscine est une commande du Studio de formation théâtrale à Vitry, pour quatre jeunes comédiens en cycle d’insertion professionnelle dirigés par Florian Sitbon. Sobres, justes, à peine un peu appliqués, ils sont déjà très pro. Leur manque ici, ce que donne la bouteille, comme on dit. Mais la
m
ise en scène sans reproche, scénographie simple et efficace, avec une bonne circulationentre deux intérieurs séparés par un parc public. Pour les quatre jeunes comédiens, une belle entrée dans le métier ; ils sont peut-être un peu sages pour ce texte fort et sobre, entre violence et soif d’amour mais, pour le public, c’est un spectacle de qualité.

Christine Friedel

Théâtre de l’Opprimé, 78, rue du Charolais, 75012 Paris ; T.  01 4340 44 44 Jusqu’au 1er juin.

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