Piscine
Piscine de Frédéric Vossier, mise en scène de Florian Sitbon.
Ce n’est pas une histoire d’amour : un jeune homme, qui vit en couple, drague une autre fille et se fait rembarrer. Sa sœur, venue squatter chez lui, un peu ironique sur leur illusion de bonheur trois pièces-jardin, se fait virer et se retrouve chez l’autre fille. Tandis que sa compagne, soumiseà une vision publicitaire du bonheur, se révolte en silence…
Ici, la parole blesse, stimule, agit et réagit. Et, quand elle fait totalement défaut, il reste le couteau pour faire taire l’autre. Ou pour chercher «ce qu’il a dans le ventre »? Les personnages de Piscine trimbalent, à fleur de peau, les symptômes d’une époque sans passé ni avenir. Toute tentative de relation entre les êtres est sentie comme une agression, tout refus comme une insupportable frustration : chacun est à fond dans sa courte passion, racinien sans le savoir.
Le garçon, dans une logique de l’instant, est à la fois jaloux, inquisiteur, et oublieux de sa compagne. Rien de nouveau, mais c’est ici exacerbé par l’impatience ambiante. Seule surnage – c’est le cas de le dire –l’image virile de John Wayne, père lointain, maître nageur qui regarde étrangement les filles. Un bout de mémoire cinématographique.
Dans ses dernières pièces (Mannekijn, Tahoe), Frédéric Vossier avait déjà travaillé sur l’idole, de préférence déchue : un ex-footballeur, un vieil Elvis. On est dans un système de métaphore à double fond, avec des écrans médiatiques et cinématographiques qui s’interposent et, en même tempset en direct, avec la sensibilité du temps.
Piscine est une commande du Studio de formation théâtrale à Vitry, pour quatre jeunes comédiens en cycle d’insertion professionnelle dirigés par Florian Sitbon. Sobres, justes, à peine un peu appliqués, ils sont déjà très pro. Leur manque ici, ce que donne la bouteille, comme on dit. Mais la
mise en scène sans reproche, scénographie simple et efficace, avec une bonne circulationentre deux intérieurs séparés par un parc public. Pour les quatre jeunes comédiens, une belle entrée dans le métier ; ils sont peut-être un peu sages pour ce texte fort et sobre, entre violence et soif d’amour mais, pour le public, c’est un spectacle de qualité.
Christine Friedel
Théâtre de l’Opprimé, 78, rue du Charolais, 75012 Paris ; T. 01 4340 44 44 Jusqu’au 1er juin.