Ou pas

Ou pas, conception et chorégraphie de Christian Rizzo

photoSensation étrange pour le visiteur qui pénètre dans l’espace enfumé du cinquième étage de cette Tour-Panorama : dans la pénombre, il découvre un champ de costumes posés au sol sur environ 180 m2.
Un millier de costumes parmi les 3.500 que conserve le Ballet National de Marseille depuis sa création en 1972 par Roland Petit. Avec des lumières d’intensité changeante, conçues par Caty Olive, provenant de bornes posées au sol. Mémoire des spectacles du passé, ces costumes deviennent un nouveau matériau scénique.
Danseurs ou danseuses marchent dessus, souvent seuls, et s’y roulent parfois, peut-être pour y retrouver la chaleur et l’odeur humaines d’autrefois.
Musique répétitive et faible luminosité obligent le spectateur à une vraie concentration pour percevoir les mouvements lents des artistes, ou pour deviner la magie de tel ou tel costume.
Cette performance est d’une esthétique très réussie mais nous avons envie d’en voir plus : plus de danse, plus de mouvements, plus d’exploration d’un matériau détourné de sa fonction initiale, d’où une sensation de frustration à la sortie de cet espace hors du temps.
Cela reste, malgré tout, une belle idée que de redonner vie à ces supports, des années durant, de la gloire de danseurs virevoltants et retombés dans l’anonymat. Il y a une mémoire du costume mais «chaque époque, dit Christian Lacroix, génère une matérialité qui disparaît inévitablement. On ne capte pas la réalité et on peut encore moins la conserver».

Jean Couturier

Friche de la Belle-de-Mai à Marseille du 27 au 29 juin.

www.ballet-de-marseille.com

 

 


Archive pour 5 juin, 2014

Zinnias. The life of Clementine Hunter

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Zinnias. The life of Clementine Hunter, opéra imaginé par Robert Wilson, musique et livret de Bernice Johnson Reagon, Toschi Reagon, Jacqueline Woodson.

 

L’ouverture du festival des Nuits de Fourvière s’est faite avec la première en France de  cet opéra  de Robert Wilson qui a voulu rendre hommage à Clémentine Hunter (1886-1988), une peintre très singulière. Cette Afro-américaine, née dans les plantations de Louisiane, a travaillé dur, de l’aube au soir, au ramassage du coton et des noix de pécan avant de se découvrir, à cinquante ans, un don pour la peinture, « un cadeau du ciel ».
Peintre autodidacte (elle ne sait ni lire ni écrire), elle est saisie par l’urgence de peindre ce qu’elle a dans la tête, comme elle ne cesse de le répéter. Son univers s’inscrit dans les limites de la plantation, avec ses ouvriers agricoles, ses domestiques, son église, les arbres, les fleurs, et les bouquets de zinnias…Elle peindra jusqu’à la fin de sa vie, à 101ans, environ quatre mille œuvres, dont certaines sont aujourd’hui exposées dans des musées.
Quand il avait douze ans, Robert Wilson a rencontré ce personnage hors du commun lors d’une visite à la plantation Melrose où elle était domestique, et il lui a acheté une petite toile. Il en achètera bien d’autres, fasciné par le destin de cette femme lié à l’histoire de son pays resté ségrégationniste. A partir de ces éléments de narration, il passera commande d’une œuvre musicale à Bernice Johnson Reagon et à sa fille Toschi avec lesquelles il avait déjà travaillé.
Elles aussi vont rendre un hommage Clementine Hunter par la musique, celle du Sud, née dans la communauté noire, celle des Créoles de Louisiane, avec le zydeco, le blues, le rock en roll, les spirituals…. musiques rythmées qui impulsent tant le mouvement qu’elles réclament une chorégraphie. Et la musique et la danse sont aussi importantes que le texte dans cet « opéra », terme qui ne semble pas tout à fait convenir. Il s’agit plutôt ici d’une  comédie musicale , dans la ligne de celles de Broadway, très rythmée et éclatante de couleurs saturées…véritable hymne à la vie, même lorsqu’elle est difficile.
Robert Wilson transcende ici le récit réaliste, et impose sa gestuelle (mouvements décomposés dans l’espace, déplacements géométriquement inscrits sur le sol…), ses images, et une composition en tableaux réglés avec une précision admirable. Et il a conçu lui-même les quelques éléments de décor au dessin épuré.
Robert Wilson a installé un peu à l’écart de la scène, une femme noire en robe noire aux emmanchures surhaussées, qui est assise dans un rocking-chair blanc : c’est, quarante-trois ans plus tard, la même actrice, Sheryl Sutton, qui jouait et qui, par moments, regardait aussi,  impassible,  le formidable et surréaliste
Regard du sourd  ! Une image marquante dans l’histoire du théâtre contemporain mais qui ne serait surtout, pour lui, un souvenir de son enfance dans le Texas.
Rien ici de vraiment novateur : notre œil n’est jamais dérangé mais plutôt flatté par l’esthétique très soignée de ce
Zinnias. The life of Clementine Hunter, spectacle qui est à sa place pour ouvrir un festival aussi diversifié que Les Nuits de Fourvière, où les spectateurs sont heureux d’être assis sur les gradins de pierre du théâtre romain, encore tiédis par le soleil de juin.
Certains sifflotaient les airs, d’autres tapaient dans leurs mains pour marquer le rythme. Aurait-on pu penser, il y a quelques décennies, que Robert Wilson deviendrait un metteur en scène populaire ?

Elyane Gérôme

Nuits de Fourvière, jusqu’au 6 juin à 22h. T: 04 72 32 00 00.www.nuitsdefourviere.com

Journal d’un corps

Journal d’un corps , adaptation de Daniel Pennac, mise en scène de Clara Bauer.

 

corps

© Pascal Victor / ArtComArt

«Ma chère Lison, te voici rentrée de mon enterrement…», dit une voix off tandis que le texte se déroule, en écriture cursive, sur un écran en fond de scène. Cadeau post-mortem à sa fille, ce journal n’est pas, à proprement parler, un journal intime, annonce son auteur, mais celui d’un corps, qu’il a commencé le 4 octobre 1936 et tenu de treize à quatre-vingt-huit ans. Toute une existence concentrée dans ce « jardin secret » qu’est le corps, bien qu’il soit « notre territoire le plus commun ».
Daniel Pennac ne prétend pas être comédien, même s’il a déjà interprété dans ce même théâtre, Merci sous la direction de Jean-Michel Ribes en 2004 et y a donné une lecture jouée de Bartelby d’Herman Melville.
«J’aime écouter des lectures et en faire», annonce l’auteur de la saga des Malaussène. Il vient ici partager, avec l’auditoire, son roman, paru en 2012. Avec une mise en place de cette lecture jouée très simple : peu de déplacements, une musique discrète soutenant la représentation aux moments charnières, tandis que s’affichent l’âge et la date des différentes entrées du journal, depuis la sortie de l’enfance jusqu’à l’extrême vieillesse.

Peu d’effet scéniques aussi, si ce n’est ceux produits par l’écriture même : Pennac possède le sens de la formule qui fait mouche. Et il prend plaisir à dire son texte, à en faire savourer les nuances, les trouvailles lexicales et les habiletés stylistiques. Il nous ménage aussi quelques morceaux de bravoure littéraire, comme l’extraction d’un polype nasal par un docteur brutal, assisté de son fier-à-bras de neveu.
Des émois de l’adolescence à l’art d’être grand-père et arrière-grand-père, de la sexualité torride aux petites misères du corps vieillissant, l’écrivain relate le parcours, à la fois physiologique et sentimental, d’un homme ordinaire.

Le rire et l’émotion sont au rendez-vous et, même si ce n’est pas vraiment du théâtre, l’on passe un agréable moment.

 

Mireille Davidovici

 

Théâtre du Rond-Point  2 bis, av. Franklin D Roosvelt . T. 0144959821, jusqu’au 5 juillet. www.theatredurondpoint.fr

Journal d’un corps , édition augmentée est paru dans la collection Folio Gallimard.

 

Rencontre et dédicace : dimanches 15, 22 et 29 juin à 17 heures à la librairie du Rond-Point

 

 

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