Née sous Giscard
Née sous Giscard de et par Camille Chamoux, mise en scène de Marie Dompnier.
Qu’est ce que l’enfance ? Comment grandit-on sous le règne de Giscard, « un aristo fin de race », avec l’impression de « ne pas être née au bon endroit, au bon moment » ? Quand l’année de ta naissance, les tubes ne sont plus ceux des Beatles ou de Gainsbourg mais Big Bisous ou La Chenille ?
«Le problème c’est quand, en plus, tu veux être artiste », constate Camille Chamoux, avec un x comme dans « génération x », celle dont elle fait partie et « qui n’a pas su trouver ses repères ». « J’ai roulé ma première pelle sur Roch Voisine, j’ai découvert l’humour avec Michel Leeb, la philosophie avec BHL, le jeu d’actrice avec Valérie Kapriski dans l’Année des Méduses, et l’humanitaire avec Kouchner », poursuit-elle. Comment avancer dans la vie avec « des bases molles »?
Avant de se poser toute ses questions, la jeune femme instaure une complicité chaleureuse avec son public, interpellant les retardataires, parcourant les rangs en quête, non sans peine, d’un spectateur né après 1980. Elle calme le jeu avec La Bohème d’Aznavour : « Aujourd’hui il chanterait quoi ? L’intermittence ? L’âge d’or est révolu», persifle-t-elle.
Du métier, elle en a, mais n’use pas des grosses ficelles, et ne va pas chercher les rires à tous prix, par des blagues ou des bons mots vulgaires. L’humour est fin, l’écriture sans bavures. Après Camille Attaque, coécrit avec Pauline Bureau et joué en solo plusieurs années avec succès, elle revient, seule en scène, avec un spectacle plus intimiste, plus personnel, où elle évoque, sur le ton de la conversation avec la salle, les petits tourments de la vie, ses grands agacements, et ses colères tempérées.
Elle s’en prend gentiment à l’air du temps, aux nouveaux parents, à son grand-père conservateur, à un père « madeliniste », à une instit’ qui ne sait pas expliquer la violence de La Marseillaise à ses ouailles, à une ado d’aujourd’hui hyper-consommatrice, à « Ségo qui est à Obama, ce que David Guetta est à Gainsbourg », à François Hollande… Elle s’adresse à ceux de sa génération, mais pas seulement, car les parfums de l’enfance qui flottent sur le spectacle sont universels. Et nostalgie est un mot qui revient souvent sous sa plume acérée, comme un leitmotiv, souligné par quelques éléments de décor vintage (table en formica, lampadaire et disques vinyl) sur le plateau nu du théâtre. Petit ritounelle aussi, la chanson d’Anne Sylvestre Pomme rouge verte ou bleue ponctue le solo. Avant un « au-revoir » solennel, clin d’œil à Giscard quittant la scène, elle conclut : « Je me demande ce que la petite fille que j’étais, pense de moi ».
Du bien à n’en pas douter. Et le public, nombreux, ne s’y trompe pas.
Mireille Davidovici
Théâtre du Petit Saint-Martin 17, rue René-Boulanger 75010 Paris T. 01 42 08 00 32 Jusqu’au 2 août; www.petitstmartin.com. Et le 10 septembre, aux Théâtre des Sept Collines, 8 quai de la République 19000 Tulle T : 05.55.26.99.10