Ce Démon qui est en lui
Ce Démon qui est en lui de John Osborne, traduction de Gisèle Joly et Séverine Magois, mise en scène d’Hervé Pierre.
Depuis cinq saisons, la Comédie-Française engage, pendant un an, de jeunes comédiens au sein de la troupe, et leur apprentissage se conclut par un spectacle de fin d’année sous la conduite d’un comédien du Français.
Hervé Pierre a choisi de faire entendre, contée par des jeunes gens de 2014, la première pièce de John Osborne (1929-1994), chef de file de ces écrivains, « jeunes gens en colère », comme John Braine, Alan Sillitoe… qui renouvelèrent la dramaturgie britannique à la fin des années cinquante. John Osborne a 19 ans quand il s’empare d’un fait divers, un meurtre commis dans un coin reculé du pays de Galles, pour écrire ce drame où il fustige l’intolérance d’une communauté puritaine dont l’obsession du péché engendre le pire.
Huw est différent : malade, idiot ou demeuré ? Pour le pasteur, il est possédé du Démon mais pour le jeune médecin qui a pris pension chez ses parents, c’est un poète génial et méconnu. Quoiqu’il en soit, poussé à bout et harcelé, il passera à l’acte, avec une violence proportionnelle à celle qui lui a été infligée.
Dans un dispositif scénique en carré, avec quelques accessoires tirés des malles du théâtre, le metteur en scène a choisi la simplicité. Des projections vidéos tentent de représenter les images et les fantasmagories belles mais plutôt « gore » qui hantent l’esprit agité du futur meurtrier. Illustratives, elles anticipent et explicitent le dénouement qui paraît alors comme « téléphoné ». Les passages lyriques où Osborne s’emporte contre le puritanisme sont dans la mise en scène d’Hervé Pierre, plus convaincants.
Les jeunes comédiens n’ont pas l’âge de tous les rôles. Il est sans doute plus difficile pour eux de camper le père et la mère de Huw, ou le pasteur intégriste que des personnages plus jeunes. On a donc du mal à évaluer leur talent. Mais Pauline Tricot compose une Madame Evans (la pipelette du quartier) tout à fait crédible.Paul McAleer est un Huw plus autiste que bouillant de rage, tandis que Lola Felouzis excelle dans le personnage de Dilys, pauvre petite allumeuse de village, séduite puis abandonnée, autre victime propitiatoire de la répression sexuelle.
Ce spectacle frappe par son propos qui est plus que jamais d’actualité. L’ensemble, sans céder à la tentation d’une pièce à thèse, paraît cependant assez laborieux. Reste l’écriture à vif d’un auteur trop peu connu en France et la découverte d’une œuvre qui fut victime de la censure à son époque. Oublié depuis, Ce démon qui est en lui avait été exhumé des archives de la British Library à l’occasion d’une exposition sur la censure en 2009.
Mireille Davidovici
Théâtre du Vieux-Colombier du 10 au 12 juillet.