Breizh Kabar
Festival Interceltique de Lorient
Breizh Kabar par le Kevrenn Alré (Bagad et Cercle d’Auray), et la Saodaj’ (Mayola Nomade, Île de la Réunion et Firmin Viry et sa famille).
L’histoire du peuplement de La Réunion (350 ans!) relie dès le début, la Bretagne et de La Réunion, puisque de nombreux Bretons sont allés par la mer s’installer dans l’île, quand d’autres préféraient poursuivre leur passage sur la route des Indes.
La famille Viry, famille rurale et réunionnaise, dont le père Firmin est le chef tonique et la grande figure de la culture maloya, est un groupe musical qui concerne tous ses membres. Les Viry se sont en effet attachés à collecter et à retranscrire les richesses de la culture de leur île, et, c’est grâce à cette famille, qu’a pu resurgir la musique traditionnelle créole, la maloya.
Mais les pouvoirs publics voyaient d’un mauvais œil cette forme artistique issue de l’esclavage, mouvement de révolte et symbole profane d’un rite sacré et confidentiel, le kabaré, le culte des ancêtres , et essentiel à la communion avec les esprits.
Le spectacle provient du métissage de ces deux cultures: la maloya réunionnaise et le fest-noz breton, (danse et musique) inscrites au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Le fest-noz comme la maloya traduisent un moment convivial de chants et de danses, à travers les travaux et les saisons qui passent. Ce soir-là, les frères Morvan se lancent dans un kan-ha-diskan des plus virulents, et un jeune chanteur d’Auray fait preuve d’un talent prometteur.
Le métissage s’accomplit à travers les musiques qui résonnent et les corps qui dansent, expression privilégiée d’un chemin artistique commun. Aujourd’hui, le jeune groupe réunionnais Saodaj’ s’associe à la famille Viry pour cette rencontre avec le Bagad et Cercle d’Auray, la Kevrenn Alré.
Saodaj’ signifie « l’épine amère et douce » qui s’implante sans douleur dans le corps et l’âme de celui qui écoute. Le groupe Saodaj’ (Marie Lanfroy, Jonathan Itema, Fodé Cipriano, Laurence Courounadin Mouny) chante dans la tradition du verbe et de la musique créole réunionnais, avec une inspiration puisée dans le Maloya, à partir des sonorités de l’harmonium, des tambours et des vibrations primitives du Yidaki (Didgeridoo).
Ce beau voyage onirique s’accomplit à travers une transe contemporaine avec les percussions réunionnaises et les baticongas. Saodaj’ se fond alternativement dans l’univers maloya et s’en échappe. Quant à la Kevrenn Alré, un ensemble musical traditionnel, contemporain et ouvert au monde, il sait depuis longtemps faire voyager les imaginaires
La culture bretonne épouse naturellement les expressions artistiques, éloignées en apparence mais qui se révèlent en être souvent proches : jazz, classique, rock et autres musiques populaires. Les influences de ses chefs de file, Fabrice Lothodé, Julien Le Blé, Gweltaz Rialland, Loïc Le Cotillec sont nombreuses.
Spectacle musicalement somptueux, avec son penn-soner et son bagad d’interprètes de cornemuses, bombardes, caisses claires et clarinettes: la formation musicale traditionnelle sait s’assumer en tant que telle , et se couler dans la modernité de son temps, en jouant de rythmes nouveaux, et en s’amusant de brisures et de cassures…
Juste un bémol: il y a un côté muséal du cercle de danse qui ne trouve pas vraiment sa place de spectacle traditionnel, renouvelé et vivant. La chorégraphie offre ainsi au public une reproduction mimétique des gestes de travail et des figures de danse de fest-noz, trop illustratives et souvent proches de l’ amateurisme, malgré la qualité des interprètes. Avec un écart entre une musique reine et une danse qui n’arrive pas à s’imposer sur la scène.
Véronique Hotte
Grand Théâtre de Lorient, le 9 août.