La Vie sans fards

Festival d’Avignon off:

La Vie sans fards, d’après l’autobiographie de Maryse Condé, conception, adaptation et mise en scène d’Eva Doumbia.

La_Vie_sans_fards-cMichel_Brack   Maryse Condé,  77 ans, née à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe réussit à force de courage et de ténacité à faire des études de lettres classiques en Sorbonne; mariée au comédien guinéen Mamadou Condé, elle partit  le retrouver dans son pays, puis elle divorça, alla ensuite enseigner au Ghana puis au Sénégal, le temps aussi de faire quatre enfants. Elle revint en France,  se remaria, enseigna dans plusieurs universités avant d’entreprendre donc sur le tard une carrière de romancière.  Et, après son quatrième roman Ségou, elle repartit pour son île natale.  Avant de s’établit aux Etats-Unis où elle est devint professeur à Columbia university.
  Elle a donc eu,  comme on dit, une vie bien remplie  et dans une autobiographie particulièrement réussie,  elle raconte toutes les difficultés qu’elle a eues pour arriver à s’intégrer, elle l’Antillaise,  dans les pays africains où elle séjourna. Avec tout son mal-être aussi, ses angoisses et ses conneries qu’elle assume crânement, quand il lui fallait, et le plus souvent sans l’aide d’un mari ou d’un compagnon, élever et faire manger ses enfants. Dans une incertitude totale de ce que pouvait être, aussi  pour elle, un  quelconque avenir…
  C’est cette Vie sans fards qu’Eva Doumbia a entrepris de porter sur un plateau de théâtre. Ce qui est loin d’être évident; bien sûr, comme disait Antoine Vitez, on peut faire  théâtre de tout. Mais, ce qui était chez lui une boutade et non une certitude,  est devenue,en quelque trente ans, une  sorte de loi non écrite pour nombre de metteurs en scène  ou prétendus tels, comme en témoigne chaque année le nombre de ce genre de textes mis en scène dans le off: cela va du sermon religieux, aux lettres d’auteurs célèbres,  ou d’inconnus retrouvées dans un  grenier, en passant par des témoignages recueillis, extraits de presse, journaux intimes, suites de poèmes, bribes d’improvisations, adaptations de romans ou de nouvelles, discours politiques, etc… Bref tout est bon, le résultat le plus souvent insignifiant.
  Avec,  à chaque fois, la même question lancinante: comme justement faire théâtre avec quelques chose qui ne l’est pas? Sans  doute prudent, Antoine Vitez, lui,  ne donnait pas de mode d’emploi… Alors, les metteurs en scène bricolent comme ils peuvent  et le mieux est souvent, dans ce cas, l’ennemi du bien.
Eva Doumbia, elle, ne se sort pas trop mal de cette mise ne scène moins bien de l’adaptation; l’énumération des moments de la vie de Maryse Condé, de ses différents et douloureux exils  à ses quatre maternités et aux choix de vie qu’elle a dû faire dans l’urgence pour résoudre l’insoluble, frise parfois la saturation.
Mais, à la faveur de ce texte, on reconnaît la force de caractère de cette femme d’exception qui a su, malgré des choix douloureux, au hasard de ses exils et de ses amours, et de ses deuils, a quand même réussi à se construire une vie et à devenir écrivaine et romancière. Ce n’est déjà pas si mal quand on veut approcher un auteur.

   Malgré la difficulté à mettre en scène ces fragments d’autobiographie, la metteuse en scène a eu en effet l’intelligence de ne pas tomber dans le réalisme mais a su construire une évocation de la vie de Maryse Condé qui arrive à tenir la route une heure durant. Avec seulement des petits éléments de décor et accessoires, quelques interprètes et trois bons musiciens dont Beky Beh Mpala, à la kora et à la guitare tout à fait étonnant.
Cela dit, il y a quelques longueurs, mais quand -  et ce sont sans doute les meilleurs moments du spectacle -  la danse, la musique et le chant viennent en appui du texte, le résultat est tout à fait honnête et intéressant.

Philippe du Vignal

Chapelle du Verbe incarné 26 rue des Lices Avignon, jusqu’au 16  juillet à 20h 15. Un autre texte de Maryse Condé, La Faute à la vie est aussi jouée dans ce même théâtre  du 19 au 27 juillet à 20h 05.

L’autobiographie La Vie sans fards est parue chez Grasset en 2012.
 

 


Archive pour 11 juillet, 2014

Le Sorelle Macaluso – Les Sœurs Macaluso

sorelle

Festival  Avignon In

Le Sorelle Macaluso (Les Sœurs Macaluso), texte, mise en scène et costumes d’Emma Dante

 

La scène reste dans l’ombre, juste éclairée par les armes rutilantes (jouets d’enfants,) soigneusement rangées deux par deux – épée et bouclier -, tels les signes identifiables du théâtre de marionnettes sicilien – l’Opera dei Pupi – une forme de théâtre populaire dont les protagonistes sont les chevaliers du Moyen Âge.
La Sicilienne Emma Dante  considère le personnage du marionnettiste – il Puparo – comme crucial, et les sept sœurs Macaluso, leur mère, leur père et un petit-fils, sont traitées scéniquement  comme des marionnettes manipulées par des adultes mais aussi entre elles-mêmes.
Alessandra Fazzino, danseuse épanouie envahit le vaste espace de sa danse à la fois ample et désarticulée, tournant sur elle comme une toupie qui ne réduirait jamais sa lancée. Figure pleinement vivante et autonome. Autour d’elle, les  sept sœurs Macaluso, vêtues virilement de pantalons et de vestes noirs de deuil – accompagnent, par groupe de quatre ou  cinq, l’un des leurs à sa dernière demeure en brandissant haut un crucifix macabre : peut-être l’enterrement de leur mère ou de leur neveu.
Les  sept sœurs se lancent ensuite sans merci dans des batailles de chiffonniers chorégraphiées dans la violence. Elles n’ont rien à cacher d’elles-mêmes, transparentes les unes aux autres, comme des miroirs de galeries de glaces. L’action se déroule dans la Sicile traditionnelle du vingtième siècle jusqu’à nos jours, pays méditerranéen rageusement attaché à ses tradition: matriarcat et pouvoir de l’Eglise dans un contexte de pauvreté chronique.
Pourtant les femmes, soumises à leur homme – père, fils ou amant – ont le sentiment de mener véritablement la danse,  en commentant les travaux et les jours de la maisonnée et  du  village.
Les filles de la maison Macaluso prennent plaisir à se moquer des autres, dont leur père veuf, qui s’acquitte tant bien que mal de la gestion domestique de sa progéniture. Une fois les obsèques passées, les sœurs  quittent leur costume sombre pour frimer, en petite robe printanière ou  maillot de bain coloré. Elles s’amusent, face au public, rangées comme des marionnettes articulées qui seraient absolument décomplexées. Rien ne compte plus  alors  pour elles que leurs relations d’amour et de haine, de mensonge et de vérité, d’exposition et de don complet de soi à leurs sœurs.
Les femmes et les deux hommes maîtrisent ici la danse vivace et inlassable de leur corps engagé dans la vie,  courant, hurlant, chantant et se jetant dans les bras des uns des autres, avant de s’éloigner ou  de s’éviter encore.
Ces femmes ne se donnent pas faussement en spectacle, mais sont un spectacle à elles seules : solo, duo et chœur. Partageant le temps de la vie entre elles, attachées à leurs traditions et à leur famille, seul pilier de survie.
Une mise en scène vivante et tonique qui, grâce à une envolée de gestes et de mots en langue palermitaine, tourne à un caquetage sublime, à la fois trivial, impudique et poétique.

 

Véronique Hotte

Gymnase du lycée Mistral, les 12,13, 14 et 15 juillet.

 

 

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