la denière balade de Buster Keaton

Festival d’Avignon off:

La dernière Balade de Buster Keaton, librement  inspirée d’El paseo de Buster Keaton de Federico Garcia Lorca, conception et  mise en scène d’Eros P. Galvao et Alejandro Nunez Flores.

images  Avec ce spectacle de théâtre gestuel, de marionnettes, cirque et de musique  sur scène, la compagnie franco-brésilienne Les Trois Clés décline avec panache ses talents scéniques et  poétiques. Eros P. Galvao et Alejandro Nunez Flore, et   le musicien et  dramaturge Marcus Borja,  sont les auteurs  de ce moment  de mémoire collective, avec  David Fernandez et Sigfrido Rivera.
Dans l’ombre d’un chapiteau de cirque, cette dernière Balade de Buster Keaton fait briller  cette figure mythique du cinéma muet, celle de l’homme à la triste figure qui fait rire. En s’inspirant du langage surréaliste d’El Paseo de Buster Keaton de Federico  Garcia Lorca, la troupe inscrit aussi le héros du cinéma muet dans sa balade à elle. Souvenirs,  inspirations, et compagnonnages spirituels, le spectacle  flirte avec La dernière Bande de Samuel Beckett qui a fait jouer Keaton à la fin de sa vie,  dans le seul film qu’il ait réalisé,  en 1965.
Cette même famille artistique, d’obédience post-moderne, attentive à la poétique de la fin, de l’exclusion et de la vieillesse, cet empire préparatoire à la mort, se reconnaît dans la poubelle extraordinaire de l’artiste brésilien Vic Muniz qui travaille à partir de déchets  qui envahissent la planète, et qui fait naître une vie autre et bien vivante, au-delà de l’abandon, des dates périmées et du temps qui passe…
Un moment  du spectacle rappelle ceux de Philippe Genty: une bâche immense et volatile de plastique qui gonfle,  et qui épouse toutes les formes, se métamorphose à volonté avant de disparaître, comme l’étoffe de nos rêves. Le héros marginal parcourt, à côté de ses semblables , l’histoire d’une époque, celle d’un cinéma où les trains grondent et sifflent, et des gratte-ciel qui s’élèvent.

Au bord du monde et de ses bruits de fer, l’homme à la triste figure et au canotier, se met à errer avec une lourde valise de comédien où les souvenirs du passé se multiplient,  ce qui permet une mise en abyme de l’image de l’artiste, égrènant une série inventive de petits personnages manipulés.
Les interprètes manipulateurs des poupées Keaton jouent les marionnettistes acrobates à merveille, assis et recroquevillés dans les fameuses valises de voyage, ou bien seuls à bicyclette,  parcourent avec cœur les chemins inexplorés de la mémoire. En costume sombre, et  chemise blanche, le visage anonyme recouvert et invisible, cette série de Buster Keaton se déchaîne sur la scène, entre courses rapides et déhanchements grotesques.
Des scènes-phares surgissent alors de cet univers poétique, comme cette fuite de Buster Keaton suspendu à un fil et courant dans le vide, la mine effrayée, les bras levés et mobiles. Impossible de répertorier toutes les images qui font mouche sur une piste réelle de cirque  mais il reste cette impression suave et surannée d’un regret mélancolique pour une époque qu’on a vu disparaître à contrecœur. Même si, heureusement,  restent les  films en noir et blanc et  des artistes convaincus des retombées magiques de la poésie sur un spectacle vivant.

 Véronique Hotte

 Collège de La Salle, Théâtre du Gymnase, du 5 au 27 juillet à 10h45. À partir de 10 ans

  


Archive pour 16 juillet, 2014

La Brique de Guy Alloucherie

La Brique, direction artistique et mise en scène de Guy Alloucherie

 
guy_alloucherieLe bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Du coup, Guy Alloucherie a saisi l’occasion d’inventer un spectacle émouvant et autobiographique. Une première fois, à l’occasion des Journées du Patrimoine fêtées par Culture Commune, scène nationale, sur un carreau de fosse minière .
Une autre fois, et pour bien d’autres célébrations ensuite, cette Brique insolite est à nouveau polie, « briquée », pour être « imbriquée », par la compagnie Hendrick Van Der Zee (HVDZ), selon le destin quotidien des murs des corons, lors de l’ouverture du Musée du Louvre à Lens.

  La conférence facétieuse et enjouée, est orchestrée de main de maître et le sourire en coin, par  Guy Alloucherie, qui invite le public à réfléchir sur la notion de patrimoine et sur celle des traditions, dans une méditation existentielle sur la place effective de l’homme à l’intérieur de ce patrimoine.
L’interprète, quelque peu mélancolique, installé dans un halo scénique, à la fois comique et philosophique, historique et mémoriel, s’arrête sur cet objet rouge et tristement géométrique ,cette  brique anonyme, matériau emblématique régional et métaphore irréversible de ce qui est dur et non traitable.
 Comédien, mime et interprète ironique, le baladin ,seul en scène – il avoue avoir souffert depuis l’enfance d’une timidité maladive – fait le clown mais pas le joyeux drille. Un clown inspiré et empreint de la nostalgie d’un passé révolu, qui diffuse une émotion bon enfant.
Le comédien va et vient, telle une souris technologique manipulée, d’un ordinateur à un rétroprojecteur, puis à un premier écran et à un second, le regard alerte, sautant d’un objet à l’autre, et rassemblant les vues dans une jolie synthèse conclusive.
Il  fait admirer au public un tas de briques, un fouillis de fausses pierres, qu’il organise géométriquement, allant jusqu’à « imbriquer » sa tête à l’intérieur d’un vide rectangulaire laissé en évidence, ou bien gisant, étendu de tout son long sur une surface plane et dure, bâtie avec des briques soigneusement rangées. Une invention ludique de Jérémie Bernaert.
Les photos de famille, récupérées chez une sœur aînée, composent un trésor inépuisable pour qui prend la peine de se pencher sur ces souvenirs de papier. Le performeur prend un feutre et colorie en rouge les moindres pans des murs en briques des maisons des corons :  cette couleur envahit tout.
Un trait rouge, une flèche, un cercle:  ces signes commentent et interprètent toutes les situations, les relations des membres de la famille entre eux, avec des anecdotes, des détails, des souvenirs du passé qu’on aurait aimé rattraper, comme la jeunesse  qui s’est envolée. Le pull-over de Guy est toujours au frais dans le frigo familial qui ne fonctionne pas.Et le fils se souvient avec tendresse du signe de  main de sa mère, au bout du jardin, quand elle accompagnait le père qui s’en allait sur le chemin trop souvent fatal de la mine.
On ne verra enfants que la sœur ou le frère de Guy Alloucherie, et  lui-même, bébé, dernier de la fratrie, dans les bras maternels. Pudique, l’acteur se parle à lui-même, faisant aveux et confidences avec  une générosité naturelle envers  le public qu’il fait sourire.
Entre confessions et conférence, l’acteur tient la balance sur un fil très  mince, éveillant l’attention du public, citant d’instinct un fragment de poème de René Char ou des Trois Sœurs de Tchekhov.
Un moment agréable et tendu, un morceau rare de la vie précieuse de chacun.

 Véronique Hotte

 Présence Pasteur, jusqu’ au 27 juillet à 13h.

Les mères de famille se cachent pour mourir

Festival d’Avignon off

Les Mères de famille se cachent pour mourir de Constance Pittard

C’est un solo dans un cinéma qui accueille… vingt spectacles par jour. Il y a une longue queue de personnes visiblement captivées  par cette  vedette  de la télévision mais inconnue du théâtre public.
Constance Pittard apparaît en robe de chambre pour conter les déboires des femmes seules:  elle regrette les années 50, les femmes parfaites qui attendaient leur mari dans une maison impeccable, les enfants bien dressés qui ne parlaient pas à table.
Elle dresse une galerie de portraits comme celui d’une femme hystérique qui tente de maîtriser ses enfants, hurlant contre son mari, et ne sachant plus  à quel saint se vouer. « Restez bêtes et sans avis ». Elle joue les petites filles idiotes, interprète des caricatures sinistres, avec de grosses blagues vulgaires comme « Je fais des économies sur ma facture de gaz en me suicidant avec mes propres prouts ! ».
Il y a une certaine dextérité dans la peinture de ces portraits qui font hurler de rire l’ensemble des spectateurs, à tel point que deux d’entre eux déchaînent une hilarité nouvelle. Malgré le savoir-faire indéniable de cette bonne professionnelle, il est assez consternant de voir qu’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ! Et nous sommes pris de vertige en pensant aux recettes probables à la fin du festival…

Edith Rappoport

Le Paris jusqu’au 26 juillet à 21 H 30, www.leparisavignon.com

 

Edith Rappoport

Mahabharata-Nalacharitam

photo 1

Festival d’Avignon In

Mahabharata-Nalacharitam,  mise en scène de Satoshi Miyagi, (en japonais surtitré en français).

Presque trente après le mythique spectacle de Peter Brook, l’épisode Nalacharitam de la célèbre épopée indienne, a été  mis en scène par Satoshi Miyagi, du Shizuoka Performing Arts Center, et  il a offert gratuitement, avec sa troupe, des extraits de cette création le 12 juillet, devant le  Palais des Papes, puisqu’il ne pouvait jouer  à la Carrière Boulbon, du fait de la grève des intermittents.
 Ce qui frappe d’emblée ici, c’est une très intelligente scénographie: les gradins sont entourés d’un anneau surélevé où jouent acteurs, marionnettistes, danseurs et conteurs…
   La notion de jeu est importante ici:  c’est un état d’esprit qui anime ces artistes qui nous racontent l’aventure du roi Nala. Possédé par le démon Kali, il va perdre au jeu son royaume, et sa femme, la princesse Damayanti. Durant cent dix minutes, il va tenter de reconquérir sa bien-aimée et son royaume, et y parviendra enfin.
Cette création est accompagnée, en contrebas de l’anneau de jeu, par trois musiciens et quatre musiciennes, tous les sept  exceptionnels de présence, au service d’une superbe partition. Les formes de l’art théâtral traditionnel du Japon :  opéra kabuki,  marionnettes bunraku, art du conteur, mais aussi des expression plus modernes, comme en clin d’œil , ces mangas ou ces spots publicitaires à la télévision, sont ici réunis  dans une belle coexistence: .
Tous les acteurs sont justes, pleins d’énergie et heureux de jouer, en particulier le conteur, incroyable avec d’incroyables ruptures de ton : avec son pendant féminin, il donne la parole à tous les personnages de cet épisode, et  se permet même d’imiter la voix d’un bonze des cérémonies religieuses du Sutra.
   Cette interprétation du Mahabharata-Nalacharitam, très gaie, prend parfois l’allure des festivités des temples shintoïstes. La manipulation est toujours d’une grande précision, que cela soit pour les petites marionnettes à gaine des personnages,  ou pour le grand tigre qui court sur l’anneau autour de nous. Il faut avoir gardé son âme d’enfant pour apprécier pleinement ce spectacle jubilatoire.
Les artistes, dans leur ensemble adoptent un rythme soutenu et emportent l’adhésion du public. En costumes blancs, composés initialement de papier Japon artisanal, qui ont été retaillés dans du cuir synthétique, plus solide. Les masques en papier de certains personnages rappellent  l’esthétique des mangas.
Et le spectacle est imprégné d’une poésie naïve et réjouissante. Satoshi Miyagi, surprenant d’humilité, parle de sa création et de la mixité de la culture japonaise : «Parmi toutes les cultures mélangées sur ces îles, ce sont les deux plus grandes civilisations asiatiques -chinoise et indienne- qui ont exercé la plus forte influence sur la culture japonaise», et cela se voit sur scène.
  L’accueil du public chaque soir est fabuleux et nous avons quitté un metteur en scène et des artistes heureux de jouer dans cette nuit d’Avignon temporairement apaisée. Qu’attend-on d’un festival ? Au moins, une soirée dont on se souviendra toute sa vie, non reproductible ailleurs, composée d’une alchimie entre le lieu de représentation, une histoire et un public.
Merci donc à Satoshi Miyagi de nous avoir fait vivre cela.

Jean Couturier

Carrière de Boulbon jusqu’au 19 juillet à 22 heures.
   

 

SPAC『マハーバーラタ〜ナラ王の冒険』@アヴィニョン演劇祭 劇評

十数人の評論家によって運営されているフランスの舞台芸術批評のブログ、« Théâtre du blog »に、アヴィニョン演劇祭の《イン》で、今月19日まで上演される宮城聰演出、SPAC『マハーバーラタ〜ナラ王の冒険』の劇評が掲載されました。
執筆者はフィリップ・ジャンティのカンパニーで、批評と写真を担当されているジャン・クテュリエ氏です。
« Théâtre du blog »のサイト管理者に連絡をとり、許可を頂いた上で、クテュリエ氏の劇評の翻訳をここに掲載します。
2014年7月19日 片山幹生

ピー ター・ブルックの神話的スペクタクルの上演のほぼ三〇年後、インドのこの有名な叙事詩にある「ナラ王の冒険」のエピソードが、静岡舞台芸術センター (SPAC)の宮城聰の演出によって上演された。アンテルミタンのストライキのためブルボン石切場での公演ができなかった7/12には、宮城とSPACの メンバーは、この作品の抜粋をアヴィニョン教皇庁宮殿の前で無料で上演している。

この作品でまず印象的なのは、極めて知的に構築されたセノグラフィ(舞台空間)である。客席はその頭上に指輪状に設置された舞台に取り巻かれている。この舞台上で俳優、人形遣い、ダンサー、そして語り手が演技を行う。

演技の概念もここでは重要である。ナラ王の冒険をわれわれに物語るアーティストたちの高揚させる精神の状態は、演技の概念と結びついている。悪魔カリに 取り憑かれたナラ王は賭けによって王国と彼の妻、ダマヤンティを失うはめになる。110分のあいだ、ナラ王は愛するダマヤンティと王国を取り戻すために奮 闘し、そして最後に取り戻す。

輪状の舞台の下方では、男性三名、女性四名からなる七名の卓越したミュージシャンが、素晴らしい音楽を奏でる。歌舞伎、文楽、語り芸といった日本の伝統 芸術の形式だけでなく、マンガやテレビ・コマーシャルといった現代的な表現もアクセントとしてこの作品には取り入れられ、それらの要素が見事に統合され、 共存している。

俳優はみな達者で、その演技はエネルギーと演じる喜びにあふれていた。とりわけ語り手の声の表現力は驚嘆すべきものだ。語り手の分身である女性の声を担 当するほか、「ナラ王の冒険」の全ての登場人物たちの声をひとりで語り分けた。さらには式典で経文を唱える僧侶の声まで模倣してみせた。

『マハーバーラタ〜ナラ王の冒険』の陽気で愉快な演技には、神社の祝祭の雰囲気を感じさせるところもあった。登場人物を模した指遣いの小型の人形にせ よ、観客の周りを囲む輪状の舞台を駆け回る大型の虎にせよ、その操作は常に非常に巧みだった。喜びに満ちたこのスペクタクルを余すところなく享受するには 子供の心を持つ必要があるだろう。

アーティストたちは全体で持続したリズムを受け入れ、観客を引き込んでいく。彼らが着ている白い衣装は、和紙を主な材料としているが、合成皮革を混入することで、より丈夫な材質になっている。紙製の仮面のなかにはマンガを連想させるデザインのものもあった。

作品には素朴さと楽しさが浸透している。驚くべき謙虚さで、宮城聰は自分の作品と日本文化の雑種性について次のように語った。「この島国にはあらゆる文 化が混入しているのですが、そのなかでも日本文化にもっとも大きな影響をもたらしたのは、中国文化とインド文化なのです」。こうした文化のありようは舞台 の上に見て取ることができる。

毎夜の観客の熱狂ぶりは驚くべきものだ。私たちは、一時的に静けさを取り戻したアヴィニョンの夜、演出家と演じる幸福にひたる俳優たちと別れた。私たち がフェスティヴァルに望むものは何だろうか? それは生涯にわたって記憶に残るような夕べの時間ではないだろうか? 他の場所では経験することができない ような、上演場所と物語と観客の詩的な錬金術によってもたらされる夕べの時間。ありがとう、宮城聰さん。私たちは確かにそういう時間を味わうことができま した。

ジャン・クテュリエ Jean Couturier

オリジナル記事(仏語)のurl:http://theatredublog.unblog.fr/2014/07/16/mahabharata-nalacharitam/

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O vous frères humains

Ô vous frères humains  d’Albert Cohen, mise en scène d’Alain Timár.

 

ovfh4 - -® Raphael Mignerat_WEBCe texte d’Albert Cohen, écrivain plus connu pour son roman culte Belle du seigneur qui enchanta beaucoup de  jeunes gens de 68, fut publié en 1972 quand son auteur avait déjà 77 ans. Mort à Genève quatre ans plus tard, il était né à Corfou  en 1885, et encore très jeune vécut à Marseille où il fit ses études, et  devint ensuite diplomate; pendant la guerre,  il fut à Londres, conseiller juridique du comité inter-gouvernemental pour les réfugiés.
Dans  Ô vous frères humains dont le titre reprend les célèbre vers de Villon: Ô vous frères humains qui après nous vivez, Albert Cohen  évoque un souvenir personnel, quand,  à dix ans dans une rue de Marseille, donc il y a déjà plus de cent ans, à une époque où l’antisémitisme était couramment admis, il fut la cible d’un d’un camelot qui vendait des bâtons d’un prétendu détacheur, et qui s’en prit à cet innocent gamin en l’injuriant, au seul motif qu’il était juif.
Et ce souvenir marqua ensuite Albert Cohen toute sa vie; et comme le dit Alain Timár, « la lucidité extrême de la vision de l’écrivain et cette sale histoire prennent valeur d’exemple pour chacun d’entre nous ».  Danielle Paume qui a signé la dramaturgie du spectacle pense qu’elle s’est retrouvée devant un texte écrit-parlé dont la forme même appelait la représentation mais surtout pas représentation en un  » appareillage spectaculaire », plutôt comme une invite à réfléchir ensemble à partir d’émotions vraies, intense.
Pourquoi en effet, un homme arrive-t-il à haïr ainsi un pauvre petit garçon qu’il ne connaît même pas, et qui voudrait lui acheter un bâton de son détacheur pour l’offrir à sa maman. A  cette question lancinante: pourquoi tant de haine chez cet homme envers celui qui n’est encore qu’un pauvre petit garçon sans défense aucune,  Albert Cohen  se dit généreusement à la fin de sa vie que le camelot n’est qu’un pauvre bougre malheureux qui essaye d’exorciser sa solitude et sa peur de mourir en humiliant un de ses pareils mais sans défense qui voit la haine dans ses yeux. Rien ne sert vraiment de haïr, pour Albert Cohen, puisque nous sommes tous soumis à   » J’ai été un enfant, je ne le suis plus, je n’en reviens pas ».  » Je vieillis que c’est un plaisir et je mourrai bientôt ».
Le style d’Albert Cohen est ici, aussi succulent que dans  Belle du seigneur. Mais comment porter sur un plateau de théâtre  son humour ravageur, sa lucidité et sa foi malgré tout en l’amour de l’autre?  Alain Timár n’a pas vraiment de solution dramaturgique et  dans l’adaptation de ce texte, a  démultiplié par trois une sorte de monologue avec trois bons acteurs: chacun d’âge différent:  Gilbert Laumord, la soixantaine,  formidable acteur et metteur en scène guadeloupéen formé au Danemark, Paul Camus,  la quarantaine, né en Charente-Maritime mais Bruxellois d’adoption, et Issam Rachyq-Ahrad, la trentaine. Tous, à la diction impeccable et à la belle présence.
Sur cette scène remarquable de profondeur que  tout metteur en scène parisien rêverait d’occuper au moins une fois, rien que trois chaises en fer rouges  et surtout un grand châssis en trois parties couvert de lambeaux de vieux papier peints différents, dont on peut donc modifier au besoin l’apparence. C’est à lui seul, une œuvre plastique tout à fait intéressante due à Alain  Timár qui aurait sa place dans une galerie d’art contemporain.
  Et cela fonctionne? Pas vraiment. Un peu au début quand, Gilbert Laumord évoque  l’obsession de la mort et de la décomposition du corps, et un peu à la fin, quand les  acteurs forment une sorte de choral à trois voix. Mais, entre les deux, cette logorrhée est  peu convaincante et ce qui aurait dû être un vrai spectacle, devient assez vite soporifique… La faute à quoi?  D’abord  et surtout à un texte qui n’est pas toujours aussi passionnant que Danielle Paume le croit , et qui ne fait pas nécessairement théâtre. Surtout, pendant quatre-vingt dix bien longues minutes. Et, à cette manie actuelle qui sévit, en particulier, dans le off : vouloir à tout prix adapter  un texte, quel qu’il soit, de préférence dû à un grand écrivain, et de préférence aussi avec un acteur connu comme Patrick Chesnais et le mettre en scène sous forme d’un monologue.
Mais quel avantage y-a-t-il à voir ce texte porté sur un plateau, même comme ici, avec beaucoup de scrupule et d’honnêteté? En général, aucun metteur en scène ne veut répondre à la question… Réfléchir ensemble, comme le dit Alain Timár, on veut bien,  mais est-ce un motif suffisant?  Pas sûr! Et bien rares, sont les textes non théâtraux qui appellent vraiment la représentation…
Donc à vous de voir,  si vous avez envie de faire partie d’un public et d’aller écouter ce texte d’Albert Cohen, au lieu de le lire

Philippe du Vignal

Théâtre des Halles jusqu’au 27 juillet à 16 heures. T: 04-32 76 24 51

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