opéra chinois pour touristes

Opéra chinois pour touristes

Plaisir et obligation du visiteur en Chine : une soirée d’opéra. Disons, de cabaret. À Xi An (bien prononcer les deux syllabes), on vous propose un immense restaurant, face à une grande scène. Un couple de présentateurs, costumés, évoque les anciens fastes impériaux.
Suivent des numéros d’une incontestable qualité : de fines danseuses vous présentent leurs impeccables « danses du printemps et de la pluie », ou  L’Histoire de la princesse hirondelle, avec leurs gracieux (et un peu lassants au bout d’un moment) effets de longues manches flottantes et de voiles, sur fond de projections vidéo dans les mêmes couleurs de bonbons anglais.
L’orchestre de cymbales qui suit,  d’une incroyable virtuosité, fait alterner éclats retentissants et murmures subtils du métal, dissonances et roucoulements. Un musicien siffleur communique son plaisir de jouer et fait rire un public qui n’a pas toutes les clés (mais les numéros sont présentés en chinois et en anglais).
Bref, l’honorable étranger est content de sa soirée.
Il avait eu un aperçu de ce genre de spectacle à Hohot, capitale de la Mongolie-Intérieure : sous le dôme d’une salle reproduisant  » la yourte de Gengis Khan », donc démesurée, orchestres d’instruments traditionnels, danses viriles, scènes parfois hermétiques pour l’Européen de passage (ici, le spectacle n’est pas bilingue), épopées chantées avec une orchestration qui relèverait plutôt de la variété italienne, violon à une corde électrifié…

Le touriste doit s’y faire : il n’aura droit d’accéder à l’authentique que par le filtre du folklore. Et cela, pour lui faire plaisir : tout y est, pour lui, inutilement sonorisé, orchestré selon les codes de la très monotone variété internationale. Sous cette lourdeur, la source, religieuse (pour l’orchestre de cymbales), historique (l’incarnation d’une danse très ancienne dont il ne reste que les figurines Tang), est encore vive.
Il reste de beaux moments d’une culture traditionnelle habitée, et une esthétique hétéroclite de la surenchère par l’excès de bruit, de couleurs, d’accumulation décorative,  qui n’a pas encore tout noyé.

Pour le moment, la masse des touristes en Chine est chinoise. En bonne dialectique, le pays a fait table rase de la Révolution culturelle pour mener à bien sa dernière révolution : celle du tourisme (en même temps que celle de l’écologie, mais ceci est une autre histoire). Il reconstruit, comme cela s’est toujours fait au fil des siècles, temples, jardins et palais,et  aménage des accès pour gérer le flux des visiteurs.
Mais, en matière de spectacle, le touriste n’aura jamais que ce qu’il mérite : des produits faits pour lui, censés plaire statistiquement au plus grand nombre. Tant pis pour le touriste français qui aime tant… ne pas être un touriste et échapper au spectacle pour touristes…

Christine Friedel


Archive pour 14 août, 2014

opéra chinois pour touristes

Opéra chinois pour touristes

Plaisir et obligation du visiteur en Chine : une soirée d’opéra. Disons, de cabaret. À Xi An (bien prononcer les deux syllabes), on vous propose un immense restaurant, face à une grande scène. Un couple de présentateurs, costumés, évoque les anciens fastes impériaux.
Suivent des numéros d’une incontestable qualité : de fines danseuses vous présentent leurs impeccables « danses du printemps et de la pluie », ou  L’Histoire de la princesse hirondelle, avec leurs gracieux (et un peu lassants au bout d’un moment) effets de longues manches flottantes et de voiles, sur fond de projections vidéo dans les mêmes couleurs de bonbons anglais.
L’orchestre de cymbales qui suit,  d’une incroyable virtuosité, fait alterner éclats retentissants et murmures subtils du métal, dissonances et roucoulements. Un musicien siffleur communique son plaisir de jouer et fait rire un public qui n’a pas toutes les clés (mais les numéros sont présentés en chinois et en anglais).
Bref, l’honorable étranger est content de sa soirée.
Il avait eu un aperçu de ce genre de spectacle à Hohot, capitale de la Mongolie-Intérieure : sous le dôme d’une salle reproduisant  » la yourte de Gengis Khan », donc démesurée, orchestres d’instruments traditionnels, danses viriles, scènes parfois hermétiques pour l’Européen de passage (ici, le spectacle n’est pas bilingue), épopées chantées avec une orchestration qui relèverait plutôt de la variété italienne, violon à une corde électrifié…

Le touriste doit s’y faire : il n’aura droit d’accéder à l’authentique que par le filtre du folklore. Et cela, pour lui faire plaisir : tout y est, pour lui, inutilement sonorisé, orchestré selon les codes de la très monotone variété internationale. Sous cette lourdeur, la source, religieuse (pour l’orchestre de cymbales), historique (l’incarnation d’une danse très ancienne dont il ne reste que les figurines Tang), est encore vive.
Il reste de beaux moments d’une culture traditionnelle habitée, et une esthétique hétéroclite de la surenchère par l’excès de bruit, de couleurs, d’accumulation décorative,  qui n’a pas encore tout noyé.

Pour le moment, la masse des touristes en Chine est chinoise. En bonne dialectique, le pays a fait table rase de la Révolution culturelle pour mener à bien sa dernière révolution : celle du tourisme (en même temps que celle de l’écologie, mais ceci est une autre histoire). Il reconstruit, comme cela s’est toujours fait au fil des siècles, temples, jardins et palais,et  aménage des accès pour gérer le flux des visiteurs.
Mais, en matière de spectacle, le touriste n’aura jamais que ce qu’il mérite : des produits faits pour lui, censés plaire statistiquement au plus grand nombre. Tant pis pour le touriste français qui aime tant… ne pas être un touriste et échapper au spectacle pour touristes…

Christine Friedel

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