Haeeshek Je te (sur) vivrai par El Warsha
El Warsha (l’Atelier), créé en 1987 par Hassan El Geretly, regroupe de grands artistes égyptiens: musiciens, comédiens professionnels mais aussi des gens du peuple qui ont ressuscité d’anciennes traditions populaires autour d’une collecte de contes, de récits de vies brisées par les guerres, tout en revenant à d’anciennes traditions de la geste hilalienne en arabe classique.
El Warsha qui rayonne dans toute l’Égypte et bien au-delà, a été étroitement associé aux luttes de la place Tahrir depuis janvier 2011. C’est en effet une sorte de cabaret né des témoignages relatifs aux fameux « 18 jours » qui ont abouti à la chute du président Hosni Moubarak et qu’a recueillis Shady Atef, un jeune écrivain qui a ensuite insufflé cette mémoire récente à cinq personnages et autant de monologues
Dix-huit comédiens et musiciens pénètrent sur le plateau et se placent sur des chaises disposées en demi cercle. Sur une grand écran, à jardin, une phrase : « Il vient une heure où protester ne suffit plus. Après la philosophie, il faut l’action ! La vive force achève ce que l’idée a ébauché …»
Hassan El Geretly introduit en français le récit de ses camarades dans les scènes en arabe avec traduction sur écran. Haeeshek est tout à fait remarquable de virtuosité dramatique, comique, tragique et toujours musicale pour dépeindre une réalité inquiétante mais jamais désespérante.
De l’histoire du chauffeur de taxi malade, qui se fait rouler quand il a payé un pot-de-vin pour récupérer son permis de conduire, à d’autres bien plus anciennes, comme la reconquête du canal de Suez, le déménagement des Nubiens chassés par l’édification d’un barrage, ou encore l’accueil en musique de Valéry Giscard d’Estaing , mais aussi le deuil impossible d’une mère venue pleurer son fils à l’hôpital, la troupe fait éclater une force de vie qui disparaît de notre société occidentale où chacun reste rivé sur ses écrans.
Il faut féliciter Olivier Py d’avoir invité El Warsha !
Edith Rappoport
Cour de l’Université d’Avignon, dernière représentation ce soir 18 juillet à 22 h. (On pourra retrouver El Warsha cet hiver au Tarmac à Paris. warshatroupe@gmail.com
Festival d’ Avignon off:
Les Pendus par la compagnie Kumulus, spectacle de Barthélémy Bompard, texte de Nadège Prugnard.
Nous avions pu découvrir ces fracassants Pendus en 2009, sur une place en pente au festival d’Aurillac où il était difficile d’appréhender l’incroyable violence de ce texte sur la peine de mort.
La compagnie Kumulus a eu la bonne idée de le reprendre sur une scène frontale dans une cour calme d’un centre de la Croix-Rouge, à l’écart du tumulte avignonnais.
Sur le plateau, quatre potences attendent les quatre condamnés, deux hommes et deux femmes, les mains liées derrière leurs dos, qui entrent, précédés des deux bourreaux en costumes. On leur met la corde au cou et on les entend revivre les cauchemars de leur vies dans une langue violente et hachée par toutes leurs douleurs.
Quatre personnalités différentes, un punk maltraité par sa famille, une immigrée voilée venue chercher de quoi nourrir ses enfants, une actrice et un écrivain.
Ils revivent les cauchemars de leurs vies passées, « Osons la colère pour ne pas mourir (…) j’en appelle au désordre …! » On les pend, leurs corps se balancent, les croque-morts s’en vont, et les morts parlent : « Est-ce que la mort c’est la mollesse de la queue ? (…) On ne vit que deux fois, la première quand on naît, la deuxième quand on meurt ! «
Le texte qui a de belles fulgurances poétiques, est d’une grande crudité et mitraillé avec virtuosité par Barthéléy Bompard, Thérèss Bosc, Céline Damiron et Nicolas Quillard « Ce n’est pas moi qui me tue, c’est la société qui me suicide ! (…) J’aurais voulu un monde où on ne me juge pas à la couleur de ma peau ! »
Après leur mort, on décroche les cadavres, c’est enfin la catharsis qui nous apaise avec un negro spiritual.
Edith Rappoport
Cour de la Croix-Rouge 6, rue Pont Évêque jusqu’au 20 juillet à 18 h 30. T: 06 37 89 74 28