Miror Theeth
Festival d’Avignon off
Mirror Teeth de Nick Gill, mise en scène de Guillaume Doucet.
Les Bretons du groupe Vertigo nous convient à un spectacle absolument déjanté et à l’humour corrosif. Dans ce Mirror Teeth (Dents miroir), le cynisme devient un véritable art d’écrire et donne lieu à des scènes éclatantes. Cela se passe dans une famille d » une des plus grandes villes de notre pays ». Un père qui rentre du travail, une mère qui prépare le repas et leurs deux enfants qui reviennent du lycée et de l’université. Famille classique… jusqu’au racisme ordinaire développé par la mère. Un peu moins quand son père qualifie Jenny de « lycéenne sexuellement active ». Et, quand arrive Kwesi, le petit ami « de couleur » de Jenny, tout va évidemment dégringoler.
On apprend vite aussi que le père est marchand d’armes, qu’il vise les milices et autres groupes de rebelles pour faire vivre sa société et on voit aussi que la mère peine à réprimer son appétit pour le petit ami de sa fille, et que la sœur regarde son frère sous la douche: bref et en gros, toute la famille est complètement cinglée !
Folie, cynisme et manipulation sont là pour tout faire passer, tout expliquer: le père affirme que vendre des armes n’est pas moralement critiquable : « On ne fait pas d’un homme un tueur en lui vendant une arme ». Et la sœur explique que la curiosité sexuelle entre un frère et une sœur sont choses tout à fait normales, et que l’économie n’a pas de valeur, qu’elle ne s’intéresse qu’à la transaction, qu’on ne saurait donc critiquer le
client d’une prostituée…
Dans ce texte, tout est retourné, dans un raisonnement à l’avantage de celui qui parle, avec une mauvaise foi absolue et sans tabous. « Nous avons la chance d’avoir entre les mains à la fois une vraie comédie de situation contemporaine, et un texte fin et radical; c’est une chance que nous savourons avec délectation » dit Guillaume Doucet. La pièce qui a été récemment lue à la Comédie-Française dans le cadre du bureau des lecteurs, possède une écriture acerbe qu’on retrouve chez beaucoup d’auteurs actuels comme, entre autres , chez l’Allemand Marius Von Mayenburg.
La mise en scène de Guillaume Doucet joue avec les codes de sitcom, le jeu est rapide et outré, le
comique de répétition et de situation du texte sont bien rendus par les comédiens: on sait que l’on peut
s’attendre à tout. Ils évoluent dans une structure fermée par un petit muret, un encadrement de porte et un miroir qui donne son nom à la pièce. Derrière, on devine les comédiens qui se préparent à entrer en scène et la régisseuse qui prépare les accessoires, ce qui accentue l’effet plateau télé. Le travail des acteurs est plutôt bon, même si certains tirent mieux leur épingle du jeu ,comme la mère ou le père (Philippe Bodet et Gaëlle Héraut). Kwesi, le personnage « de couleur » comme le qualifie la mère, est joué par un comédien d’origine asiatique...
Avec Mirror Teeth, on croit pénétrer d’abord dans un vaudeville classique mais, très vite et heureusement, tout se déchaîne et cette famille de la classe moyenne, assez monstrueuse, se sort de toutes les situations avec une mauvaise foi et un cynisme qui font rire jaune !
Julien Barsan
Tous les jours à 14h15 à La Manufacture,
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Ajouté le 22 juillet, 2014 à 7:34