festival d’aurillac: les spectacles
Festival d’Aurillac 2014
Docteur Dapertutto, direction artistique et mise en scène de Mauricio Celedon, composition et direction musicale Jorge Martinez Flores
Régulièrement invité ici (on se souvient de Taca Taca mon amour et de Malasangre…), Mauricio Celedon fait l’ouverture du Festival avec le défilé d’une foule dépenaillée hurlante, qui pousse de grandes cages environnées de flocons de neige savonneuse, où sont enfermés des prisonniers,.
Docteur Dapertutto, c’était le surnom adopté par Vsevolod Meyerhold, immense metteur en scène qui fit son miel de la Révolution d’octobre. Il bouleversa radicalement les conceptions et les théories du théâtre, mais fut assassiné par Staline en 1940, à cause de son engagement total dans la Révolution d’Octobre.
Douze acteurs acrobates et une trentaine de stagiaires formés en quelques jours, entraînent la foule dans une geste émouvante vers la place des Carmes ou se déroule à 17 h la représentation gratuite qui a été prise d’assaut très à l’avance par des centaines de spectateurs.
D’abord gênés par la foule, nous avons pu enfin voir des acrobaties poétiques et musicales sur de grands trapèzes, la mise dans les flammes de deux personnages au lointain. La voix de Julie Byreye accompagnée de celle de Jean-Paul Beirieu et François Morel, aidaient l’envol des artistes.
Impossible de relater dans les détails cette vibrante épopée de la vie de Meyerhold inspirée par le livre de Béatrice Picon-Vallin, mais ce Docteur Dapertutto a créé une belle émotion…
Choir , écriture, trajectoire et mise en scène de Didier Manuel
Créé en 1992 par Didier Manuel, plasticien, comédien et metteur en scène, Materia Prima Art Factory s’est installé en 99 dans une friche artistique et culturelle le Totem, où elle vit, travaille et organise des événements, soirées, festivals, colloques.
Choir se joue sur le parvis d’un grand centre commercial. Avec, au fond, un plateau d’où partent les musiques et les commentaires qui orchestrent la soirée. Au jardin, une rangée de caddies et une grosse berline avec chauffeur.
On demande à des spectateurs de venir pousser des caddies, et de porter des sacs de supermarché. Et une quinzaine d’acteurs s’emparent à leur tour de caddies, entièrement nus, hommes comme femmes et entreprennent une bacchanale commerciale, ronde sans fin d’une soixantaine de caddies, chorégraphiée avec rigueur, au rythme des musiques chorales envoyées du plateau.
Certains des acteurs sont tatoués des pieds aux épaules. L’émotion surgit parfois de cette singulière performance qui se termine avec l’arrivée de deux élévateurs qui emportent les danseurs à une dizaine de mètres de hauteur. Mais la dimension critique sur notre monde jetable reste malheureusement absente de cette belle performance musicale et chorégraphique.
www.totem.totem.com
Cinérama par l’Opéra Pagaï, conception, écriture et mise en scène de Cyril Jaubert
Nous sommes attablés sur une place d’Aurillac et on vient nous distribuer des écouteurs que nous devons partager pour devenir voyeurs et comprendre ce qui se passe dans le quotidien de cette ville. Deux scénaristes sont en train de préparer un film, invisible pour qui n’entend pas les commentaires, mais hilarant pour ceux qui les entendent. L’argument: le départ à la retraite de Tony, garçon de café aimé de ses clients, dont le salaire n’a jamais été augmenté…
Mais il y a aussi un ouvrier qui se fait refuser un prêt par sa banque, et est poursuivi amoureusement par l’employée qui le lui a refusé. Un chanteur amateur est empêché d’aller répéter par sa compagne vieillissante et aigrie, mais elle se radoucit et se fait tout miel. Un amoureux éperdu tentant de charmer une apparition à la fenêtre…Des amis se sont réunis au café…
Bref, rien que de très ordinaire, mais hilarant pour ceux qui entendent, alors que les autres ne voient rien. Et on revient régulièrement à l’écriture du scénario en cours, que retenir, que choisir ? Les sept acteurs nous ont régalés. Après Safari Intime, vu il y a deux ans à Aurillac, Cyril Jaubert réussit un coup de maître. Intégré dans le quotidien de la ville avec un théâtre invisible et léger, il triomphe sans forfanterie.
Ersatz de et par Constance Biasoto et Elsa Mingot
C’est une recherche sur l’effondrement des modèles ! Dans un espace jonché de petits bouts de bois, trois actrices se précipitent à tour de rôle pour tirer d’un bocal, des papiers qui témoignent de situations acceptées ou refusées par les deux autres : reconstruire, se défouler, faire table rase.
Mais les tableaux à peine esquissés se succèdent sans réussir à éveiller l’intérêt ! Une seule séquence émouvante: le récit d’une sœur disparue et retrouvée au bout de vingt ans, sans un mot de commentaire sur son absence. Mais est-il vraiment indispensable d’ affronter un public avant d’avoir terminé un spectacle ? Cet Ersatz porte trop bien son nom !
Animal sentimental par l’Illustre Famille Burattini.
Madame Rita est à la caisse; particulièrement revêche, elle vitupère contre les spectateurs qui font longuement la queue avant de pénétrer dans le bel espace derrière la caravane, sous les arbres. Burattini raconte ses exploits, ses tournées fantastiques, mais c’est Rita qui tient le haut du pavé...
C’est elle qui installe, manipule, assure les effets magiques avec les animaux savants et qui se perd dans une émotion larmoyante, à l’évocation de sa défunte grand-mère.
La magie du théâtre forain opère une fois de plus, grâce à la gouaille magistrale de ce couple étonnant. Mais ce spectacle encore fragile doit mûrir pour trouver son véritable équilibre.
Edith Rappoport