T.I.N.A. (There is no Alternative)

Avignon Off

T.I.N.A. (There is no Alternative) chorégraphie de Benoit Bar

photoLe titre fait référence à une phrase attribuée à Margaret Thatcher qui interrompait ainsi, à l’époque, toute possibilité de dialogue avec son interlocuteur.
Cette femme politique a créé, par sa tenue et sa posture, un personnage féminin très identifiable mais ce sont d’autres archétypes féminins que nous invite à découvrir le chorégraphe.
Il élabore des caricatures à partir de costumes caractéristiques: une robe Vichy vert, des robes de couleur à col Claudine ou un tailleur strict. Les trois danseuses vont s’efforcer de déconstruire l’image habituelle des personnages ainsi évoqués.
L’ombre de Pina Bausch plane sur certains tableaux, d’autant plus que les danseurs évoluent sur un sol d’herbe synthétique qui nous rappelle l’espace de jeu de
1980. Ici, l’objet-vêtement va être vecteur de sens, au point que, dans la première scène, la danseuse se présente nue et va peu à peu se revêtir d’accessoires distinctifs : boucles d’oreilles, collier, chaussures à talons, robe. Du matériau utilisé naît le malaise, que ce soit du papier journal qui déforme les corps, ou les vêtements.
Les mouvements des trois danseuses sont parfois asynchrones: elles se présentent en trio, en jupe écossaise, le visage masqué par une perruque. En plaçant les corps en mouvement à la frontière qui semble délimiter le genre féminin, dit Benoît Bar, j’ai tenté, avec le respect dû à ma non-appartenance à ce genre (mais parler d’appartenance ou de non-appartenance ne nous inscrit-il pas d’emblée dans une dichotomie réductrice?), d’apercevoir son essence, ou alors d’en souligner, avec lucidité et consternation, l’artificialité dans laquelle on l’a circonscrit».
On peut dire plus simplement que  ce spectacle très esthétique et rythmé questionne et répond à cette définition de l’art de Jean-Luc Godard: «L’art est comme un incendie: il naît de ce qu’il brûle».

Jean Couturier

Théâtre Golovine jusqu’au 27 juillet (relâche le 21). T:  04 90 86 01 21


Archive pour 15 juillet, 2014

nature morte, à la gloire de la ville

Nature morte, à la gloire de la ville de Manolis Tsipos, traduction de Myrto Gondicas, atelier-spectacle dirigé par Michel Raskine à l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne.

Avignon-2014_Jour-07-Nature-morte.-A-la-gloire-de-la-ville-1050x600C’est une volonté affichée d’Olivier Py (et il a bien fait) d’accorder une priorité à celui des pays européens sans doute le plus durement touché par la crise économique, et qui a aussi été, on l’oublie trop souvent, à l’origine du théâtre occidental, donc sans lequel, souvenons-nous, il n’y aurait jamais eu non plus de festival d’Avignon. Où cette année sont donc programmés trois spectacles, Vitriol de Dimitri Dimitriadis,  La Ronde du carré de Yannis Mavritsakiset Nature morte à la gloire de la ville. Ces textes écrits par des auteurs grecs de génération différente ,témoignent chacun à leur façon de la Grèce d’aujourd’hui, en proie à un cataclysme social comparable à celui des années 30 en Allemagne.
Manolis Tispos a trente cinq ans et auteur scénariste et metteur en scène et artiste de performance et sa pièce, Nature morte à la gloire de la ville est une sorte d’œuvre lyrique où s’exprime une grande violence, en rapport évidemment avec la situation explosive que connaît son pays depuis plus de quatre ans.
De par sa forme atypique,  de par aussi  le délai court entre la livraison du texte français et le début du travail,  cet atelier-spectacle, dit Michel Raskine, est un champ de recherche pour les élèves de deuxième année (promotion 26) mais aussi pour le metteur en scène-pédagogue. Au texte de Manolis Tsipos, ont été associés des fragments du Prométhée d’Eschyle
Cela se passe dans un gymnase, juste habillé de quelques pendrillons de velours noir, et doté au fond d’un mur d’escalade; sont accumulés, en ordre comme en désordre, c’est selon, des objets comme une série de fauteuils blanc de jardin , des couronnes de fleurs, des fontaines à eau vides, etc… Le tout en plastique blanc ou coloré, dont on ne voit pas bien la nécessité sinon de remplir ce grand espace. Mais cela ne constitue ni une scénographie ni une véritable machine à jouer.
C’est assez laid, et Michel Raskine semble avoir été davantage préoccupé par la direction de ses élèves comédiens de deuxième année qui doivent se débrouiller avec un texte pas facile. mais qu’il a bien aidé.  Il y a ainsi Julien Bodet, Thomas Jubert, Gaspard Liberelle, Aurélia Lüscher, Tibor Ockenfels, Maurin Olles, Pauline Panassenko, Manon Raffaelli et Mélissa Zehner. Tous avec une oralité et une gestuelle impeccable; c’est un travail bien dirigé,  d’une grande rigueur, un peu démonstratif, que ce soit dans les solos ou dans le travail choral, mais c’est la loi du genre, et c’est toute l’ambiguïté de ces travaux d’élèves: on a affaire ici à la fois à un atelier mais aussi à un spectacle payant.
Le spectacle dure un peu plus d’une heure et on a donc du mal à repérer des individualités mais cela fait du bien d’entendre ces voix fraîches et  de voir les beaux visages de ces jeunes gens, qu’ils jouent ou parfois chantent. C’est vraiment émouvant cette spontanéité dans un jeu encore brut de décoffrage (mais sans criailleries, sans micros HF!)  surtout après le terrible ennui que nous a infligé Marie-José Malis avec son Hypérion à quelques dizaines de mètres de là. (voir Le Théâtre du Blog).
La mise en scène de Michel Raskine est simple mais efficace, même s’il aurait pu nous épargner ces continuelles séances de déshabillage/rhabillage qui n’apportent rien. Cette Nature morte est comme un hymne  qui nous parle de la jeunesse grecque qui a déjà commencé comme autrefois à s’exiler, avec,  en trame, les impitoyables répressions policières imposées sans état d’âme par le gouvernement, des manifestations,  comme au temps où les colonels dirigeaient le pays d’une main de fer, l’incroyable pauvreté qui amène les gens à toutes les tricheries possibles pour survivre. Et avec,  comme conséquence  immédiate, la montée des partis d’extrême droite dont l’histoire nous a appris depuis longtemps qu’ils n’ont jamais trouvé la moindre solution aux graves problèmes sociaux et politiques d’un pays.
Ces jeunes élèves ne deviendront sans doute pas tous comédiens mais ils savent déjà ce qu’est une  unité de jeu et un spectacle donné dans des conditions minima, et ce  n’est déjà pas si mal après deux ans d’école. Cet atelier-spectacle témoigne en tout cas de la bonne qualité de l’enseignement donné à Saint-Étienne.

Philippe du Vignal.


Gymnase du lycée Saint-Joseph, les 9, 10, 11 et 12 juillet. 

L’Homme semé

L'Homme Semé©Thierry Grand-IMGP7919

L’Homme semé , Looking for Œdipe Tragically, texte et mise en scène de Dominique Wittorski.

 

Dominique Wittorski et sa bande, Alexandre Aflalo, Charlotte Blanchard, Serge Gaborieau, Fabien Joubert, Bruno Rochette et Olivier Ythier – s’en sont donné à cœur joie pour revisiter joyeusement le mythe symbolique d’Œdipe à sa source. Sophocle raconte la quête d’Œdipe, roi de Thèbes,  pour retrouver le meurtrier de son prédécesseur sur le trône, le roi Laïos. Le Tragique grec n’est pas dupe et manie l’ironie à souhait,  puisque l’enquêteur et le meurtrier ne font qu’un. Le roi Laïos n’est autre que le père du bourreau et de la victime. Et la veuve de Laïos n’est autre que la femme et la mère du fameux Œdipe. Un imbroglio inénarrable.
   Dans L’Homme semé de Wittorski, l’action se passe de nos jours: Achille avant sa mort,  avait  exprimé la volonté que ses héritiers jouent Œdipe Roi de Sophocle. Les enfants fidèles à Achille se penchent sur le mythe d’Œdipe avec un élan rageur. Œdipe énigmatique s’interroge lui-même et tous les descendants de Thèbes avec lui : «Je croyais que mon père était de Corinthe,  et ma mère étrangère à Corinthe mais mon père était Thébain et ma mère du même sang que lui. Comme tous les Thébains. Je croyais être métis. J’étais incestueux. Fils d’incestueux. Pourquoi vouloir construire des villes, des pays sur des modèles familiaux que l’on condamne ?»
Les frères, demi-frère et belle-sœur, ont convié le public à une répétition catastrophe où chacun plaisante et ironise durant le dernier repas,  avant de quitter la ville. D’emblée, le spectateur assiste à une comédie, une farce où les jeux de mots fusent,  évoquant entre autres, une soupe clairette, un bouillon sans yeux ni dieu.
Les acteurs s’amusent et échangent en riant leurs impressions du moment, forts d’une improvisation contrôlée et rôdée. Sens de la répartie, équivoques langagières, blagues de potache, la bande soudée passe un bon moment à rire de tout et de rien. Mais cette première partie  est un peu longue et complaisante.
  La seconde partie s’annonce plus astucieuse, ne serait-ce qu’à travers la mise en relief du beau décor inventif du scénographe Thierry Grand : lattes de bois brut, planches, échafaudages, figures géométriques bancales: la scène illuminée est radieuse.
Cadmos, ancêtre d’Œdipe, a fondé Thèbes en plantant les dents d’un dragon dont sortiront comme par magie et selon la volonté divine, les « hommes semés ». La ville de Thèbes se construit ainsi sous les yeux du spectateur : fumées, monticule de terre, rayons de lumière, les sept portes stratégiques apparaissent dans leur splendeur.
La mise en scène fait alors  preuve d’invention et de réflexion, avec  esprit, en s’amusant  du mythe antique avec esprit. Le spectacle est alors plus juste et constructif  et fait oublier l’ennui et les longueurs complaisantes. Et les comédiens aguerris sont heureux de jouer ensemble. C’est une équipe attachante qui sait faire passer sa  vigueur et sa bonne humeur,  après avoir dépassé le tunnel du début.

 Véronique Hotte

 La Caserne des Pompiers à 18 heures.

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