Le Livre dit de Marguerite Duras

Le Livre dit de Marguerite Duras, Entretiens de Duras filme, édition établie, présentée et annotée par Joëlle Pagès-Pindon

 
Au mois de mars 1981, à Trouville, Jean Mascolo et Jérôme Beaujour filment Marguerite Duras sur le tournage d’Agatha, soit un  documentaire intitulé Duras filme.
Joëlle Pagès-Pindon retranscrit dans cet ouvrage l’intégralité inédite des entretiens de Duras filme : elle nous propose d’assister à une véritable séance d’ «envoûtement ». C’est encore le prétexte à déceler les enjeux de la création en cours chez Marguerite Duras, la prééminence absolue de l’écrit à travers le texte, l’image et la voix à l’intérieur même de l’entrelacement du réel et du mythe.

Ce sont quatre jours de grâce et de bonheur pour le lecteur, face à la mer à l’hôtel des Roches, et dans cette chambre où se tient l’actrice durassienne Bulle Ogier : « Cette chambre face à la mer était la chambre de Proust. Elle donnait directement sur la mer. Il la reprenait toujours, elle lui était réservée. De son balcon,  il voyait la façade de la villa de Mademoiselle de Villeparisis ( ?) et Le Havre et toute la grande baie de Deauville jusqu’à Dives. » (Les Brouillons du livre dit )

On entend aussi la musique d’Agatha-la valse célèbre de Brahms. Ces Entretiens de Duras filme sont l’occasion d’écouter la grande dame des lettres contemporaines qui évoque, en vrac mais patiemment et de façon libre, le désir, l’inceste, l’homosexualité, les robes de Bulle Ogier, les bonheurs de l’été 80, la présence à ses côtés de son compagnon, Yann Andréa. De même, résonne une pensée sur l’art des prises de vue, sur la mer et les arbres, les livres et les films, la mort, les femmes et les hommes, le cinéma, l’amour maternel et le «gai désespoir».

Ce qui la rend à une sorte de fraîcheur d’exister, avoue encore Duras, c’est l’invention de Dieu, l’invention de la musique et  celle d’écrire : « Ce n’est pas du tout les croisades ou Napoléon, ou Marx, ou la Révolution française ! C’est plutôt un poème de Mallarmé, un poème de Rimbaud, tout Beethoven, tout Mozart, tout Bach. » L’idée même du bonheur, une idée du dix-neuvième siècle, désoblige l’auteure car elle suggère aussitôt l’insatisfaction.
Le bonheur consisterait à se connaître, une entreprise des plus difficiles. Le bonheur est avant tout une notion individuelle et individualiste :
« D’ailleurs, si le marxisme est mort, … c’est à cause du sort qui a été fait, depuis la Révolution française jusqu’à la Révolution de 1917, à la notion de bonheur des peuples. » On écoute, avec plaisir et sans jamais se lasser, la parole profonde de Duras sur l’un des thèmes fondateurs de son œuvre, le désir. La consommation du désir, dit-elle, est secondaire, et le désir en tant que tel,  en est le principal : «La consommation du désir est un retard sur le désir même. »

Et de citer Saint-Preux qui avance que le bonheur est bien précisément l’attente du bonheur, le moment même qui précède ce qu’on appelle bonheur, reconnu comme étant le seul qu’on puisse nommer ainsi. Il faut lire ce joyau sur le regard durassien, un regard qui jamais ne se baisse,  ni ne se dit vaincu, face à la vie.

 Véronique Hotte

 Les Cahiers de la N. R. F., Éditions Gallimard.


Archive pour juin, 2014

Festival de caves : Caprices

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Festival de caves, suite : Caprices, de José Drevon, d‘après les gravures de Goya, mise en scène de  Guillaume Dujardin.

Capillarité, contagion, tentacules et géométrie variable : le Festival des caves, lancé il y a neuf ans à Besançon par Guillaume Dujardin, s’étend cette année sur soixante villes, avec au moins, une trentaine de permanents, dont une troupe flexible d’une vingtaine d’acteurs  et metteurs en scène qui réalisent aussi parfois les costumes. Sans compter les spectacles invités, qui font éclore ici ou là une bulle de festival, pour deux ou trois soirs… Souplesse, élasticité : le festival se reproduit par scissiparité, ouvert sur le choix des comédiens de s’emparer d’un texte et de faire appel à tel ou tel metteur en scène.
Le paradoxe du festival est là, dans la symbiose entre le « beaucoup », de représentations, de gens concernés, et le « peu », d’acteurs sur scène, de spectateurs, forcément, dans chaque cave. Une démultiplication de l’intime, une immense toile d’araignée de proximité. Ça marche : un texte important, historique, comme le Journal de Gœbels, hallucinant de banalité et d’idolâtrie envers son maître Hitler (voir Le Théâtre du Blog)), ou poétique, ou rare, confié à ou deux comédiens dans une scénographie minimale éclairée au plus près, rencontre « dans la vraie vie » son public de huit à dix personnes. Le cercle de l’attention est réduit, et d’autant plus dense.
Mais cela ne pardonne pas. Heureusement, Caprices n’a rien à se faire pardonner, sinon parfois ce qu’on pourrait appeler le puritanisme artistique de l’acteur qui, pour ne pas forcer la voix, pour ne pas aller chercher le public, se tient à la limite de l’audible. Mais enfin, le public fait l’effort que mérite le texte. Les yeux pleins des Caprices de Goya, José Drevon a écrit un très beau texte, foisonnant, baroque, qui fait descendre le peintre au fond de la « cave » de sa vérité, une fois tombé l’habit du portraitiste officiel de la cour.
En haut, les Lumières, ici, la part d’ombre, qui est au moins la moitié de la vie humaine, évoquée avec amour à la lueur du noir et sépia de la gravure. Le corps du comédien Maxime Kernazet est soumis par les éclairages de Christophe Forey à d’étonnantes métamorphoses. Que demander de plus ? Simplement que la “fantaisie“ ne perde rien en route. On y est (presque), avec une ombre féminine qui rejoint l’homme torturé esseulé, et le console.

Christine Friedel

Festival de caves 2014 (9ème édition) en partenariat avec le Théâtre de l’Atalante.
Attention: Les spectacles ont lieu dans des caves ; le rendez-vous vous sera indiqué par texto. Réservation indispensable: T:  01 46 06 11 90. 

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Livres et revues: Shakespeare, Genty, Sénèque

 Livres et revues:  Shakespeare, Genty, Sénèque…

Comme il vous plaira, de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, édition bilingue présentée par Gisèle Venet.

 

product_9782070407729_195x320Le spectateur de Comme il vous plaira reste bercé par le célèbre monologue à l’acte II, celui de Jacques le Mélancolique sur les sept âges de l’homme: «Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n’y sont que des acteurs ; ils ont leurs sorties et leurs entrées. Et chacun dans sa vie a plusieurs rôles à jouer, Dans un drame à sept âges. D’abord le nouveau-né… puis l’écolier geignard… Et puis l’amoureux… puis, le soldat…Puis, le juge de paix… Le sixième âge tourne au Pantalon décharné… Le tout dernier tableau, C’est la seconde enfance et la mémoire absente, Sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien.»
Heureusement, avant que la vie n’en finisse avec nous, le théâtre du monde offre autant de spectacles qu’il y a de publics, et chacun joue à la fois sa partition d’acteur, et celle de spectateur, sautant même, si besoin, d’un genre à l’autre.
L’édition bilingue de la comédie shakespearienne créée aux alentours de 1600, et traduite par Jean-Michel Déprats, est présentée aujourd’hui et avec esprit, par  Gisèle Venet. La spécialiste du siècle élisabéthain se penche sur les sources de la comédie que le maître du théâtre du Globe s’amuse à moquer en « maniériste ». Démiurge ludique, il remet en jeu l’héritage de l’imitation et de la réécriture humanistes : le roman pastoral Rosalynde de Thomas Lodge, inspiré lui-même du lai breton Le Conte de Gamelin, probablement transmis au XIVème siècle par « cet autre passeur d’histoires pour imaginaire anglais, Geoffrey Chaucer ».
La pièce de Shakespeare invite à pénétrer dans la fameuse forêt d’Ardenne que Pétrarque cita en 1347. C’est le lieu littéraire du nouveau plaisir de souffrir, qui associe la souffrance de l’amant meurtri à la mélancolie, en renversant la perception de la nature qui fait de la forêt, un lieu secret où gît la peine d’aimer.
Dans cette forêt obscure, deux jeunes filles élisent domicile : Rosalinde, la fille du duc Aîné qui vit en exil dans la forêt, et Célia, la fille du duc Frédéric,  frère usurpateur des domaines de l’Aîné.
Les cousines audacieuses se libèrent de la tyrannie du duc et père usurpateur, et préfèrent les dangers de l’exil dont elles se protègent au moyen du déguisement et du travestissement. Ainsi, la comédie shakespearienne séduit la génération maniériste encline à « jouir des incertitudes du genre et des ambiguïtés du désir grâce à des personnages androgynes capables de changer d’apparence sexuelle sans heurt. »
Rosalinde jouera un jeune homme androgyne, Ganymède et Célia, une pauvre dame. Shakespeare jubile d’user de tous ces masques… d’autant qu’il ne dispose pas de comédiennes pour jouer les rôles féminins et que le jeu des travestis est frappé d’interdit par une morale  très puritaine.
En dans ces bois, hors du monde courtisan dont l’ordre est corrompu par l’arbitraire et la violence, le jeune Orlando, fils de sire Roland des Bois, souffre pourtant et encore de l’usurpation de ses biens par son frère aîné Olivier.
Mais la comédie réparatrice se termine de façon idyllique: Rosalinde/Ganymède épouse Orlando ; Olivier, le frère repenti, épouse Célia ; le berger Silvius, sa bergère Phoébé et le bouffon Pierre de Touche, sa chevrière Audrey. A chacun, sa chacune. Shakespeare se sert ici avec bonheur du déguisement et du travestissement. Théâtre dans le théâtre, la figure féminine exerce en actrice sa faculté d’illusion sur des figures spectatrices évoluant autour d’elle. Mais le public est, en dernière analyse, un spectateur en majesté éclairé.
On ne se lasse pas d’admirer Rosalinde, portant un pourpoint et des chausses, empruntant le langage et le comportement attribués à l’autre sexe. Elle invective Orlando en lui demandant combien de temps, il l’aimera après l’avoir possédée. Et à la réplique de l’amant : « Toujours, plus un jour », elle rétorque avec brio : « Dites « un jour » et supprimez « toujours » : non, non, Orlando, les hommes sont Avril quand ils font la cour, Décembre quand ils sont mariés. Les filles sont Mai, tant qu’elles sont filles, mais le ciel change quand elles sont épouses…»
Philosophie de l’existence, bouffonnerie et mélancolie, tous les ingrédients du chef-d’œuvre sont au rendez-vous pour une belle réussite  sur un plateau de  théâtre.

Véronique Hotte

Folio Théâtre, Gallimard. 5€

 

Paysages intérieurs de Philippe Genty.

 «On peut lire ce qui suit, ou tout au moins la première partie, comme une autobiographie (…) mais tel n’est pas mon propos. Les fragments, souvenirs, documents ont été réunis ici parce qu’ils sont à l’origine de créations.», écrit Philippe Genty en préambule.  Il procède par traces, celles d’une histoire personnelle mais  très vite indissociable d’un parcours de création: « J’ai fait mes études supérieures dans une 2 CV cabossée, j’ai eu des maîtres fabuleux, il parlaient un idiome qui m’était familier, l’idiome de l’image.»
  Au sortir d’une adolescence difficile, en 1961, grâce à une bourse de l’UNESCO, il entame un tour du monde en 2 CV. Il embarque en compagnie d’un ami, de son double marionnettique, Alexandre, et muni d’une caméra pour filmer les grands marionnettistes des pays de l’Est, de Turquie et, plus loin, d’Inde, du Japon, des Etats Unis et d’Amérique latine, en passant par l’Australie. Il a 23 ans.
  Cinq ans plus tard il en revient avec, dans ses valises, plein d’images et des techniques glanées dans tous les pays traversés (théâtre d’ombres en Inde, Bunraku au Japon, etc.). Sans oublier des amitiés et des rencontres amoureuses. Par la suite, il ne cessera jamais de voyager pour enrichir son vocabulaire (notamment les masques de Bali).
A son retour en France, il se lance, en compagnie de la danseuse Mary Underwood qui deviendra son associée et son épouse. Avec  d’abord de modestes spectacles de cabaret, comme Le Fakir. Très vite, vient le succès avec les fameuses autruches et aussi le chien Barnabé, à la télévision française. Sans oublier le Pierrot qui fit le tour du monde.A l’orée des années quatre-vingt, les moyens de production aidant, ses créations prennent une autre ampleur,et sont  invitées dans les théâtres nationaux et internationaux. Il y met les techniques les plus avancées au service d’un imaginaire spectaculaire, poétique et toujours renouvelé.
Le dernier qu’on a pu voir en France est  Ne m’oublie pas, reprise,  avec des élèves de l‘Ecole de théâtre de Verdal en Norvège (voir dans Le Théâtre du blog , Le festival des écoles du théâtre public à la Cartoucherie).
Bien qu’il ne soit pas un homme du texte, mais de l’image, Philippe Genty a le don de raconter. Il explore tout d’abord sa propre personnalité, non par nombrilisme mais pour comprendre la source de sa créativité. « Quelque chose en moi ne veut communiquer que par objet interposé, comme si cela représentait un danger extrême de s’exposer soi même. Une recherche d’effacement peut être à l’origine du désir d’être marionnettiste. » Il analyse aussi la question du double qu’il s’est forgé, Alex, et qui lui ouvre les portes d’un univers onirique : « Un clandestin qui s’est niché dans un coin de cette éponge qui me sert de cerveau », explique-t-il.
Au terme de son périple, en fin d’ouvrage et en guise de conclusion, Genty nous expose sa « boîte à outils », amorçant une réflexion théorique plus large sur l’art de la marionnette.On voyage avec plaisir dans les paysages intérieurs de cet homme de spectacle qui a su enrichir le répertoire de la marionnette, et qui a contribué à lui  donner ses lettres de noblesse.
Une iconographie abondante et de grande qualité picturale rend ce livre digne de rejoindre la bibliothèque des amateurs de théâtre.

 Mireille Davidovici

Editions  Actes -Sud 304 pages 35 euros.

 

Médée de Sénèque, traduction nouvelle de Blandine Le Callet.

 415BhjOJOaL._Sénèque, philosophe et homme politique, contemporain des années de sang de l’Empire romain jusqu’à Néron,  c’est le plus grand tragique de  son pays, et moraliste encore à travers sa vision au style concis et baroque,  et connu son goût des sentences. L’écriture tendue du dramaturge correspond ici à la violence du thème. Médée, la magicienne infanticide de la pièce éponyme de Sénèque, est un personnage monstrueux dont les replis noirs de l’âme mènent à des crimes ignobles. Petite fille du Soleil, Médée – selon le regard stoïcien – est un être incandescent, encline aux embrasements de la passion qui peuvent provoquer la fureur divine.
  Quand elle apprend la trahison de Jason qui s’apprête à épouser Créüse, fille de Créon, la sorcière Médée fait du feu l’instrument magnifique de sa vengeance. Et elle a déjà tué dans le passé son frère pour favoriser la fuite des Argonautes devant la flotte de son propre père, furieux qu’on lui ait dérobé la Toison d’or.
Médée embrase de son feu criminel,  sa rivale et son père,  et l’incendie communiqué au palais  menace de détruire Corinthe. Auparavant, elle aura assassiné ses propres fils (et ceux de Jason), brisant ainsi la descendance de l’infidèle, lui infligeant une peine inouïe en plus de ses sarcasmes. Puis L’infanticide s’évade en grimpant dans un char céleste envoyé par le Soleil.
Blandine Le Callet revient, dans sa préface, sur la transgression initiale commise par les Argonautes qui se sont aventurés les premiers sur la haute mer. Dès lors, un nouvel ordre du monde s’est instauré : la frugalité originelle de l’humanité a été remplacée par une avidité sans bornes.
Le chœur reconnaît qu’en jetant les hommes dans les affres de la convoitise et de la crainte, l’Argo, leur bateau, les a livrés aux passions. Le voyage a permis l’irruption de la barbarie dans un monde civilisé qui  relie la Grèce à la Colchide : « N’importe quel esquif peut parcourir la haute mer. Toutes les limites ont été repoussées et des villes ont édifié leurs murs sur de nouvelles terres… Dans de longues années, viendra un temps où Océan relâchera son emprise sur le monde. »
Si les nouvelles frontières géopolitiques instaurent le chaos planétaire, les frontières morales se brouillent également et la figure de Médée ne peut épouser que les ténèbres. Où est le Bien ? Où est le Mal ? Du côté de Médée qui tue ses enfants ? Du côté de Jason qui a obéi aveuglément à l’ordre impie de Pélias d’accomplir le voyage en Colchide ?
Selon Blandine Le Callet, Sénèque laisse entendre que le mal est partout : « Du côté de Médée, mais aussi de ses ennemis, il dresse le tableau très noir d’une humanité où bourreaux et victimes se confondent, tous également fous, tous également dignes des pires châtiments. »
Cette vision pessimiste qui installe le spectacle triomphal de la violence, puisque Médée la criminelle s’échappe sur son char céleste, rejoint notre monde contemporain…

Véronique Hotte

 Folio Théâtre Gallimard. 5 €

 

 

 

Azimut

Azimut d’Aurélien Bory avec le groupe acrobatique de Tanger.

p153584_6C’est la dernière création d’Aurélien Bory, fidèlement accompagné par le groupe acrobatique de Tanger comme déjà avec Taoub. On a aussi pu voir ces acrobates marocains dans Chouf Ouchouf, grand succès de Zimmermann et De Perrot. Ils excellent dans la décomposition du mouvement, les pyramides humaines… et cela se marie très bien avec l’univers d’Aurélien Bory  et son théâtre « physique », où les limites de la scène et de la pesanteur sont repoussées avec des trucages qui nous sont toujours révélés. Azimut commence par un chant en arabe ; la lumière dans la salle est encore allumée et le spectacle s’installe ainsi doucement. On découvre alors dix sacs reliés aux cintres par un fil, sacs qui vont danser dans la lumière, puis aller et venir de bas en haut, puis on voit en fond de scène, des figures humaines qui, elles aussi, se balancent de bas en haut, comme entraînées dans un cycle, avec une grande fluidité. Ces mouvements répétitifs procurent un effet de nombre, et donnent l’illusion que les acrobates sont plus nombreux qu’ils ne sont. Mouvements simples mais qui troublent notre perception: un homme marche au plafond, quelques autres sont assis suspendus dans le vide, et d’autres encore forment une pyramide avec un seul porteur. On est dans la magie : tout flotte grâce à des effets de voiles veloutées qui tombent sur le plateau ou qui recouvrent les acrobates. Certaines scènes, même parmi les plus simples, sont d’une beauté à couper le souffle : ainsi quand ils enchaînent des roues de plus en plus vite : le mouvement se décompose alors, comme dans la célèbre photo d’Etienne Marey. Ou encore quand ils sont trois, harnachés, courant pour se lancer dans le vide vers le public. Un très fin travail sur la lumière participe au succès de ces tableaux, en ménageant ce qui ne doit pas être vu, toujours dans un voile obscur. Accompagnés de musique moderne ou traditionnelle marocaine, les tableaux ne durent jamais trop. Il y a tout un travail sur sur l’interruption : les numéros ne s’installent pas et restent donc en nous comme une sorte d’ instantané. C’est un spectacle sans paroles qui utilise à la fois les techniques du théâtre traditionnel et la fluidité des mouvements ; il fait grand bien et nous laisse en tête de superbes images…

Julien Barsan

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 29 juin T : 01 44 95 98 21

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Un Temps bis

 Un Temps bis / Georges Aperghis / Valérie Dréville / Geneviève Strosser, de Georges Aperghis, textes de Samuel Beckett, musiques pour alto de Georges Aperghis (Uhwerk), Franco Donati (Ali) et Helmut Lachenmann (Toccatina)

 

phoca_thumb_l_un temps bis_philippe stirnweiss_2Dans le cadre de Manifeste-2014 Festival de l’IRCAM, le compositeur Georges Aperghis offre au public Un Temps bis, un moment admirable de théâtre musical vivant, en compagnie de l’actrice Valérie Dréville qui s’amuse, sourire aux lèvres, à déclamer la parole doucement paradisiaque et infernale des petites proses de Beckett, ces «partitions vocales autant que picturales, combinatoire infatigable des mots et du regard ». Avec des extraits de Bing, Plafond, Mirlitonnades, Pour en finir encore.
Avec la comédienne, l’altiste Geneviève Strosser forme un duo poétique et égrène des ritournelles furioso, des pièces pour alto du compositeur/metteur en scène Aperghis, mais aussi de Donatoni, et de Lachenmann.
Ce moment est un bijou du temps présent, jouant des lumières et des miroirs qui figurent portes et ouvertures éclairées, avec des lignes fluo qui dessinent la géographie de la vie quotidienne, et les possibilités existentielles de fuite et d’échappée contre l’enfermement : « Écoutez-les s’ajouter les mots aux mots les pas aux pas un à un. »
Le noir, le gris, le blanc envahissent l’espace du plateau et la voix blanche de Beckett affleure : « Ciel gris sans nuages poussière océan sans rides faux lointains à l’infini air d’enfer pas un souffle. Mêlés à la poussière vont s’enlisant les débris du refuge dont bon nombre déjà n’affleurent plus qu’à peine. » Les jeunes femmes, pieds nus, tapent le sol de leurs pas vifs, évoluant d’une série de piétinements à des pauses plus longues, « jambes collées comme cousues talons joints angle droit ».
Grâce aux lumières de Daniel Levy, des fragments du corps (un bras, un morceau de visage, un coude) de l’actrice et de la musicienne sont révélés  en alternance. Dans un va-et-vient aux tonalités comiques, entre gravité et légèreté, gémissements et soupirs profonds de la musique, et  pose accroupie, ou bien verticale et immobile des interprètes: « Le nain nonagénaire dans un dernier murmure de grâce au moins la bière grandeur nature. »
Le corps des deux femmes, comme la lecture de l’actrice et la musique de l’alto donnent sa pleine résonance au sens beckettien de l’existence grâce à cet aller et retour entre la voix claire de Valérie Dréville et les notes plus sombres, ironiques ou énigmatiques, jouées par l’alto de Geneviève Strosser : « Imagine si ceci un jour ceci un beau jour imagine si un jour un beau jour ceci cessait imagine. »
Peut-être, jamais, toujours, invisible … Ce moment-là reste tangible et vivant, un temps dont on se souvient.

 Véronique Hotte

 T2G, Théâtre de Gennevilliers, Centre dramatique National de Création Contemporaine, jusqu’au 15 juin, les 13 et 14 juin à 20h30 et le 15 juin à 15h. T : 01 41 32 26 26

Les Intermittents suite… et fin?

Une réforme qui ne passe pas…

  Les festivals de cet été sont maintenant tous menacés à un degré ou à un autre: le statut même des intermittents du spectacle est en question, et les spectacles ne peuvent absolument pas fonctionner sans eux. S’il était vidé de son contenu ou à peu près, comme le voudrait le Medef, il n’aurait plus aucun sens. Les artistes et techniciens qui travaillent sous le régime de l’intermittence ont été patients mais sont bien décidés cette fois à ne pas se laisser faire! Bien entendu, l’équipe du Théâtre du Blog soutient  leurs revendications qui sont loin d’être déraisonnables.
L’histoire bégaie et la situation d’aujourd’hui rappelle celle de 2003, quand le gouvernement Raffarin avait laissé passer sans frémir une réforme qui rendait plus difficile l’accès au statut d’intermittent: un rapide retour de boomerang n’avait pas traîné: pour la première fois, le festival d’Avignon avait été annulé pour cause de grève, puis ceux d’Aix, La Rochelle, Rennes, etc…
intermittentsDepuis, manie bien française, les Ministères de la Culture successifs, de droite comme de gauche, ont laissé pourrir la situation, ce qui, c’est bien connu, est la meilleure façon de résoudre les problèmes! On nommait autrefois une commission,  façon polie  d’enterrer les choses; maintenant on met en place une « cellule de réflexion », ou on confie une mission… en espérant souvent que tout se perde au plus vite dans les sables chauds de l’été.

  Jean-Marc Ayrault n’avait pas réussi à prendre les indispensables mesures pour résoudre une crise qui couvait depuis de longs mois. Manuel Vals, lui, au moins, a vite perçu l’ampleur possible des dégâts à venir, notamment économiques pour une ville comme Avignon, et a confié au député socialiste Jean-Patrick Gille une mission sur l’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle, à charge pour lui de faire  des propositions.
Mais depuis, la machine s’est emballée, Le Printemps des comédiens à Montpellier a vu déjà plusieurs de ses spectacles annulés pour cause de grève;  Olivier Py, nouveau directeur du festival d’Avignon, Paul Rondin son secrétaire général avouent leur angoisse, et, avec la nouvelle maire de la Cité des Papes, Cécile Helle, ont reçu des représentants des intermittents, et sont en contact avec Manuel Vals. D’autres élus comme Martine Aubry, commencent à durcir le ton…
Et hier, c’est la direction du festival off d’Avignon qui mettait les points sur les i: elle soutient le mouvement, mais précise bien que les compagnies qui ont prévu de venir, ne pourront pas y renoncer, compte-tenu des budgets engagés et des conséquences sur leur travail futur, qu’occasionnerait l’annulation de leur spectacle en juillet.
Le in et le off est un vieux couple façon « jamais avec toi jamais sans toi », et on voit mal comment l’un des partenaires pourrait fonctionner sans l’autre, même si, en 2003, le off a continué en l’absence du in; mais le public comme les professionnels y seraient forcément beaucoup moins nombreux…


Jean-Patrick Gille, rapporteur en 2013 de la mission parlementaire sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, a donc pour mission de dialoguer avec les parties concernées, et de remettre ses propositions au gouvernement sous quinze  jours »… Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre mais la tâche semble bien ardue, et personne ne semble croire à la possibilité d’une solution rapide.

Il y a deux ans, la Cour des comptes n’avait pas mâché ses mots et stigmatisait le milliard d’euros par an de déficit permanent qui plomberait, selon elle, le régime des intermittents puisqu’il n’y avait eu que 232 millions d’euros de cotisations en 2010. Tous les calculs ont montré, et depuis un bon moment, que ce n’était pas les bons chiffres et Jean-Patrick Gille, qui connaît très bien ce dossier complexe, a déjà annoncé la couleur: » L’évaluation de son déficit à 1 milliard d’euros relève d’une approche strictement comptable. Si celle-ci n’est pas en soi contestable, elle ne peut suffire à guider  la décision. Il est, somme toute, naturel qu’un dispositif d’assurance couvrant un risque particulièrement élevé pour une catégorie de la population — en l’occurrence le risque de chômage pour les intermittents du spectacle — soit déficitaire, au plan comptable, à la seule échelle de cette population ».
Et Michel Sapin, ministre des Finances, en a ajouté une louche en remettant sévèrement d’équerre les gens de la Cour des comptes…. Quant à François Rebsamen, le nouveau  ministre du travail, et Aurélie Filipetti, ministre de la Culture,  sont eux en service commandé, et font dans le rétropédalage: «Le gouvernement n’a pas le projet de remettre en cause le régime des intermittents.» Bref, la situation, à quelques semaines du début du festival d’Avignon, est loin d’être brillante…
Mais il n’y a pour le moment du moins, aucun échappatoire possible. Déjà, 2012, en effet (et personne ne l’a oublié!) le candidat Hollande, avait bien souligné « l’utilité de ce  statut  pour les bénéficiaires, mais aussi pour les employeurs qui ne pourraient pas vivre sans. Ce qui est contesté par un certain nombre de partenaires sociaux, c’est qu’il repose essentiellement sur les cotisations chômage. Il faut donc peut-être aller vers un financement plus diversifié.»

  Reste à savoir comment, mis au pied du mur, le gouvernement va pouvoir procéder, sous la pression évidente mais jamais avouée du Medef, pour trouver une solution, avec le moins de casse possible. Les intermittents, (un peu plus de 300.000 personnes en France, c’est à dire beaucoup plus qu’il y a une vingtaine d’années) constituent  un poids électoral non négligeable, et sont plutôt bien vus par la population.
Exaspérés, et pour la grande majorité d’entre eux, peu friqués, ils n’ont plus grand chose à perdre, sinon leurs salaires de juin et juillet, et veulent obtenir du gouvernement qu’il ne signe pas cette réforme qui doit être réexaminée, le 18 juin, par le Conseil national de l’emploi. Et on les comprend! Ils  ont appris, depuis plus de dix ans que l’affaire a commencé, à faire entendre leur voix, et cette fois, c’est bien clair, ils ne lâcheront rien.
Comme l’explique clairement Sébastien Chaigneau, délégué régional SYNPTAC/CGT Midi-Pyrénées:  » Notre syndicat refuse cet agrément et appelle à la grève qui a déjà lieu sous différentes formes: blocage de scènes, annulation de certains spectacles, entrée gratuite  du public comme au festival Rio Loco de Toulouse  dont  la mairie semble maintenant vouloir récupérer 75.000 € de billetterie!
Et cela  a un effet domino à Toulouse, puisque plusieurs théâtres dont le Théâtre du Pavé, se sont mis en grève. En fait, d’autres grands et petits festivals sont  très menacés, ainsi celui d’Aix-en-Provence dont le personnel menace aussi de faire grève. Quant à celui d’Avignon, s’il n’y a pas d’accord, c’est bien clair: Olivier Py l’a redit: les spectacles ne seront pas joués et cela entraînera une grave perte  financière pour la ville. En fait, comme vous le dites, c’est tout le système (qui date de 1945), qui est à revoir. Mais le gouvernement a grand peur que le Medef ne se retire de l’Unedic: c’est aussi et surtout une question de gros sous ».
Déjà, une trentaine d’intermittents ont occupé l’Opéra-Bastille, avant une représentation de La Traviata. Et Aurélie Filipetti a dû s’entretenir à Guise avec quelques d’entre eux absolument nus. Et David Bobee, nouveau directeur du Centre Dramatique de Rouen, qui monte Lucrèce Borgia aux Nuits de  Grignan (Drôme) est précis: «  Nous avons, à l’issue d’une assemblée générale qui s’est tenue le 11 juin, décidé de déposer un préavis de grève reconductible pour la soirée du 26 juin, jour de la première. La motion a été votée à l’unanimité (moins deux abstentions) par les équipes artistiques, administratives et techniques ».

Bref, tout le monde s’y met, et cela tangue sérieusement, et, en particulier dans les états majors des partis politiques. Jack Lang, ex-ministre de la Culture, a hier publiquement affirmé son soutien  à François Rebsamen et à Manuel Vals pour trouver une solution… Mais cela ne mange pas de pain.
Plus grave: le SYNDEAC, qui regroupe nombre de structures du spectacle vivant, est, lui, encore plus virulent: « Nous attendons d’un gouvernement de gauche autre chose que des Assises dilatoires et la promesse d’une caisse de bienfaisance. Et nous attendons toujours d’un gouvernement de gauche les preuves d’une ambition pour la culture. Agréer la convention en l’état relèverait d’une provocation au regard de la situation sociale de notre pays et de son niveau de chômage. Ce serait une erreur, voire une faute, à la veille des festivals d’été qui font le rayonnement international de notre pays : déjà le Printemps des comédiens de Montpellier est stoppé dans son envol… et demain? Il serait sage d’entendre enfin la juste colère des artistes, des techniciens, des professionnels de la culture. Il serait sage d’entendre aussi les inquiétudes que près de cent parlementaires et élus locaux ont adressées par courrier au ministre du Travail pour lui demander de ne pas signer ce texte ».
Quant aux  experts de la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile-de-France, ils ont refusé de siéger à la commission de juin! Ces experts bénévoles (directeurs de théâtre, critiques, comédiens ou metteurs en scène, etc…) sont des  gens de terrain qui connaissent très bien la situation des compagnies. Et ils sont lucides : « En raison de la menace qui pèse sur la création artistique et les emplois culturels, nous demandons que l’accord UNEDIC, signé par des partenaires sociaux le 22 mars dernier, ne soit pas agréé ».
« Nous nous joignons au mouvement de mobilisation déclenché par les intermittents et les précaires; nous demandons la réouverture des négociations sur la base des propositions du comité de suivi. Lequel comité, composé de parlementaires de différentes sensibilités et de partenaires sociaux du secteur, travaillant depuis plus de dix ans, a fait des propositions pertinentes, justes, adaptées et plus économiques pour la renégociation des annexes 8 et 10 dans le cadre de l’ensemble des négociations sur l’assurance chômage. La destruction progressive du régime des intermittents accélère la déchirure du tissu culturel français ».
En fait, c’est tout un système qui est menacé d’implosion et qui doit être revu d’urgence. Et le Ministère de la Culture ni les autres ministères concernés n’en feront l’économie. Mais il y a un véritable problème que personne n’ose évoquer: les politiques culturelles, déjà amorcées par la gauche au temps de Jack Lang, ont eu pour effet, à un moment où le pays n’a plus du tout les même marges de manœuvre financières, d’augmenter le  nombre de professionnels du spectacle vivant un peu plus de 300.000 en 2010.


Grande est la précarité de l’emploi dans ce domaine,  et  y a eu  sans doute quelques abus évidents sur l’assurance-chômage, mais le véritable scandale qui a souvent été dénoncé par les syndicats, ce sont ces faux CDI déguisés en cachets d’intermittent dans nombre de grosses boîtes de production audio-visuelle, y compris Radio-France! Ce que M. Gattaz, nouveau patron du Medef, feint d’ignorer.

Depuis, le ménage ait été un peu fait mais règne encore une grande  tolérance … En fait, la réalité du système dans le spectacle vivant est plus complexe, jamais dite mais bien réelle: oui, il y a eu de petites entorses à la loi, y compris dans quelques  centres dramatiques nationaux, où on a arrangé des fiches de paye pour qu’un comédien puisse  toucher l’allocation-chômage… Rien de grave, au regard des énormes tricheries des boîtes de production privées rappelées plus haut…
Mais en réalité dans le domaine du spectacle vivant, tout se passe avec une comptabilité, disons souterraine, ce que le Ministère de la Culture  sait bien: les répétitions et le travail technique en amont d’un spectacle sont en effet très souvent, peu, voire non payés! Ne soyons pas dupes: l’assurance-chômage des intermittents joue donc un rôle capital et ressemble donc à une subvention déguisée, puisque comédiens et techniciens ne perçoivent alors aucun salaire, ce qui arrange bien aussi le Ministère de la Culture, incapable de répondre via les D.R.A.C. à des demandes  en constante augmentation.
Et si le gouvernement laissait prendre la grave décision de vider de son contenu le régime actuel, surtout dans ses annexes 8 et 10,  il y aurait moins d’intermittents, donc moins de spectacles, puisqu’ils sont financés en partie par cette économie souterraine, et donc nombre de villes de festival pas forcément riches comme Avignon, en subiraient le contre-coup.

  Cet accord a été signé en fait sur le dos de la classe moyenne des intermittents par F.O., la CFDT et le Medef. En conservant le plus gros des dispositions de 2003, et en les durcissant: cumul entre salaire et indemnités chômage plafonné, cotisations sociales  augmentées donc perte de salaire net d’un peu moins de 1%;  et délai de carence  de trente  jours entre  le versement des allocations-chômage pour environ 45% et non plus 9 %. Avec environ 110. 000 bénéficiaires, pour 255.000 cotisants, et un minimum de  507 heures de travail sur  dix mois pour toucher une allocation, contre 610 heures sur  vingt-huit mois pour le régime général.
Ce dernier dispositif serait cependant en passe d’être revu mais c’est évidemment trop peu, et les représentants des intermittents sont plus radicaux: ils réclament à François Rebsamen  de suspendre  la procédure d’agrément de l’accord. Ce qui  constituerait déjà une  première  mesure d’apaisement….

Quand cet hiver, les « pigeons » ont commencé à crier leur colère, cela n’a pas trainé et  Jean-Marc Ayrault leur a vite donné satisfaction. A François Hollande de dire maintenant, si un artiste ou technicien du spectacle vivant, au statut des plus précaires, vaut moins qu’un directeur d’entreprise.  Réponse souhaitée avant le 18 juin. Merci.
C’est dire que Manuel Vals est, quoi qu’il fasse, dans une sorte d’impasse. Et on voit mal Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, arriver dans la Cour d’Honneur du Palais des papes pour assister à un spectacle qui serait aussitôt annulé… Les intermittents  ont bien prévenu! Leurs techniciens, surtout, ont une réelle capacité de manœuvre, s’ils veulent que ne se déroule pas comme prévu tel ou tel spectacle, ou même la totalité d’un festival.
Alors, on fait quoi? En tout cas, Manuel Vals le sait bien: un camouflage de la situation  sous quelques mesurettes ne tiendrait pas bien longtemps… et il lui  faudrait alors opérer à chaud la réforme en profondeur que ses prédécesseurs de gauche comme de droite n’ont pas pu/voulu faire! Mais il lui faudra faire preuve d’imagination mais il y a urgence. Souvenons-nous: Alain Devaquet et son plan de réformes des universités, Edouard Balladur et son CIP, Alain Juppé et son plan de sauvegarde de la sécurité sociale, Villepin et son CPE… Pas question pour eux, disaient-ils, de reculer mais ils ont tous finalement cédé…
Dernières nouvelles : l’équipe artistique de Cyrano de Bergerac et une partie du personnel de l’Odéon (un théâtre national!) feront grève le 17 juin pour affirmer leur solidarité avec le mouvement des intermittents et exiger le non-agrément de l’accord du 22 mars 2014.

Olivier Py, le nouveau directeur du Festival d’Avignon dit aujourd’hui que « si cet accord est signé, il y aura grève et probablement annulation. Il n’y a absolument aucun doute là-dessus; je n’ai pas le droit d’interdire la moindre grève. Je me battrai pour qu’il n’y ait pas de grève bien évidemment, parce que je crois que les conséquences pour le festival seraient absolument dramatiques, voire fatales ».
Et le Théâtre du Rond-Point, qui s’y met aussi, appelle à un rassemblement citoyen lundi 16 juin à 11h30, place de la Concorde  » la cause des Intermittents du spectacle étant celle de la défense des libertés fondamentales de la République ». Avant le grand rassemblement au Palais-Royal, ce même lundi 16 juin à 14h 30. Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, lui aussi, déclare soutenir les intermittents.
La situation est donc explosive- Manuel Vals semble ne rien vouloir céder – et le compte à rebours a commencé:  le 18, l’accord doit être ou non signé! Nous vous tiendrons, bien sûr, au courant de la suite de ce triste feuilleton à la française… Un chose, au moins, est sûre: ni le gouvernement ni les festivals de cet été ne sortiront indemnes de cette épreuve; si celui d’Avignon devait être annulé en totalité, ou en partie, faute d’accord, cela aurait pour conséquence évidente une perte financière qu’il faudra éponger sur plusieurs années.
Vous avez dit un beau gâchis? En tout cas, du moins, pour le moment (voir plus haut),  Manuel Vals ne parait toujours  pas d’humeur à céder! Et la parole d’Aurélie Filipetti semble de peu de poids…
Mais les enjeux artistiques et financiers sont tels que l’on voit mal  comment il ne pourrait pas déjà exister des négociations en coulisses, de façon à  ce que personne n’y laisse trop de plumes…
A suivre…

Philippe du Vignal

 

 

 

 

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Oh les beaux jours

 Glückliche Tage (Oh!les beaux jours) de Samuel Beckett, traduction d’Erika et Elmar Tophoven, mise en scène  de Stéphane Braunschweig.

 

 

  04-08GT259 Cette version en allemand de Oh! les beaux jours  d’ Erika et Elma Tophoven, écrite en collaboration avec Samuel Beckett en 1961, avant que la traduction ne soit retravaillée  par  l’auteur qui la mettra en scène lui-même au Schiller Theater de Berlin,  dix ans plus tard.
Beckett montera ensuite Happy Days, version initiale de la pièce écrite d’abord  en anglais,   en 1979 à Londres. L’œuvre s’est ensuite imposée en Europe, et le directeur du Théâtre National de la Colline qui a créé en avril dernier le spectacle  en allemand au Schauspielhaus de Düsseldorf, a confié  le rôle de Winnie à la belle comédienne Claudia Hübbecker.
« Fut-il un temps, Willie, où je pouvais séduire ? (Un temps.). Fut-il jamais un temps où je pouvais séduire (Un temps.) Ne te méprends pas sur ma question, Willie, je ne te demande pas si tu as été séduit, là-dessus nous sommes fixés, je te demande si, à ton avis,  je pouvais séduire – à un moment donné… »La musique beckettienne  s’impose en majesté, à l’aune des tragédies collectives du XXème siècle, à la fois incertaine et amusée, péremptoire et laconique, douloureuse et ironique.
Mais ce bavardage déclamatoire qui pourrait paraître futile mais qui ne fait que tendre plus serrés les fils que tient ensemble l’existence, faite d’habitudes et de menus gestes: extraire du fouillis d’un sac à main, des trésors quotidiens et dérisoires: brosse à dent, miroir et… revolver.
Entre l’éloquence des silences et les blancs de la partition, s’insinue le monologue de la parole salutaire de Winnie  clame son désir irréfragable de survie, et l’urgence virulente d’une rédemption laïque. Cette lumineuse Willie est frôlée de temps à autre et de loin en loin, par Willie, son compère masculin, mutique et rampant (Rainer Galke), admirablement présent et vivant, que l’on voit de dos, torse nu, ou en costume  de ville.
Les êtres semblent perdus dans un monde dévasté (la nature est calcinée, reste improbable de catastrophe nucléaire?)  et ne communiquent guère, si ce n‘est avec eux-mêmes, dans le mouvement exaspéré et vain d’un miroir que l’on se tend. La difficulté d’être au monde passe d’abord par l’épreuve du corps, ressenti comme passif et incontrôlable, tributaire de l’environnement extérieur comme intérieur. Un poids, un handicap, une ancre dure et terrienne qui interdit toute évasion.
Entre la vie et la mort, un cœur qui bat ou bien qui s’arrête, Winnie est incapable de bouger, enterrée jusqu’à la taille au premier acte, puis jusqu’au cou dans le second. Cette figure féminine beckettienne, à l’ombrelle levée d’un bras gracieux, ne cesse de soliloquer, ou de parler parfois à son Willie. Humour noir, dérision, cette survie est certes une catastrophe mais vaut plus que tous les néants du monde : l’actrice joue du comique comme de l’émotion vraie.
La scénographie insolite de Braunschweig est généreuse de clarté: elle ouvre à la lumière des espaces et des horizons, à travers les structures métalliques esquissées sur le plateau.  Avec  des corolles de fleurs renversées, des ossatures bombées d’amples vallons, rappels d’une nature vivante, à moins qu’il ne s’agisse des paniers somptueux de robes à la française. La maison design de coccinelle colorée où Winnie est enlisée, est recouverte d’une matière de couleur bleu de synthèse  proche de celle des logiciels informatiques.
La dentelle brute et nue de ces jupons de fils métalliques entrecroisés peuvent signifier les routes numériques et virtuelles des réseaux de notre temps, occasions infinies, réelles et fictives de libération et d’enfermement, diffusées depuis les lueurs illusoires des écrans bleus de nos rêves, dont l’un, au-dessus de la mer de rondeurs métalliques,  permet de voir au plus près le visage de  Winnie,  dans une remarquable mise en abyme.
Vivre vaut mieux que tout : la condition humaine est capable de retournements inattendus. Adaptable à l’infini, elle joue de l’art des illusions que l’on aime s’accorder, loin des blessures du désespoir,  et à l’ombre libératoire des mots.

 Véronique Hotte

 Théâtre de la Colline, du 10 au 14 juin à 20h30. Tél : 01 44 62 52 52.

Festival de Sibiu (suite)

Festival de Sibiu (suite)

9 juin

Dreaming Romania , mise en scène par Radu Horghidan et Mihai Pintilei.

Cela commence par une manif et se poursuit par une parodie des émissions de télé-réalité où on demande aux spectateurs de jouer le rôle du public invité… Entreprise sympathique qui permet à un collectif de jeunes comédiens d’explorer de nouvelles formes dramatiques en vogue, comme ici le théâtre documentaire,voire l’agit-prop, et de montrer leur savoir-faire. L’école d’art dramatique de Sibiu est l’une des plus réputées de Roumanie et ces acteurs se révèlent excellents, même si le spectacle souffre d’un manque d’écriture et de rigueur dramaturgique.

10 juin

cie-umbral-franta-002Le Cabaret des mots de Matei Visniec, mise en scène de Maud Dhénin, figure parmi les quelques spectacles français invités cette année, avec L’Éloge du tabac de Tchekov mis en scène par Denis Podalydès, et interprété par Michel Robin, et Pierre et Mohamedd’Adrien Candiard, mis en scène par le percussionniste Francesco Agnello, en hommage à l’évêque Pierre Claverie, assassiné avec son jeune chauffeur, Mohamed Bouchikhi, à Oran, le 1er Août 1996.
L’auteur franco-roumain Matei Visniec, lui, est un habitué du festival de Sibiu, tout comme Alexandra Badea, originaire de Bucarest, dont
Pulvérisés (grand prix de littérature dramatique 2013), traduite et publiée en roumain pour l’occasion, fait l’objet d’une lecture. Ce sont des clowns qui se sont emparé des mots du « cabaret » de Visniec et qui leur donnent vie.
À commencer par Prologue, sortant tout fier de l’un des cadres où dorment ses collègues pour ouvrir poliment le bal par un bonjour retentissant. Ce texte facétieux stigmatise gentiment la langue de bois des politiciens, les faux amis et l’ostracisme, et met en boîte les mots doux, et les gros mots ; les clowns se font ici porteurs d’humour plus que de grotesque.
Les cadres dorés accrochés en fond de scène, où sont confinés les acteurs-mots, et où ils reviennent après chacune de leurs prises de parole, donnent une certaine rigidité à la mise en scène, et cela empêche les comédiens de trouver un rapport ludique avec le public, au point que le spectacle manque parfois sa cible. Mais l’excellente et persifleuse petite Zoé est là pour relancer le rire.

Le Chemin de Damas, d’après August Strindberg, mise en scène de Jan Klata.

to-damascus-polonia-003Fasciné par les contes de fées, les fables, et versé dans les sciences occultes, Strindberg abandonne le réalisme de ses premières œuvres et brouille les frontières entre rêve et réalité. Cette trilogie sous-titrée Jeu de rêves, offre tant d’interprétations possibles qu’elle donne toute liberté aux metteurs en scène d’ extraire et de combiner les différentes stations de ce périple.
Aussi, pour le jeune Polonais Jan Klata dont on a pu découvrir l’esthétique rock, au Festival d’automne 2009 avec
Transfer, le chemin de croix de l’homme appelé L’Inconnu et rebaptisé ici Idole, devient le parcours chaotique d’une star de la pop, en quête d’absolu, à la recherche de sa vérité artistique, de son identité profonde, plus que d’une conversion ou d’une transfiguration, telle que l´entendait Strindberg.
Insatisfait atavique, blessé de la vie, brutal et intransigeant envers lui-même et les autres,  cet anti-héros, interprété par le ténébreux Marcin Czarnik, entreprend un long  chemin pour apprendre qui il est. Il sait seulement qu’il court à sa perte, comme l’indique le squelette exposé dans un cercueil de verre. Rythmé par des morceaux pop, rock, et méta
l, son calvaire cauchemardesque n’a rien de métaphysique.
Les acteurs ont un jeu nerveux, dépouillé de tout pathos, et se déploient dans un ossuaire gigantesque, aux murs de crânes amoncelés où se découpent portes, fenêtres et balcons. La Dame/Eve (resplendissante Justina Wasilewska), rencontrée par Idole au coin de la rue, est la figure féminine qui l’accompagnera par intermittence dans un monde où tout est éphémère, irréel et fluctuant.
Elle concentre toutes les figures d´amoureuses de la pièce. Lui-même, et c’est tout son tragique, n’existe qu’à travers les personnages fantastiques qu’il croise, comme le Mendiant, les deux sœurs chanteuses, porteuses d’un plateau de têtes coupées aux longs cheveux, ou encore le Médecin et sa sœur, jumeaux infernaux dont les costumes se fondent dans le décor.
Dans cette impermanence toute contemporaine, le metteur en scène fait du couple Idole/Eve (La Dame, Ingeborg) le duo central du
Chemin de Damas. Car l’amour , lui aussi, est changeant : « Ce qui est le plus doux mais aussi le plus amer »,  dit Strindberg. Mais intrinsèquement, Idole reste et meurt seul, face à ses démons, ses fantômes et ses doutes : « Je ne sais, dit-il, si c’est un autre, ou bien si c’est moi-même dont je sens la présence. Des projections renforcent l’image flottante, sans cadre ni contenu, du protagoniste et de ces êtres étranges, fous, assassins, loups-garous, et comme lui, sans consistance, qui surgissent alors sur son chemin.
Malgré une lecture originale et assez juste de la pièce, malgré aussi une esthétique cohérente, et d’excellents comédiens, la mise en scène reste superficielle. Jan Klata impose en effet à ses interprètes un jeu sans intériorité et des gesticulations parfois hystériques. On passe de l’autre côté du miroir mais… souvent loin de ce
Chemin de Damas.

Mireille Davidovici

L’Homme au crâne rasé

L’Homme au crâne rasé, d’après Les Pensées de Johan Daisne, spectacle de Natali Broods et Peter Van den Eede.

 

homme-au-crane-rase-615_koen-broosLes présentations: Johan Daisne, écrivain flamand (1912-1978) a écrit neuf romans dont Les Pensées, et quelques soixante-dix nouvelles, quatre pièces de théâtre, et  plusieurs recueils de poèmes mais est resté fort peu connu en France.
Il avait inventé ce qu’il appelle le réalisme magique, soit, si on a bien compris, un savoureux mélange d’hyperréalisme et de spiritualité onirique.
Et la compagnie de Koe dirigée par Peter Van den Eede qui a souvent collaboré avec le TGstan, sortis tous les deux du Conservatoire d’Anvers en 89 et que l’on a pu voir quelques années plus tard au Théâtre de la Bastille et, à chaque fois, très applaudie.
Bref, ces Belges flamands ont encore frappé et fort ; ils ont une aptitude des plus rares à faire œuvre de déconstruction savamment mise au point, sur fond de brechtisme avec des personnages qui ne le sont pas toujours, en rupture de scène et d’illusion, encore que les choses soient plus compliquées. Et avec un humour singulièrement décapant.
Pas vraiment de metteur en scène mais une solide mise en scène, ce qui chez eux n’est pas un paradoxe mais un usage des plus iconoclastes de pièces de Tchekov, Ibsen mais aussi de Thomas Bernhard qui servent parfois de prétexte. Et cela fonctionne très bien  la plupart du temps.
On retrouve ces principes de base chez Peter Van den Eede qui a été séduit, c’est évident, par l’écriture de Johan Daisne. Sur scène, pas grand-chose sinon une quinzaine de tables carrées de restaurant sagement alignées et nappées d’un blanc immaculé. On discerne dans la pénombre, un couple assis dans le fond. Cela fait penser bien sûr à une toile de René Magritte.
L’homme et la femme, lui, la cinquantaine, en smoking et elle, un peu plus jeune, en robe longue. On arrive à comprendre d’après leurs bribes de conversation qu’ils se sont connus il y a longtemps et qu’ils se retrouvent une fois encore mais bien plus tard pour une histoire d’amour pas vraiment finie dans un restaurant.
Mais on ne sait jamais ici où est la part de narration et de réalité, de vérité et de mensonge. Lui parle beaucoup, sans doute plus qu’elle, et souvent de façon des plus maladroites, en lui racontant par exemple sa visite dans une salle de dissection. Il déraille alors complètement, tout en restant très juste et très vrai. Et elle, casse parfois le jeu amoureux en interpellant le public à qui elle demande une pastille de menthe, ou de la monnaie sur un billet de cinq euros.
Dans un jeu très subtil entre la réalité et, comme le dit Peter Van den Eede, « l’illusion démasquée où se niche l’authentique.  « Penser, dit il aussi c’est se distancier des choses et de soi-même pour tenter d’avoir une meilleure vue sur la supposée réalité « .
C’est un spectacle, disons très philosophique si le mot n’est pas trop effrayant quand on veut rendre compte d’un spectacle, puisqu’il parle aussi de l’art, et de la représentation: les discussions sur la peinture entre elle, remarquable experte en la matière, et lui, mal à l’aise, se raccrochant aux branches et d’une parfaite mauvaise foi, sont de véritables petits bijoux.
Il est aussi, bien entendu, question du temps inscrit dans leur relation bizarre, un temps qui les renvoie sans cesse au passé, tout en étant ancré dans un présent qui tangue sans arrêt, où les choses sont comme en apesanteur dans la vie de ce couple qui n’en sera peut-être jamais vraiment un. Proust disait cruellement que c’est avec des adolescents qui durent un assez grand nombre d’années que la vie fait ses vieillards.
Mais cette déconstruction permanente du jeu théâtral qui pourrait être sinistre est traversée par un solide humour, encore renforcé par une pointe d’accent belge. Sans doute, le spectacle a-t-il de temps à autre quelques baisses de régime et aurait gagné à être un peu plus court d’une vingtaine de minutes. Mais quelle maîtrise du plateau, quelle qualité de jeu, aussi bien oral que gestuel!
Cet Homme au crâne rasé est un vrai bonheur théâtral, et pour une fois, le public est majoritairement jeune. Que demander d’autre en ces temps troublés?

 Philippe du Vignal

 Théâtre de la Bastille jusqu’au 17 juin. T: 01- 43-57-42-14

 

Théâtre impérial du château de Fontainebleau : réouverture…

 

Théâtre impérial du château de Fontainebleau : réouverture…

IMG_7665Dans le cadre de la quatrième édition du festival de l’histoire de l’art, des visites ont permis de redécouvrir ce joyeux du théâtre de cour qui est en cours de rénovation. Ce grand château de Fontainebleau, demeure successive de François 1er, Napoléon 1er et Napoléon III, possède des pièces superbes comme la chapelle de la Trinité, le célèbre escalier en fer à cheval (où défilent chaque samedi les mariés pour une photo !), les galeries, la salle de bal, et les collections, entre autres, de vases de Chine.
Dans ce grand ensemble architectural, un trésor, qui restait caché, revoit peu à peu le jour depuis quelques années : le théâtre impérial voulu par Napoléon III et construit à l’intérieur même d’une aile du château, de 1853 à 1856, sur les plans d’Hector Lefuel. Avec les contraintes d’un bâtiment existant, l’architecte de l’Empereur avait imaginé une salle de 400 places en ellipse, inspirée du théâtre de la Reine à Versailles qu’adorait l’impératrice Eugénie.
On y retrouve toute l’organisation d’un théâtre à l’italienne : salons, corbeille avec loge impériale, balcon et paradis grillagé qui permettant la surveillance discrète du public (l’Empereur craignait en effet pour sa vie). C’est un véritable conservatoire du mobilier de l’époque mais aussi de la machinerie théâtrale qui n’a pas bougé. Après la chute du Second Empire, le théâtre n’a servi que pour une quinzaine de représentations seulement, plutôt pour des vaudevilles à la mode de l’époque, mais les acteurs devaient rentrer à Paris après la représentation,  sans doute pour ne pas tenter l’impératrice!
Ensuite le théâtre, couvert de poussière et dégradé, connut une longue période d’oubli, et le lustre de deux tonnes finira par s’effondrer dans la salle abandonnée; pendant la seconde guerre mondiale, elle servit de cinéma aux officiers allemands. Aujourd’hui l’organisation même du château de Fontainebleau, et le coût du projet ont obligé ses dirigeants à se tourner vers le mécénat privé et grâce au royaume d’Abu Dhabi qui donna en 2007 un premier chèque de cinq millions d’euros. Une première tranche des travaux put donc avoir lieu pour la réhabilitation du mobilier et de la salle. Un deuxième chèque  du même montant permettra de rénover la machinerie dont le mécanisme restera le même.
La seule exigence des mécènes, (et non des moindres !) portait  sur la dénomination, certes un peu curieuse, du théâtre qui s’appellera désormais Théâtre Cheikh Khalifa Bin Zayed Al-Nahyan. Certains s’en sont émus, surtout pour faire polémique, mais, sans cette indispensable restauration, ce joyau pourrirait chaque jour un peu plus. Tout est finement ouvragé dans  cette salle redevenue superbe aux tons dorés, qui possède une excellente acoustique.
Mais, pour des raisons de conservation, de sécurité et, à cause d’une machinerie peu adaptée, il n’y aura que cinq représentations par an : l’idée n’est donc pas d’en faire une salle avec une programmation régulière mais plutôt de garder la mémoire d’un des derniers théâtres de cour, et conservé dans son intégralité. Une petite partie en est accessible uniquement pour les visites guidées second Empire du château.
Si vous souhaitez voir votre nom inscrit dans son histoire, le pavillon au milieu de l’étang aux carpes cherche de généreux mécènes pour sa rénovation !

Julien Barsan

Château de Fontainebleau T : 01 60 71 50 70.

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