Le nouveau bateau feu de Dunkerque

montage bateau

Le nouveau Théâtre le Bateau feu de Dunkerque.

Le théâtre datait de 1963: donc pas si ancien que cela mais comme  dans bon nombre d’établissements culturels,  il y avait une nécessité de mise aux normes de sécurité, d’accessibilité et de confort pour le public, et du côté plateau, une reconfiguration totale des équipements de machinerie, de stockage correspondant aux enjeux actuels du spectacle vivant.
Mais avec plusieurs contraintes: garder la plus grande partie du lieu déjà existant de façon à diminuer le montant de l’ardoise finale…et  établir un programme architectural de restructuration relativement rapide sur trois ans. La Scène nationale du  bateau feu étant financée par la ville de Dunkerque, la Communauté urbaine, le Conseil général du Nord, la Région et l’Etat.
L’agence d’architecture Blond et Roux, et en particulier Marie-Agnès Blond  qui a imaginé et réalisé ce nouveau bâtiment, a comme enveloppé l’ancien théâtre d’une nouvelle structure en verre sur toute la façade et les côtés, où se reflète les nuages du merveilleux ciel du Nord, et avec l’idée de transparence, ce qui est plutôt rare, quand il s’agit d’un théâtre.
Avec un grand parvis et un hall pouvant contenir selon l’architecte Marie-Agnès Blond quelque 700 personnes soit le public de la grande salle, la jauge de la petite étant de 200 places. Avec une cafeteria dans le fond, assez mal insonorisée: dommage. Le hall très haut de plafond a un  éclairage zénithal venant  de deux puits de lumière en caissons, pas très beaux et qui doivent dater de l’ancienne construction. Cela sent un peu le clin d’œil architectural… Le revêtement du sol est en véritable linoléum beige avec des joints de lés pas toujours au point. Mais bon, ici comme ailleurs, les contraintes budgétaires sont parfois incontournables donc pas de carrelage; l’architecture on l’oublie trop souvent est un art du compromis, surtout quand il s’agit de quelque 300m2! Antoine Vitez en sait quelque chose quand il avait dû faire poser une méchante moquette marron en acrylique dans le grand Foyer du Théâtre de Chaillot resté en béton brut depuis plus de quarante ans.
En revanche, la grande salle est absolument superbe, confortable et chaleureuse, dotée d’une excellente acoustique. Un large et beau plateau de 15 m d’ouverture, sur 14 m de profondeur avec un cage de scène de 18 m sous grill, et avec aussi, côté jardin, un grand espace de dégagement. Et un plancher de scène avec des dessous d’une hauteur de 3 m comme dans bon nombre de théâtres à l’italienne … d’autrefois! Exceptionnel et bien vu.  Et il y a aussi une fosse d’orchestre prévue pour 65 musiciens et évidemment couverte quand elle ne sert pas, et qui forme proscenium.
La petite salle (189 places), équipée de de gradins  rétractables, constitue un autre bel espace, et, à l’arrière du théâtre, les locaux techniques sont munis de grands dégagements. Hélène Cancel, la directrice aux manettes depuis huit ans, peut être fière du travail réalisé pour son nouveau bateau… Et la programmation,  (à la fois théâtre, danse, opéra, musique, cirque, théâtre pour enfants…) correspond bien à une démocratisation culturelle d’autant qu’Hélène Cancel a mis en place une intelligente politique de tarification.

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Deux petits spectacles gratuits ont ravi le public lors de cette inauguration; d’abord Transports exceptionnels de Dominique Boivin, sur la parvis du Théâtre qu’on avait pu voir au Cent quatre il y a  quelques années, et très souvent en France. Il s’agit d’une drôle de relation entre un vrai  bulldozer et un danseur en chemise blanche immaculée, pantalon et gants noirs sur la musique de l’acte III du Cid, un opéra  de Jules Massenet.
L’un, énorme bête, est d’une habileté stupéfiante et l’autre, petite silhouette courageuse et tout aussi habile, n’hésite pas à s’accrocher au godet où il reste pendu, ou à  se retrouver debout les bras en croix
sur ce même godet à plus de cinq mètres. Le bras le menace parfois en le coursant, l’attire puis le recueille comme dans  un berceau où il vient se coucher, le tout  avec une précision  stupéfiante chez chacun des deux protagonistes… « Par son gigantisme, la machine crée une tension avec le corps du danseur. C’est aussi, dit Dominique Boivin,  une rencontre inattendue, un duo entre fer et chair. J’utilise le bras de la pelleteuse pour sa fonctionnalité et sa dynamique, mais aussi comme un bras humain qui prend, repousse ou cajole ! La rotation de la machine est un mouvement ample, spectaculaire mais il peut aussi évoquer un manège. Le godet, dont la fonction est de gratter, de forer, de transporter et de déverser, offre une extension poétique : une main qui porte, qui élève et qui protège. Si parfois, j’imagine la machine comme un être humain rude et imparfait – à l’image de Boris Karloff  dans Frankenstein – je tente également de toucher au merveilleux , au vertige du rêve de La Belle et la Bête« . Une belle intervention  de vingt minutes très applaudie par les Dunkerquois.
L’autre spectacle, c’était Inaugurations, de et par Jean-Pierre Bodin et la Lique sur mer. Soit une parodie des inaugurations de tout poil comme il en existe plusieurs milliers par an en France. Jean-Pierre Bodin est là, les cheveux maintenant grisonnants
dans un  beau costume de maire/président/directeur, on ne sait pas trop et cela n’a aucune importance. Il remplit ses fonctions d’inaugurateur de la grande salle du Bateau feu avec gravité et humour à la fois, plus vrai que nature. C’est à la fois burlesque dans l’énonciation comme dans la gestuelle, et par moments, il ne semble pas trop à l’aise comme tous les inaugurateurs mais il a, pour le soutenir,  une belle fanfare de sept musiciens qui s’en donnent à cœur joie- et qui jouent tout un répertoire d’airs connus  avant, pendant,  et même après cette inauguration de ce Palais Idéal Culturel comme l’indique Bodin. Et, grand seigneur, à la fin, il invite le public un peu intimidé, à venir sur la scène boire un coup de rouge avec ses musiciens.
Voilà. L’inauguration se poursuivra avec un certain nombre de Fêtes de la Crémaillère  dont l’entrée sera gratuite mais il faudra quand même retirer des billets… Et il y a aura un pique-nique sur le Parvis et un Bal à maman,  le dimanche 25 mai. Longue vie au Bateau feu…

Philippe du Vignal 

Le Bateau feu Place Paul Asseman, 59140 Dunkerque. T: 03 28 51 40 30

   

Archive pour mai, 2014

Vingt-troisièmes rencontres d’ici et d’ailleurs

 

Vingt-troisièmes rencontres d’ici et d’ailleurs, manifestation d’artistes de rue au Moulin fondu de Noisy-le-sec.

 

Au printemps, il pleut souvent. Cela ne décourage pas les acteurs du théâtre de rue. Ainsi, les Vingt-troisièmes Rencontres d’ici et d’ailleurs de Noisy-le-sec ( sec!) ont affronté sans faiblir un temps menaçant puis carrément hostile, jusqu’au déluge. Deux des cinq spectacles vus  étaient à l’abri, mais, là n’est pas le plus important.
La question, c’est celle de la rencontre, avec un public  de curieux venus pour le spectacle et de passants captivés au hasard par l’événement. Le Dottore dapertutto du Teatro del silencio fait tomber une neige très réaliste (une mousse de détergent ?) sur un train de chariots grillagés, prison, bagne, mine de charbon, images successives du travail embrigadé et de l’échec de l’utopie communiste. Sous le ciel noir, un peuple opprimé mime tour à tour les gestes de la révolution et du travail collectif.
Cet hommage à Meyerhold et à sa pensée révolutionnaire du théâtre biomécanique fonctionne : la belle scénographie de ce spectacle/défilé et sa musique nostalgique font passer un travail qui n’est  pas tout à fait abouti, mené par la compagnie avec les comédiens amateurs de la ville. On accompagne les tableaux  biomécaniques , on suit le groupe jusqu’à son départ en camion, image toujours lourde de terreur. Mais,  en fait de rencontre, on en reste au regard.
Le Théâtre du voyage intérieur  de Léa Dant cherche avant tout le partage. Replié dans une cantine d’école, la pluie interdisant la poésie du plein air, Le Banquet de la vie réunit autour d’une même table, spectateurs et comédiens d’un « théâtre invisible ». Ici, tout est fait pour abolir les frontières. Des histoires de vie, forcément banales, surgissent autour de la table, les provisions apportées en famille finissent par être partagées et échangées au-delà du petit cercle en question.
Ça prend un certain temps, la rencontre est un peu longue à venir, comme le charme du spectacle. On est finalement touché presque malgré soi, même si l’on est frustré sur le plan artistique. Les comédiens sont irréprochables, mais la dramaturgie est faible. Le banal, dans cette fraternisation quelque peu évangélique, n’a pas su révéler ses merveilles. Alors ? Le partage à tout prix se fait-il aux dépens du théâtre ?
Petite course sous la pluie jusqu’au gymnase où se produit le Théâtre Group’, de Franche-Comté. Estrade, allées et venues au milieu d’un public nombreux : ici, on est du côté des bateleurs et du « stand up », avec une conférence bouffonne sur le comique. Gags, « à peu près », provocations, miroir tendu aux jeux télévisés : l’humour au quatrième, troisième, second et premier degré clignote quelque peu. Bon, on en reste au spectacle, même si c’est, avec  la participation  du public, surtout des enfants, la mise en pièce (et en abyme) du spectacle.
Dans une accalmie et dans les espaces verts d’une cité plutôt agréable, Je vais lui en mettre du Johnny Rootten. Trois jeunes femmes, belles et  drôles, nous entraînent dans  les péripéties classiques de la vie au féminin. Espoirs, déceptions, rigolades, tout cela conduisant au constat de la domination masculine, avec, hélas, la complicité des filles en question.
Une femme sans homme est-elle un poisson sans bicyclette ou un pantalon sans bretelles ? C’est vif, bien vu. La ballade dans la cité est malheureusement arbitraire, n’a aucune fonction sinon de faire ouvrir (modérément) quelques fenêtres. Cela pourrait aussi bien se jouer au cabaret. Un démarche difficile à exporter ? Ce qui manque ici, c’est une vraie inscription dans le territoire.

 rubon186Reste le gros morceau spectaculaire, la déambulation du groupe Oposito (voir Le Théâtre du Blog). Sous une pluie de plus en plus impitoyable, Kori Kori trace dans la ville une géographie absolument neuve. De quoi s’agit-il ? Simplement de montrer, de faire danser l’humanité tout entière. Les acteurs viennent de tous les pays, ils jouent de leur quarante chaises musicales (mais il y a place pour chacun), de leurs costumes multicolores à transformation, de leurs origines multiples et  de leurs musiques en continu et en direct.
Ils font courir la foule, la fendent comme une mer, l’emmènent, et, sans un mot, transforment la cohue en théâtre, les petits devant, les grands derrière. En un mot, ils métamorphosent la ville de leurs corps infaillibles et héroïques, de leur regard qui jamais ne lâche. Oposito ne nous laisse pas être badauds. Même si le thème de la déambulation paraît un peu abstrait, on est saisi par la perfection du rythme, du mouvement, par la maîtrise du spectacle (y compris des bâches surgissant sans rien interrompre pour protéger les instruments de musique), par la concentration souriante et libre des acteurs. À guetter, à suivre dans les festivals et manifestations de rue, et même sous le soleil.

 

Christine Friedel

 

 

Teatro del silencio les 22 et 23 mai au Festival Internacional des Artes Callejos, à Valladolid (Espagne), les 28 et 29 juin à Viva Cité à Sotteville-lès-Rouen, et en août,  au Festival d’Aurillac.

Le Banquet de la vie les 17, 18, 19 et 20 juin  à 19h à la Bibliothèque historique de la ville de Paris.

Compagnie Oposito, le Moulin Fondu. T:  01 48 02 80 96

 

 

 

 

 

Aglaveine et Sélysette

Aglaveine et Sélysette de Maurice Maeterlink, mise en scène de Célie Pauthe.

AglavineMaurice Maeterlinck (1862-1949), seul écrivain belge a avoir reçu en 1911 le prix Nobel, a publié huit pièces à forte teinture symboliste et qui ont révolutionné le théâtre de l’époque. Avec des personnages le plus souvent immobiles, assez passifs.  Et vivre leur est encore plus cruel et tragique que  mourir.
Se succèderont, entre autres: Pélléas et Mélisande qui a inspiré Fauré et Debussy  et L’Oiseau bleu. Créée par Stanislawski (1908), reprise en  France en 1911, cette célèbre pièce connut un succès mondial et fut traduite en plus de vingt-cinq langues!  Ariane et Barbe-Bleue,  Les Aveugles, récemment adapté par Daniel Jeanneteau (voir Le Théâtre du Blog) et La Mort de Tintagiles que monta Claude Régy  et dont le grand Tadeusz Kantor  en signera deux fois une adaptation, (mais ce ne fut pas une grande réussite!). Et La Princesse Maleine… Donc un dramaturge de tout premier plan, abonné aux triomphes et qui aura eu une influence capitale en Europe, bien après aussi le début du XX ème siècle.
Il publiera aussi, mais dans un tout autre registre, plusieurs essais qui eurent un grand succès comme L’Intelligence des fleurs, La Vie des abeilles, La Vie des termites , La Vie des fourmis… Quant à Aglaveine et Selysette, elle inspira un Prélude à Arthur Honnegger mais il connut à sa création un demi-échec, et est rarement joué. Pourtant, un critique aussi fin que Pierre-Aimé Touchard avait noté que la pièce « construite exclusivement sur des dialogues, une pièce « littéraire », ne faisait appel à aucune contribution extérieure de mise en scène » (…) Et « qu’il y avait une découverte progressive de la vérité des personnages en action et de leur confrontation avec des problèmes de la vie réelle; enfin, si la mort est présente et menaçante dès la première ligne, la mort n’est plus le moteur essentiel de l’action, ni le sujet essentiel des méditations: le problème évoqué est celui du rapport des êtres humains entre eux, de leur amour, de leur sincérité, des conséquences de leurs actes ».

Ce drame, d’inspiration autobiographique, a pour thème, un amour à trois entre Méléandre, un beau jeune homme et deux belles jeunes filles, Aglaveine et Sélysette, dont la bonne vieille grand-mère, la plupart du temps assoupie dans son fauteuil, leur donne quelques conseils. Méléandre et Sélysette vivent depuis quatre ans un  amour  paisible, au bord de la mer du Nord. Mais, quand la mystérieuse Aglavaine lui écrit pour annoncer son arrivée, Méléandre dit oui à Sélysette pour qu’arrive le seul être capable de faire grandir encore leur sentiment…

Bref, un Jules et Jim à l’envers et voilà le trio vite embarqué dans un amour non exclusif mais, bien sûr, cela ne se passera pas comme prévu et les grands sentiments laisseront vite la place à l’angoisse puis au désespoir. Le thème en vaut largement un autre et reste actuel comme en témoigne le succès d’un film comme La Vie d’Adèle. Oui, mais voilà, la pièce assez bavarde, tourne vite en rond et son écriture laisse parfois plus qu’à désirer.
Echantillon: « J’étais venue ici plus sage qu’il ne faut l’être, j’étais persuadée que la beauté ne doit pas s’inquiéter des larmes qu’on répand à cause d’elle, et je croyais que la bonté n’a d’autre guide que la sagesse- Mais maintenant, j’ai reconnu qu’il ne faut pas que la bonté soit sage ; et qu’il vaut mieux qu’elle soit humaine et folle- Je me croyais la plus belle des femmes; et maintenant j’ai reconnu que les plus petits êtres sont aussi beaux que moi et ne savent pas qu’ils sont beaux. » Un style pas des plus simples soit douze « que » en cinq lignes…

Et cette thématique de l’amour, pleine de bons sentiments avec un hymne à » la simplicité des choses qui dirige notre vie » (sic), avec aussi en toile de fond, le fameux Destin : « Qui oserait dire que le Destin n’est pas la Providence »,  ne tient pas la route très longtemps. Bref, ce verbiage intarissable finit vite par peser dix tonnes… D’autant plus que la mise en scène, plus que faiblarde et sans rythme, est à mettre aux oubliettes:  Célie Pauthe a été mieux inspirée! Elle impose à ses comédiens une diction des plus artificielles et des plus sophistiquées qui privilégie les e muets.
Aussi prétentieux qu’inutile et cela contribue à rallonger cette pièce déjà pas très fameuse qui n’avait sûrement  pas besoin de cela. Célie Pauthe, si elle voulait, les Dieux savent pourquoi, monter absolument cette pièce, aurait dû élaguer sans scrupules ces dialogues interminables. Par ailleurs, cette scénographie monstrueuse de type bunker  a dû coûter cher et écrase les personnages.

La direction d’acteurs, elle, est au degré zéro… Seule, Bernadette Cerutti a parfois quelques moments où on a envie de l’écouter et Karen Rencurel, dans le rôle pas facile de la bonne grand-mère, réussit quand même dans ce marasme d’interprétation, à être crédible. Mais les autres comédiens -la pire est la petite fille- débitent leur texte à un point tel que c’en est pathétique.
Le résultat ne se fait pas attendre: vingt minutes après le début (et encore, soyons indulgents), cela devient insupportable et le spectacle, le plus souvent dans la pénombre, distille un ennui de qualité deux heures quinze sans entracte! Les spectateurs restent comme anesthésiés, quand, heureusement, la fin arrive. Reste quand même un mystère: pourquoi cette pièce et dans cette cette mise en scène, a-t-elle été ici programmée? En tout cas, on ne voit aucune bonne raison pour vous y envoyer, même s’il y a eu sans doute depuis quelques améliorations (mais on ne voit pas bien lesquelles)…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Colline, rue Malte-Brun, Paris (XX ème)  jusqu’au 9 juin.

La compagnie du T.O.C.

Trois spectacles du T.O.C.

Mirabelle Rousseau a monté depuis quinze ans des spectacles singuliers avec le T.O.C. (Troubles Obsessionnels Compulsifs) entre autres, Turandot et le Congrès des blanchisseurs de Brecht, et Le Précepteur de Lenz… Le T.O.C. réalise aussi  des formes courtes à partir de textes non théâtraux, ce qui lui permet d’expérimenter de nouveaux rapports scène/salle et de conquérir de nouveaux publics. Trois de ses  formes courtes sont jouées à la Générale, vaste bâtiment appartenant à l’E.D.F., où on peut présenter plusieurs spectacles dans la même journée, grâce à à un aménagement des espaces. De nombreuses compagnies peuvent y répéter, mais la Ville de Paris voudrait le transformer en cinéma…

 L’Arve et l’aume  d’Antonin Artaud, mise en scène de Mireille Rousseau.

  C’est un chapitre d’Alice au pays des merveilles,  revu et corrigé par Artaud, quand il était hospitalisé à Rodez en 1943. Le spectacle se joue dans une vieille armoire où l’on découvre Alice, petite fille bien polie de sept ans et quelques mois, face à Humpty Dumpty  qui s’appelle Dodu Mafflu, incarné par un œuf minuscule perché sur une étagère. Docte et péremptoire, il répond sur un ton professoral indigné, aux naïves questions d’Alice qui explore périlleusement toutes les positions dans l’armoire.
Nous sommes de l’autre côté du miroir, et ne perdons pas une miette de ce festival de non-sens dans ce gouffre périlleux prêt à aspirer la courageuse Alice qui tente jusqu’au bout de résister. Un petit délice en quarante  minutes.

 Comment j’ai écrit certains de mes livres de Raymond Roussel, mise en scène de Mireille Rousseau, avec  Nicolas Ducloux au piano.

  Un salon mortuaire dans les années 30…  On nous invite à nous asseoir autour d’un cercueil de verre où repose  le cadavre de Raymond Roussel, » suicidé » à Palerme, le 23 juillet 1933. À côté du cercueil, une dame de compagnie en grande tenue: c’est  Carlotta, femme paravent de l’auteur qui raconte ses déboires littéraires tout au long de sa vie. Il évoque tous ses échecs de publication, (vingt-deux ans pour écouler les exemplaires imprimés Impressions d’Afrique !), L’Étoile au front, et Locus Solus, salué dans la presse comme Blocus Solus !
L’acteur sort de son cercueil, en proie au doute, et verse des verres de vin, pendant que le pianiste se déchaîne.  « Je me suis toujours proposé, dit-il,  d’expliquer comment  j’ai écrit certains de mes livres ». Le pianiste chante  quand il évoque la construction de son écriture. Les associations de mots fusent dans une folie linguistique : « Morgue, le lieu où l’on expose les cadavres, je m’arrêterai sur ce mot pris dans les deux sens ».
Carlotta se lève, prend l’auteur par la main et l’aide à se rallonger dans son cercueil. Nous sortons, dans le plus grand silence, de ce spectacle énigmatique et plein d’humour noir .

Marie Immaculée de Jean-Patrick Manchette, mise en scène de Mirabelle Rousseau.

Le T.O.C. avait déjà donné cet automne au Collectif 12 de Mantes-la-Jolie, une ébauche de l’adaptation de cet étrange roman policier de cet auteur, scénariste et critique littéraire, disparu en 1995.
Nous sommes rassemblés aux bords du lit de Marie Immaculée, fille de la haute noblesse, (Estelle Lesage), allongée dans son lit aux draps de satin noir, qui déguste lentement un verre de liqueur. Survient un jeune homme ( Étienne Parc) qui s’était dissimulé sous la fausse identité d’un personnage âgé pour s’introduire dans le château. Mais il se présente: Élysée Jamet. Il est bien plus jeune qu’elle, et déterminé à lui faire subir les pires assauts sexuels. En effet, il la viole et, contre toute attente, prise de volupté, elle en redemande.
Ils partent alors pour un voyage périlleux dans un monde où la violence ne parvient que faiblement jusqu’à leur lit. Le couple se livre à une longue gymnastique érotique des plus acrobatiques qui emporte l’adhésion des spectateurs.

Edith Rappoport

La Générale  14, avenue Parmentier 75011 Paris

L’Oeil de l’Afrique  Diaspora et cinéma  du 21 au 30 mai. Non ouvert au public
Tournage et montage de l’épisode 1 d’une émission sur le cinéma africain.
  Claire Diao, journaliste, Mérimé Padja, fondateur de la webTV Sud Plateau TV, Auguste Kouemo, réalisateur et lauréat de l’Etalon de Bronze du court-métrage du Fespaco 2009 et Serge Noukoue, fondateur de la Nollywood Film Week de Paris ont l’idée (que beaucoup ont déjà eue mais que personne n’a mis en œuvre) de réaliser un pilote d’émission TV dédiée aux cinémas d’Afrique.

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas d’Imre Kertész, texte traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsval et Charles Zaremba, mise en scène de Joël Jouanneau

 

kaddish-g-20b7dMauvais fils, mauvais élève, mauvais juif, mauvais mari et mauvais père potentiel : la malédiction identitaire poursuit Imre Kertész – écrivain hongrois né en 1929. Enfant déjà, le narrateur a pressenti l’ordre usurpatoire du monde et de la libre volonté, à travers la terreur de l’autorité paternelle et la discipline de l’internat.
A quinze ans, il subit, déporté au camp d’Auschwitz, l’horreur de toute existence dans un ordre du monde concentrationnaire.
Le discours – une déploration sur l’enfant à ne pas naître – est comme une réponse à un docteur en philosophie qu’il écoute d’une oreille distraite. Il n’aura pas d’enfant, lui dit-il, dans une fin symbolique de non-recevoir, déjà servie à son ex-épouse. ll ne veut donner pas naissance à une « fillette aux yeux bruns, le nez couvert de pâles tâches de rousseur », ni à un « garçon têtu avec des yeux joyeux et durs comme des cailloux gris-bleu », mais il veut simplement rompre la ligne de sa descendance.
Oui, Auschwitz s’explique bien, à la différence de la judéité du narrateur qui, elle, lui reste incompréhensible, tiraillé qu’il est entre celle approximative et urbaine de Budapest où il a vécu et celle plus rigoureuse d’une partie de sa famille installée en province.
Il se sent libre d’appartenance et de patrie, et ne saura jamais en quelle qualité, il aurait dû mourir, avoue-t-il, dans Le Rire, une nouvelle dont le titre a été censuré.
Quant à son ex-épouse, «la belle Juive»  qui est aussi sa lectrice, il la voit qui « franchit un tapis bleu-vert comme si elle marchait sur la mer »… Elle n’a pas connu Auschwitz.
Si le narrateur ne veut pas donner pas la vie, il écrit pour qu’on n’oublie pas et pour se creuser « une tombe dans les nuages » et célébrer « la messe noire de l’humanité ».
(Dunnara MEAS)_DSC0033L’admiratrice n’est pas encore l’ex-épouse, elle voudrait « redresser la tête » dans le dialogue avec son amant car « tous les jours, on lui enfonce le visage dans la vase ».
Or, le voyage existentiel de et ancien déporté se fera seul, car écrire le bonheur est un non-sens, même s’il revoit, avant de quitter le camp, la transformation du soldat allemand et bourreau, en prisonnier de guerre servile face au nouvel ordre.
Un souvenir reste salvateur : le geste de Monsieur l’Instituteur qui, dans le wagon à bestiaux, a donné la bonne part de nourriture qui revenait au garçon malade.
C’était un oui absolu à la survie de l’enfant et un non à sa vie d’adulte calculateur, un geste de liberté intérieure qui met à bas l’ordre de la banalité du Mal – cet ordre qui explique si bien Auschwitz -, un ordre bousculé par l’avènement de l’énigme du Bien.
La vie, pour lui, est « une aspiration plutôt aveugle tandis que l’écriture est une aspiration lucide ».
C’est bien la vie que défend ici Jean-Quentin Châtelain, acteur rond au pantalon large et aux bretelles de baladin, sûr de sa diction, à la fois légèrement chantante et clairvoyante, au phrasé heurté, cassé ou bien harmonieux, glissant d’une sensation vive à une argumentation élaborée, sautant d’une image de lumière à une idée plus sombre, et retombant toujours sur ses pieds.

Le comédien métamorphose son dire politique en accomplissement poétique.

Véronique Hotte

 

Théâtre de L’ Œuvre 55 rue de Clichy 75009 Paris, du mardi au samedi 19h, dimanche 17h. T : 01 44 53 88 88


Le texte est publié aux Éditions Actes-Sud.

 

 

 

 

 

DAH-DAH-SKO-DAH-DAH

DAH-DAH-SKO-DAH-DAH, chorégraphie de Saburo Teshigawara.

 

photo,Ici encore, Saburo Teshigawara est le démiurge de cette création présentée pour la première fois en France: à la fois chorégraphe, scénographe, créateur des lumières, des costumes et du son. Accompagné de sa fidèle assistante, Rihoko Sato, il danse ici avec de deux autres jeunes danseurs et trois jeunes danseuses.
Tout ce qui fait son écriture chorégraphique se retrouve ici  et
ne peut laisser indifférent: alternance de mouvements lents et rapides traversés d’une énergie folle, lumières de grande qualité…
A soixante ans, Saburo Teshigawara impressionne par la fluidité de sa gestuelle et  son occupation de l’espace, fermé ici par une dizaine de fausses portes au fond, et délimité, à cour et à jardin, par des rondins de bois,.
Rihiko Sato, pleine de vivacité et de grâce, investit aussi l’espace de belle manière et leur duo final est magique. Le spectacle débute par un étrange dialogue parlé entre Saburo et un personnage à tête de chat (reproduit sur l’affiche), dont il est difficile de percevoir le sens. Les «saillies» de danse d’une impressionnante énergie rythment cette création mais, entrecoupées de moments de
tap dance plus calmes et  trop répétitifs, elles allongent inutilement ce spectacle de soixante-dix minutes.
Il faut souligner la qualité de la bande sonore originale qui donne le tempo et qui induit le mouvement, avec pulsations cardiaques, fortes respirations, bruit du vent ou de grains de sable.
Aurélie Dupont pour sa chorégraphie
Spleen en août, à Tokyo, et, plus tard, Nicolas Le Riche pour un opéra, vont travailler avec Saburo Teshigawara. Nous sommes impatient de voir le résultat de ces belles associations artistiques.

 

Jean Couturier

Le spectacle a été joué au Théâtre National de Chaillot du 13 au 16 mai.

Soirée Musique et Danse à l’Opéra Garnier

Soirée Musique et Danse à l’Opéra Garnier

 

photoMoment rare, une fois par an à l’Opéra, que celui vécu par le public  avec le quatuor à cordes Monticelli, associé à trois danseurs de l’Opéra pour leurs chorégraphies respectives. Le quatuor installé sur la scène avec les danseurs a invité Manu Delago, un joueur très talentueux de Hang, instrument de musique acoustique inventé en Suisse en l’an 2000.
Yourodivy est un personnage de la chrétienté russe, qui a le don de voir et d’entendre ce qui est caché aux autres, c’est aussi le titre de  cette chorégraphie   de cinquante minutes.
Bruno Bouché a réuni quatre danseurs et deux danseuses pour un ballet poétique et mystérieux évoluant autour, et au milieu, du quatuor qui joue des morceaux de Chostakovitch et de Bartok, et  la création de Manu Delago.
Difficile de trouver un lien dramaturgique précis dans ces différents tableaux d’une grande qualité esthétique et poétique, qui, grâce à un beau travail de lumières, qui mettent en valeur,
dans des  collants chair,  le corps des artistes, tous semblables à la fin, à des statues grecques .
A ce travail de qualité, succède une pièce plus courte, Correspondances. Sur une musique de Ravel, la chorégraphie de Béatrice Martel peint la fuite, devant un groupe d’hommes, d’une jeune femme  qui a reçu une lettre mystérieuse. Cela rappelle, en version courte, La Fin des terres (
2006) de Philippe Genty.
Enfin Jérémie Bélingard a chorégraphié This is a pear ! une pièce étrange qu’il danse avec Laurène Levy. Tous deux prisonniers d’une même jupe noire, dont ils tentent de se libérer. Des grands réflecteurs mobiles permettent de riches jeux de lumières et de beaux tableaux surréalistes.
Une soirée originale qui nous a révélé des talents cachés au sein du corps de ballet,  comme on aimerait en voir  plus souvent.

Jean Couturier

 Opéra Garnier le 11 mai

Cabale et Amour

cabale et amour

Cabale et Amour d’après Friedrich von Schiller, adaptation et mise en scène de Lev Dodine.

C’est une version décapée, et décapante, de ce «drame bourgeois». Lev Dodine supprime, par exemple, les quatre premières scènes et les remplace, en guise d’exposition, par l’étreinte muette de Louise Miller et de Ferdinand von Walter; en même temps, commence un dialogue entre le Président Von Walter et Wurm, son secrétaire et âme damnée qui vont imaginer un stratagème pour détourner le jeune homme, de la fille d’un modeste musicien, dont le rang, pensent-ils, est peu compatible avec celui de ce courtisan, un ami du Prince. Et ils envisagent de lui faire épouser Milady, sa maîtresse, ce qui sert les intérêts du Président comme ceux de Wurm qui espère ainsi gagner les faveurs de Louise qui l’avait éconduit.
Les choses tournent mal, évidemment et se retournent contre les comploteurs… Mais on n’assistera pas à leur châtiment, car Lev Dodine a supprimé la scène finale où le Président tue Wurm, après le double suicide des amants, puis se livre à la justice. Ce qui intéresse en effet le metteur en scène, ce n’est pas la morale de l’histoire, mais les mécanismes mis en œuvre dans cette Allemagne (qui pourrait être aussi la Russie) livrée aux potentats locaux et à leurs intrigues, face à une bourgeoisie montante toute aussi corruptible.
Comme le montre la scène où Ferdinand dédommage, avec un joli magot, son ex–futur beau-père: l’idéal et la pureté de l’amour se heurtent aux intérêts du pouvoir absolu que les Russes connaissent bien, incarné ici par Igor Ivanov (le Président). Il exerce la volonté du plus fort et, quand il donne des ordres, sa voix est relayée par un haut-parleur. Et Ferdinand, au nom de la liberté qu’il a revendiquée haut et fort, n’aura d’autre choix que la mort.
Dodine va droit au but, et pour plus d’efficacité, propose un espace unique. Les acteurs glissent d’un lieu et d’une scène à l’autre ; et quand les personnages n’y jouent pas, ils restent présents. Ce procédé de tuilage renforce l’impression de complot et d’espionnage que véhicule la pièce.
La sobriété est ici de mise : dans le fond de scène noir, s’ouvre une porte basse et étroite, par où s’esquivent les personnages , tous, portent des costumes noirs pour les hommes, blancs pour les femmes et les serviteurs. Dans une sorte de ballet muet, ils exécutent les ordres et installent de longues tables rectangulaires ; avec les chaises, elles envahissent petit à petit le plateau et deviennent bureau du Président, praticable pour l’entrée de Milady, salle à manger des Miller, salon du banquet pour le mariage du Prince, et tombeau pour les amants…
Le jeu est d’une grande rigueur, sans psychologie ni pathos, même dans les scènes entre les tourtereaux, ou dans les moments de protestation d’amour de Miller envers sa fille Louise. Avec des répliques envoyées du tac au tac. Seuls les scènes avec Milady (Ksenia Rappoport, accompagnées par une mélodie de Beethoven rappelant celle d’une boîte à musique), ont un peu de fantaisie… La mise en scène , sans fioritures et tonique, confère à cette pièce romantique une certaine raideur inattendue. Une bonne surprise !

Mireille Davidovici

Festival Lev Dodine jusqu’au 25 mai 2014 Maison de la Culture, 93 Boulevard Lénine, Bobigny

 

Cabale et Amour jusqu’au 18 mai.

Gaudeamus du 22 au 25 mai.

Atelier de l’école du Théâtre d’Art de Moscou du 16 au 20 mai www.MC93.com

http://www.dailymotion.com/video/x1ojw4t

Kouta

 Kouta , d’après Massa Makan Diabaté, mise en scène de Hassane Kassi Koyaté.

 

 3f6e4a5469ec8175cf86b0b335b71a98Tout paré de sa gloire, «après avoir baroudé partout où la présence française était menacée», Siriman Keita, installé en notable dans la bonne ville de Kouta, voit son crédit  peu à peu entamé par ses frasques amoureuses.
Son itinéraire est ponctué d’épisodes savoureux et de palabres à l’africaine avec les personnages hauts en couleur de la petite ville. Malgré le vent de la décolonisation, l’ancien combattant se cramponne à la France, mais l’ingrate aura tôt fait de lui exprimer sa reconnaissance en le jetant en prison… Il en sort amer et résigné, et se convertit à l’Islam et aux nouvelles idéologies.

L’écrivain malien Massa Makan Diabaté (1938-1988) est né dans une famille de griots, et sa langue imagée, drue et émaillée de proverbes savoureux, se prête à l’oralité du théâtre. L’adaptation par René Zahnd de Lieutenantde Kouta, première partie de la trilogie Kouta, alterne récits, pris en charge par chacun des personnages, et tableaux dialogués. Le texte est parfois parfois un peu bavard mais Hassane Kassi Koyaté privilégie avec efficacité le côté farcesque de l’écriture.

Un dispositif scénique simple et astucieux permet de passer rapidement d’un épisode à l’autre. Les comédiens africains, qui se donnent avec vigueur à leurs personnages, adoptent un jeu démonstratif, pas très loin de la caricature, qui convient à cette satire aimable mais sans concession, d’une société traditionnelle en pleine mutation.

Une heure et demi de bonne humeur et la découverte d’un écrivain.

Mireille Davidovici

 

Le Tarmac 159 avenue Gambetta T. 06 43 64 80 80 jusqu’au 23 mai.

 

www.letarmac.fr

 

La trilogie Kouta est publiée aux éditions Hatier.

The Bee

The Bee, (version anglaise sous-titrée), texte de Hideki Noda et Colin Teevan, mise en de scène d’Hideki Noda.

hideki saburo 065Découvrir un artiste est chose rare aujourd’hui. Très connu au Japon, Hideki Noda ne l’est pas en France, où c’est sa première venue. Directeur artistique du Tokyo Metropolitan Theatre, la plus grande structure scénique récemment rénovée de  la capitale nippone, il a jusqu’à présent collaboré avec les Anglo-saxons, en particulier avec le Soho Theatre de Londres, coproducteur du spectacle.
C’est donc avec trois comédiens anglais qu’il joue  ce spectacle de soixante-quinze minutes, plein de vitalité et de folie. A partir d’un fait-divers banal, la séquestration d’une mère et de son fils par un évadé de prison, l’action va basculer dans un dénouement surréaliste et cruel.
Scénographie remarquable : un immense papier kraft occupe le plateau, avec, à cour, une porte découpée. Quelques objets du quotidien sont posés au sol, d’autres projetés en fond de scène. Les ombres des personnages se profilent parfois derrière ce mur de papier. Fonctionnaire modèle, Ido, joué par Hideki Noda, apprend par la police et par la presse que sa femme et son fils sont pris en otage. Il se rend au domicile d’
Orogo, un prisonnier évadé, où ils  se trouvent et, de là, lui téléphone pour le convaincre de libérer les siens.
Le refus d’Orogo fait basculer Ido dans une nouvelle Tragédie du vengeur, pièce élisabéthaine attribuée à Cyril Tourneur. Ido en effet prend alors  en otage la femme et le fils d’Orogo, et
la violence se déchaîne par courrier interposé. Chacun d’eux coupe d’abord les doigts des enfants de l’autre et les lui envoie  par la poste; il fait aussi l’amour chaque jour à sa «nouvelle femme».
L’action bascule dans l’absurde, quand le public prend conscience qu’Ido et Orogo, et leurs épouses sont d
evenus comme deux couples échangistes, violence et cruauté en plus,  et  vivent un quotidien qui pourrait être le leur… Hideki Noda est exceptionnel avec un jeu très physique; il grimace, sursaute et danse parfois au milieu de la scène, très banal dans sa barbarie, et  absolument convaincant. Il pourrait aussi comme les autres personnages être chacun d’entre nous : les dernières guerres mondiales, en particulier en France, l’ont bien montré.
Les  trois comédiens sont en harmonie avec son jeu et son rythme fou. Mélange de roman-photos et de  bande dessinée, le spectacle secoue le grand Foyer et nous prouve à quel point la cruauté est toujours magnifiquement jubilatoire et théâtrale!

 Jean Couturier

Théâtre National de Chaillot jusqu’au 17 mai.

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