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Festival d’Avignon in:
Archive, chorégraphie d’Arkadi Zaides
Originaire de Biélorussie, Arkadi Zaides rejoint Israël en 1990, et intègre la Batsheva Dance Compagny. Rendre compte, mettre en mouvement, en son, les violations des droits palestiniens par l’armée, les colons, le gouvernement, la justice, c’est à partir de ce contexte tragique et oh! combien d’actualité, qu’Arkadi Zaides nous convie à cette création sensible et pertinente au moment où la situation israélo-palestinienne explose cruellement à nouveau.
Mission artistique, éthique et politique : « Son fil rouge : le vivre ensemble dans un environnement partagé et conflictuel. » Arkadi Zaides a élaboré sa chorégraphie à partir des images filmées par l’association B’Tselem qui, dit-il : « a développé une nouvelle modalité d’action en confiant des caméras aux Palestiniens des zones occupées…et les faire entendre, les monter est apparu comme un acte de résistance important. (….) La fonction principale de ces images est de servir de preuve. Leur vocation est d’abord et avant tout de témoigner. »
Mission accomplie. Pas à pas, sur un rythme lent, répétitif au début, qui s’accélère ensuite peu à peu, nous quittons notre simple état de spectateur pour devenir témoin des provocations et persécutions qui ne cessent depuis tant d’années d’habiter le quotidien des Palestiniens résidant dans les zones occupées.
Tour à tour, sur l’écran placé un peu en retrait côté cour: des images vidéos : jets de pierre, champs d’oliviers détruits, colons masqués, bagarres, agressions sur des enfants, au gaz lacrymogène sur fond sonore de cris, d’insultes, « violence exprimée par les voix », ou dans le silence ….
Et face à ces « tableaux vivants », extrêmement dérangeants : le danseur seul et son regard, le danseur et son corps, le danseur et son interrogation, sa révolte… qui font sortir de la vidéo les personnages et leur gestes, à travers son propre corps dansant : « Comment le corps, dit Arkadi Zaides devient un médium à travers lequel on appréhende et interroge la situation politique en Israël… ». Question qui, depuis cinq ans, participe de son parcours artistique.
Dans un décor dépouillé, la chorégraphie d’Arkadi Zaides n’est pas loin parfois de la performance. Avec trois espaces : « l’écran où sont projetées les vidéos, le public assis en face et moi-même, entre les deux …. Mon corps change la façon dont ces images sont perçues, et permet d’opérer des focus, de placer les choses dans une nouvelle perspective ».
Montrer les répercussions de l’Occupation: comme en témoigne cette recherche sur le danseur, qui, tout au long de la représentation, accumule, enchaîne, restitue toutes les gestuelles et les sons extraits de chaque vidéo, et semble entrer en transe, pour tenter de capter physiquement et au plus profond cette violence, et nous la faire partager publiquement.
Gestes, sons, pour «au-delà du cas israélo-palestinien, s’interroger sur la violence dans une perspective plus universelle et éveiller la conscience, éthique, politique et citoyenne ».
Elisabeth Naud
Tinel de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon