Cirquélix/La Passante

Festival d’Aurillac:

Cirquélix par la compagnie La Passante

  201406242118-fullCela se passe dans  la cour de l’institution Saint-Eugène, un grand lycée privé, pas très loin du viaduc.  Il y  a une centaine de spectateurs debout sur le sol goudronné et, du moins au début, constamment arrosée par un jet d’eau, une grande spirale  faite de coquille vides d’escargots, mise en abyme évidente de la structure de l’animal lui-même.
L’énigmatique gastéropode est,  on le sait, symbole de lenteur: nous sommes donc accueillis avec la plus grande lenteur  par quatre jeunes femmes en escarpins et robe noire qui « veulent  (sic) reprendre la mesure de l’humain, du rapport de personne(s) à personne(s) dans un autre temps »  … « L’animal fauve de ce cirque est un escargot. C’est lui qui donnera le tempo, aussi lent que lorsqu’il rampe, aussi rapide que lorsqu’il s’enroule dans sa coquille ».
L’hermaphrodite, se promène donc avec lenteur  sur les bras, le cou ou les jambes de chacune, c’est selon, et sème la trace indélébile de  son passage..
. Le temps semble se figer et force le public à adopter un autre regard.  Nous sommes debout et contraints  de regarder les soi-disant performances circassiennes de ces mignons petits fauves qui travaillent au ralenti, sous les ordres de leur dompteuses.
Il nous faut donc moduler notre propre espace pour saisir et comprendre l’enjeu de ce Cirquélix installé sur quatre petits plateaux ronds de velours rouge, soit en restant auprès d’une des dompteuses, soit en allant aussi voir le travail des autres.

Elles nous nous proposent des numéros de prestidigitateurs  ou  de domptage: le fauve est lâché et fait son entrée sur la piste, etc…  Transporté par hélicoptère, un escargot est suspendu dans les airs et réalisera la performance de battre dans un grand bocal son record d’apnée, il y a aussi des portées acrobatiques, et quelques numéros de voltige du moins quand l’animal le veut bien.
« Etrange cirque chimérique » dit la note d’intention. Soit… mais gastéropode oblige, le temps est bien long,  surtout debout et dans l’humide nuit d’Aurillac. Quelques spectateurs commencent à prendre avec la lente audace  qui sied ici, le chemin de la sortie… et nous aussi.

Laura Dauzonne

 


Archive pour 28 août, 2014

Hagati Yacu

Festival d’Aurillac

Hagati Yacu

course-MLDalila Boitaud-Mazaudier et Cécile Marical ont travaillé longuement, avec l’écrivain Boubacar Boris Diop à l’écriture et à la conception artistique de Hagati Yacu (« Entre nous », en kinyarwanda). Un regard à la fois précis et indigné sur le génocide des Tutsi par les Hutu en avril 94. Elles en ont fait un spectacle  conçu pour un espace public en trois épisodes.
Quand on  a pas pu voir le premier, on commence par le second  dont le thème est:  que faisiez-vous en avril 94 ? Le Rwanda était loin des esprits : « Moi, je regardais le foot. Moi, je n’étais pas née, il faisait beau… » A l’autre question posée : qu’est-ce qu’un voisin ? Quelqu’un répond: « Un proche qui peut devenir le plus proche ennemi ».
Ces voix enregistrées disent mieux que tout,  la stupeur dans laquelle est tombée la nouvelle du massacre : cette inhumanité est si loin de notre humanité banale, l’écart entre ce que nous croyons être un homme,  et ce que sont les hommes.
La mise en scène associe à ces paroles fortes l’excitation attisée par la radio : tuez les tous, méthodiquement. M
ais le spectacle  est gâché par une mise en scène qui n’est  ni à la hauteur des mots ni des faits.
On comprend l’utilisation des palettes, sur scène  et pour asseoir le public qui est, du coup, en partie mêlé à l’action : elles peuvent représenter le nombre, l’efficacité industrielle du massacre. Et pourtant l’image est pauvre, à côté de ce qui est dit. Mimer la peur, la mort, la terreur de l’emprisonnement, faire vaguement jouer au public le rôle de prisonniers, est voué à l’échec.
On nous dira sans doute qu’il fallait voir la premier épisode pour apprécier le suivant : on peut attendre aussi que chacune ait son autonomie artistique et son sens propre.
 Le troisième épisode fonctionne de façon beaucoup plus convaincante et –qui ne se contredit jamais ?– bénéficie de la mémoire du second.
Dans un gymnase, des grandes bandes de toile blanche sont déployées qui  porteront la trace des corps massacrés. Enduits de sang rouge, de sang noir, plâtrés et blanc, les acteurs perdent toute identité, alors que justement  la question de l’identité est au centre du génocide : quel est ton nom ?
La transposition plastique répond avec force aux témoignages donnés par les comédiens qui encadrent la scène et le public. 
Parler de ces horreurs, en empêcher l’oubli : les auteurs et les interprètes sont devenus des militants de la mémoire du Rwanda, avec le soutien des associations  qui luttent pour  cette cause, et  pour une vigilance humaniste « Plus jamais ça » : c’est sans doute le rôle du théâtre dans l’espace public. C’est aussi le rôle de l’artiste d’être à la hauteur de son sujet. Et là, elle est vertigineuse…

Christine Friedel

Spectacle joué du 20 au 23 août.

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Graceland

Festival d’Aurillac

Graceland

theatrederue2014-theatre-de-rue-eclat-aurillac-bele-bele-gra_1715839Une station-service un peu à l’abandon, au bord d’une route, avec un grand Elvis en plastique légèrement déglingué. Du déjà vu,  ça vous a un petit côté Bagdad Café, film modeste des grandes solitudes et des grands espaces, et des tendresses de passage.
Grace, la tenancière, vit ici toute seule avec une animal de compagnie (une dinde imberbe…),  que veient voir  de temps en temps par Bernard et son camion. Échouent chez elle successivement un guitariste en panne de moto, puis une femme jetée là par son compagnon…
La vie s’organise, avec peu de mots. Ce ne serait pas grand-chose, si n’apparaissaient pas, la nuit, des êtres fantastiques, ours à vélo, renards écrasés reprenant vie (très jolie manipulations d’objets)… Mais le spectacle prend  son  rythme, et il y a surtout, au centre de ce quotidien lent et en marge, une comédienne d’une justesse et d’une simplicité parfaites.
Chantal Joblon n’en fait pas des caisses et  il lui suffit de ne pas relâcher une minute son énergie, avec une bienveillance et un humour chevillés au corps. Du coup, le spectacle est dôle, tendre, d’une lenteur qu’on n’a jamais envie de lui reprocher.
Il y a là des bons sentiments, et parfois pas de sentiments du tout, sur fond de musiques nostalgiques. Cette fois l’expression est juste : les personnages sont dans un « vivre ensemble » tout simple. Voilà un beau spectacle, d’une poésie retenue, pudique. Un spectacle de plein air plutôt  qui a besoin de ces espaces indéterminés qui entourent les villes, d’un bord de route un peu en friche, avec des arbres, et hors du temps.

Christine Friedel

Around

Festival d’Aurillac

Around

Le spectacle du groupe Tango Sumo  tient davantage du boléro, sans Ravel, que du tango : tout est construit sur une danse entêtante, répétitive, un ostinato qui monte au rythme accéléré des battements du cœur et de l’essoufflement.
Respirations, course, chutes et élévations : le groupe palpite, se défait, se refait, se traverse lui-même, toujours impeccablement solidaire, lié. Garçons et filles donnent la même énergie, gommant les individualités et laissant passer quelque chose des personnalités, ce qui n’est pas la même chose…

Et après ? Après, c’est tout. Un beau moment de danse contemporaine, qui bénéficie de la scénographie la plus simple et la plus juste qui soit : un carré, déterminé par de petites lampes au sol. Un carré qui permet de travailler avec force sur les directions, et donc sur les élans. Avec le public tout autour.
Le spectacle est à la fois très abstrait et très physique, précis, bien fait. C’est peut-être son défaut : beau travail sérieux et programme bien rempli…mais auquel il manque la petite déchirure qui ouvrirait à l’enthousiasme.

Christine Friedel


Stupeur et tremblement

Stupeur et Tremblement d’Amélie Nothomb, adaptation et  mise en scène de  Layla Metssitane.

photo

Nicolas Derné

  Le Théâtre du Blog avait salué à sa création, en 2010 au festival d’Avignon ce  spectacle qui  a connu une tournée en Amérique du Sud et en Amérique centrale. Avant de repartir pour les  Etats Unis et le Canada, il fait escale à Paris.
  Layla Metssitane nous entraîne dans le monde déshumanisé d’une entreprise japonaise en 1990: un milieu hostile, en particulier aux femmes et  qui avait fait  très vite connaître Amélie Nothomb à la sortie du livre  en 99.
Dans la première partie, Layla Metsitane nous surprend par son audace : voilée d’un niqab, elle évoque, en le retirant progressivement, les contraintes psychologiques et physiques que la société japonaise de l’époque imposait aux femmes:  «S’il faut admirer la Japonaise, dit Amélie Nothomb, c’est parce qu’elle ne se suicide pas!»
Le parallèle avec d’autres civilisations est aisé… Au fur et à mesure qu’elle se dévoile, Layla Metssitane maquille son visage afin de ressembler à une parfaite Nipponne. Transformée, elle nous fait basculer, en quittant une nuisette pour un tailleur  et des talons hauts, dans le récit d’Amélie Nothomb, quand elle est devenue Amélie-san, jeune interprète travaillant dans l’entreprise Yumimoto.
  Avec délicatesse et cruauté à la fois, l’actrice endosse les personnages qui entourent Amélie, dont mademoiselle Fubuki, symbole de toutes les soumissions morales et physiques. Dans la dernière partie, sur la musique du Boléro de Maurice Ravel, Layla Metssitane  se démaquille et retrouve son costume initial!
Cette musique correspond bien à  la chorégraphie minimaliste de ses gestes  quand elle se grime ou  incarne les différents personnages. Tout en grâce, elle a des mouvements de main qui donnent à voir ce que les mots ne peuvent exprimer. En cela, elle devient une vraie Japonaise,  et c’est très  beau.
Même si les mœurs ont  bien entendu évolué au Japon, ce monologue mériterait d’y être aussi vu…

Jean Couturier

Théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au 26 octobre.     

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