Entretien avec Aurélie Dupont à Tokyo

Entretien avec Aurélie Dupont à Tokyo
 À propos de sa dernière création, Sleep, chorégraphie de Saburo Teshigawara.Aurélie Dupont, danseuse-étoile à l’Opéra de Paris, sera maître de ballet de l’Opéra de Paris à partir de novembre prochain.
photoJ. C: Comment avez vous rencontré Saburo Teshigawara pour ce projet?
A.D. : En 2006, j’ai vu pour la première fois son travail à l’Opéra de Paris, avec Air ; j’ai trouvé cela très beau.
En septembre dernier, Brigitte Lefèvre m’a dit qu’il  allait  faire une création à l’Opéra, et qu’il aimerait travailler avec moi, j’ai répondu : « Bien sûr,  on y va ! »
Je savais qu’il demandait pas mal d’improvisation, c’était quelque chose qui pouvait m’effrayer un peu mais, comme je suis attirée par ce que je ne sais pas faire, j’ai eu très envie de collaborer avec lui.
Nous nous sommes vus l’hiver dernier et nous avons créé Darkness is hiding black Horses. J’ai adoré sa façon de m’amener très doucement à improviser et je me suis sentie à l’aise. En mars, il m’a parlé d’un nouveau projet pour cet été, au Japon, avec sa compagnie ; j’ai dit oui, tout de suite.
Humainement, c’est quelqu’un de très généreux, nous avons eu de longues discussions et j’ai aimé son travail chorégraphique.
- On sent dans ce spectacle une véritable volonté de constituer un groupe cohérent sans «stars» qui se différencieraient les unes des autres. Cela vous a-t-il plu?
- A. D. : En danse contemporaine, on rencontre moins cette différentiation, cette question de premier rôle ou de second rôle ; il suffit de voir les spectacles de Pina Bausch, par exemple. Dans Sleep, personne n’a la vedette, même pas Saburo en tant que chorégraphe : il y a des solos, pour moi comme pour lui ou pour Rihoko. Il s’agit surtout de former un groupe, d’être ensemble, plutôt que de se mettre en avant, et cela me va très bien : si je m’étais sentie superstar, cela m’aurait mise mal à l’aise, je pense. C’était intéressant pour lui ce mariage entre le classique et le contemporain, mais ce n’était pas l’objet principal de notre cohabitation.
- Il existe un moment étonnant dans Sleep, qui est la déconstruction d’un  ballet classique, Casse-Noisette. Cela vous a-t-il étonné?
A. D. : Saburo Teshigawara est quelqu’un qui a beaucoup d’humour. Il a la sagesse des hommes qui ont cent cinquante ans et, en même temps, il a l’humour d’un enfant. Il a une grande rigueur et, à l’intérieur de cette rigueur, beaucoup d’improvisation.

-: C’est un créateur complet : chorégraphe, danseur, costumier et  scénographe. Vous êtes danseuse étoile et vous allez devenir prochainement maître de Ballet  à l’Opéra de Paris . Avez-vous le projet de faire une chorégraphie?
 

AD: Non, pas du tout. Je pense que ce sont deux métiers différents. Je n’ai jamais rencontré d’excellents danseurs-étoiles qui réalisaient d’excellentes chorégraphies. Pina était une très bonne  danseuse dans ses  créations, mais c’est un cas rare. Je serais capable de créer un solo ou un duo, mais pas une pièce pour , plusieurs danseurs.

- Au Japon, vous êtes une icône, comme tous les danseurs de l’Opéra de Paris (on ne se rend pas compte, en France, de cette dimension!). Danser du contemporain ici, était-il aussi pour vous une volonté de casser cette image?
 

A.D. : Non pas du tout. Cette image, je l’ai déjà cassée dans la maison-mère. En ce qui concerne l’ouverture de ce pays à la danse contemporaine, je suis déjà venue au Japon, danser au Festival des meilleurs danseurs du monde, qui a lieu tous les trois ans, et j’y ai souvent apporté des pièces contemporaines, pour former le public japonais à cette danse.
- : Ce spectacle japonais aurait-il un avenir en France?
 AD: Je pense que cela se fera. Saburo en a envie, moi également. Et Saburo est très connu en Europe.
-: Une dernière question, à propos de la critique de danse qui est de moins en moins assurée   dans la presse écrite,  et de plus en plus, par des sites individuels ou des collectifs de critiques, qu’en pensez vous?
A.D. : Pour moi,  il est difficile d’être un bon critique de danse. Je me suis souvent trouvée en conflit avec des critiques de danse classique, car je n’étais pas d’accord sur le fait qu’ils parlaient d’un ballet, sans en connaître l’histoire!
A la limite, comme je vous le disais, je ne crois pas qu’un danseur-étoile puisse devenir chorégraphe, mais je pense qu’un bon-danseur étoile peut devenir un bon critique.
 
Jean Couturier
 Tokyo Metropolitan Theater le 15 août.

 


Archive pour 27 août, 2014

Entretien avec Aurélie Dupont à Tokyo

Entretien avec Aurélie Dupont à Tokyo
 À propos de sa dernière création, Sleep, chorégraphie de Saburo Teshigawara.Aurélie Dupont, danseuse-étoile à l’Opéra de Paris, sera maître de ballet de l’Opéra de Paris à partir de novembre prochain.
photoJ. C: Comment avez vous rencontré Saburo Teshigawara pour ce projet?
A.D. : En 2006, j’ai vu pour la première fois son travail à l’Opéra de Paris, avec Air ; j’ai trouvé cela très beau.
En septembre dernier, Brigitte Lefèvre m’a dit qu’il  allait  faire une création à l’Opéra, et qu’il aimerait travailler avec moi, j’ai répondu : « Bien sûr,  on y va ! »
Je savais qu’il demandait pas mal d’improvisation, c’était quelque chose qui pouvait m’effrayer un peu mais, comme je suis attirée par ce que je ne sais pas faire, j’ai eu très envie de collaborer avec lui.
Nous nous sommes vus l’hiver dernier et nous avons créé Darkness is hiding black Horses. J’ai adoré sa façon de m’amener très doucement à improviser et je me suis sentie à l’aise. En mars, il m’a parlé d’un nouveau projet pour cet été, au Japon, avec sa compagnie ; j’ai dit oui, tout de suite.
Humainement, c’est quelqu’un de très généreux, nous avons eu de longues discussions et j’ai aimé son travail chorégraphique.
- On sent dans ce spectacle une véritable volonté de constituer un groupe cohérent sans «stars» qui se différencieraient les unes des autres. Cela vous a-t-il plu?
- A. D. : En danse contemporaine, on rencontre moins cette différentiation, cette question de premier rôle ou de second rôle ; il suffit de voir les spectacles de Pina Bausch, par exemple. Dans Sleep, personne n’a la vedette, même pas Saburo en tant que chorégraphe : il y a des solos, pour moi comme pour lui ou pour Rihoko. Il s’agit surtout de former un groupe, d’être ensemble, plutôt que de se mettre en avant, et cela me va très bien : si je m’étais sentie superstar, cela m’aurait mise mal à l’aise, je pense. C’était intéressant pour lui ce mariage entre le classique et le contemporain, mais ce n’était pas l’objet principal de notre cohabitation.
- Il existe un moment étonnant dans Sleep, qui est la déconstruction d’un  ballet classique, Casse-Noisette. Cela vous a-t-il étonné?
A. D. : Saburo Teshigawara est quelqu’un qui a beaucoup d’humour. Il a la sagesse des hommes qui ont cent cinquante ans et, en même temps, il a l’humour d’un enfant. Il a une grande rigueur et, à l’intérieur de cette rigueur, beaucoup d’improvisation.

-: C’est un créateur complet : chorégraphe, danseur, costumier et  scénographe. Vous êtes danseuse étoile et vous allez devenir prochainement maître de Ballet  à l’Opéra de Paris . Avez-vous le projet de faire une chorégraphie?
 

AD: Non, pas du tout. Je pense que ce sont deux métiers différents. Je n’ai jamais rencontré d’excellents danseurs-étoiles qui réalisaient d’excellentes chorégraphies. Pina était une très bonne  danseuse dans ses  créations, mais c’est un cas rare. Je serais capable de créer un solo ou un duo, mais pas une pièce pour , plusieurs danseurs.

- Au Japon, vous êtes une icône, comme tous les danseurs de l’Opéra de Paris (on ne se rend pas compte, en France, de cette dimension!). Danser du contemporain ici, était-il aussi pour vous une volonté de casser cette image?
 

A.D. : Non pas du tout. Cette image, je l’ai déjà cassée dans la maison-mère. En ce qui concerne l’ouverture de ce pays à la danse contemporaine, je suis déjà venue au Japon, danser au Festival des meilleurs danseurs du monde, qui a lieu tous les trois ans, et j’y ai souvent apporté des pièces contemporaines, pour former le public japonais à cette danse.
- : Ce spectacle japonais aurait-il un avenir en France?
 AD: Je pense que cela se fera. Saburo en a envie, moi également. Et Saburo est très connu en Europe.
-: Une dernière question, à propos de la critique de danse qui est de moins en moins assurée   dans la presse écrite,  et de plus en plus, par des sites individuels ou des collectifs de critiques, qu’en pensez vous?
A.D. : Pour moi,  il est difficile d’être un bon critique de danse. Je me suis souvent trouvée en conflit avec des critiques de danse classique, car je n’étais pas d’accord sur le fait qu’ils parlaient d’un ballet, sans en connaître l’histoire!
A la limite, comme je vous le disais, je ne crois pas qu’un danseur-étoile puisse devenir chorégraphe, mais je pense qu’un bon-danseur étoile peut devenir un bon critique.
 
Jean Couturier
 Tokyo Metropolitan Theater le 15 août.

 

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